BOSTON - Les partisans des Sénateurs d’Ottawa qui peinent à composer avec l’image de Daniel Alfredsson dans l’uniforme des Red Wings de Detroit, seront heureux d’apprendre qu’ils ne sont pas seuls dans leur camp. L’ancien capitaine admet candidement avoir encore de la difficulté à réaliser qu’il a changé de club. Qu’il ne reconnaît pas toujours le chandail qu’il enfile maintenant tous les jours.

« J’ai encore des réactions de surprise quand je réalise quel chandail j’ai sur le dos. J’étais à la maison en fin de semaine avec mon frère, Bibi (son épouse) et les enfants. On regardait un match des Sens à la télé. Je fixais l’écran et je me demandais à quel moment j’allais apparaître », a lancé en riant Alfredsson que j’ai croisé à la sortie du vestiaire de sa nouvelle équipe lundi à Boston.

Fort d’une cinquième passe récoltée cette saison, une passe qui a permis à Daniel Cleary de marquer le troisième but des siens, Alfie a contribué à la victoire de 3-2 de son nouveau club aux dépens des Bruins.

Une victoire qui confère aux Wings l’exclusivité du deuxième rang dans l’Association Est derrière les Maple Leafs de Toronto, mais devant le Canadien de Montréal et les Bruins.

À l’aube de sa 18e saison dans la LNH et à l’approche de son 41e anniversaire de naissance (11 décembre), Daniel Alfredsson n’apprivoise pas seulement son nouvel uniforme. Il apprivoise aussi sa nouvelle vie. Autant sur le plan professionnel que sur celui de sa vie familiale.

« Je suis encore en mode apprentissage avec l’équipe. Et ça dépasse les nouveaux coéquipiers. Il faut se familiariser avec les habitudes de voyage, les politiques de l’équipe, les façons de faire lors des jours d’entraînement et de match. J’étais dans le moule des Sénateurs depuis 17 ans. C’est différent ici. C’est nouveau. Ce n’est pas meilleur ou pire. C’est seulement différent. Comme joueur, on développe des habitudes. Elles deviennent des routines. Ce n’est pas évident de les modifier après tant d’années », a convenu l’ailier droit.

Patrons satisfaits

Malgré cet apprentissage qui ne lui permet pas encore d’offrir son plein rendement selon sa propre analyse de ses performances, Daniel Alfredsson fait le bonheur de ses nouveaux patrons.

« Je savais très bien qui j’embauchais lorsque je lui ai fait notre offre l’été dernier », m’a indiqué Ken Holland, le directeur général des Red Wings que j’ai croisé sur la galerie de presse du TD Garden lors du deuxième entracte du match opposant son équipe aux Bruins.

En échange d’une entente d’une saison d’une valeur de 3,5 millions $ qui pourrait être moussée de deux autres millions selon les primes rattachées au contrat, les Wings attendent du travail de soutien de premier plan de la part d’Alfredsson.

« Notre philosophie d’équipe est simple. Nos joueurs ont le mandat d’épauler Pavel Datsyuk et Henrik Zetterberg qui sont le moteur de notre équipe. On veut qu’Alfredsson nous donne plus de production offensive lors des attaques massives. Nous avions une lacune sur ce plan l’an dernier – les Wings ont terminé 15e dans la LNH avec une efficacité de 18,4 %, 34 buts en 185 occasions. En plus, c’est un joueur intelligent. Il est responsable et peut remplir des mandats défensifs en cas de besoin. C’est cette polyvalence qui nous plaisait en lui », a ajouté Holland.

L’entraîneur-chef Mike Babcock a aussi découvert en Alfredsson un dépisteur de premier ordre.

« Il a passé 17 ans dans une association que je ne connais pas bien. Alfie connaît mieux que moi nos nouveaux rivaux de l’Est. Je me sers de lui pour obtenir des informations sur les styles de jeu de ces clubs, les habitudes de certains joueurs, leurs forces et leurs lacunes. Je serais bête de me priver de toutes ces informations qui m’aident à mieux préparer mon équipe », m’a indiqué Babcock.

Malgré ce respect qu’il voue à Alfredsson, Babcock, qui n’est pas l’entraîneur-chef le plus patient de la LNH avec ses combinaisons de trios, a déjà changé les affectations de son vétéran ailier droit.

« Il n’a pas vu beaucoup d’action au camp d’entraînement en raison d’une blessure qui le tenaillait. Son début de saison s’en est ressenti. On l’avait placé à la droite de Stephen Weiss et Johan Franzen. Ça n’a pas fonctionné. Les choses semblent mieux aller maintenant qu’il joue avec Joakim Andersson – l’un des huit Suédois des Red Wings – et Dan Cleary. Vous l’avez vu sur le but qu’il a préparé aujourd’hui. Il a réalisé une belle pièce de jeu en raison de son expérience et de sa vision. Cela dit, je n’hésiterai pas à envoyer Alfredsson en compagnie de Datsyuk et Zetterberg si je veux plus de punch à l’attaque à un moment donné. Je pourrais aussi lui donner un mandat tout défensif en lui demandant de couvrir un joueur en particulier en cas de besoin », a ajouté Babcock qui a offert 14:40 de temps d’utilisation à Alfredsson contre Boston.

Nouvelle ville, nouvelle vie

Bien qu’il ait levé le voile sur tout le processus de négociations qui a mené à son départ d’Ottawa, une mise à jour qui a fait bien mal paraître l’état-major des Sénateurs, Daniel Alfredsson refuse de critiquer son ancienne organisation.

« Je dois beaucoup aux Sénateurs, à leurs partisans, à la ville qui m’a accueilli à bras ouverts quand je suis arrivé dans la LNH. Une ville où sont nés mes quatre enfants. Je n’en veux donc pas à mon ancien club. Pas du tout. Je ne regrette toutefois pas ma décision. Une décision qui sourira autant à ma carrière qu’à ma famille je l’espère. »

À Detroit, les Alfredsson se sont installés dans une banlieue superbe qui plaît à toute la famille.

« Comme joueur de hockey, un changement d’équipe amène son lot d’ajustements. Comme père de famille, un changement d’équipe entraîne des ajustements beaucoup plus difficiles. Les enfants laissent des amis, des écoles, des vies. Ils reprennent tout à zéro. Heureusement, ça se passe bien. Ils se sont bien adaptés aux écoles et les gars ont vite repris leurs carrières au sein de nouvelles équipes de hockey. Je crois d’ailleurs que c’était le hockey qui les inquiétait le plus. Mais dans la région de Detroit, le hockey est très populaire. C’est ça de gagné », racontait Alfredsson avec soulagement.

Un œil sur Sotchi

Si le père de famille est soulagé, le joueur de hockey l’est tout autant. Ralenti par différentes blessures au cours des dernières années, Daniel Alfredsson est en santé cet automne. Le poids de ses 41 ans et des saisons qui s’accumulent font maintenant partie de son quotidien d’athlète. Mais il est en forme et en santé. Deux préoccupations qui dicteront sa décision de défendre, ou non, les couleurs de sa Suède natale lors des Jeux olympiques d’hiver à Sotchi en février prochain.

« C’est évident que j’aimerais être à Sotchi. Les Olympiques, c’est magique. C’est le plus beau et le plus gros tournoi de hockey qui soit. En plus, nous aurons encore une très bonne équipe au sein de laquelle je pourrais certainement remplir un rôle. J’ai d’ailleurs parlé avec les entraîneurs qui étaient de passage à Detroit récemment. Il y a un intérêt des deux côtés. Si je suis en forme, je tenterai certainement ma chance. Surtout que ce sera la dernière fois que je pourrai y aller en tant que joueurs. Mais si je traîne des blessures, ou que je sens que j’ai besoin d’un répit, je profiterai de la pause olympique pour refaire le plein. J’ai la chance de jouer au sein d’un club qui peut aspirer aux grands honneurs. Je tiens donc à être en mesure d’offrir mon plein rendement en fin de saison et en séries éliminatoires », a plaidé Alfredsson.

Des séries que le nouveau membre des Red Wings espère prolonger jusqu'au bout. Avec les Sénateurs, Daniel Alfredsson s’est rendu en finale de la coupe Stanley en 2007. Une coupe que lui et ses coéquipiers ont échappée aux mains des Ducks d’Anaheim.

Après 1184 matchs disputés dans la LNH, Daniel Alfredsson revendique 1113 points, dont 426 buts. Il affiche également un impressionnant différentiel de plus 151. Un de mieux que son capitaine et compatriote Henrik Zetterberg.

Alfredsson devra toutefois prolonger sa carrière et polir son jeu défensif s’il souhaite rejoindre son nouveau coéquipier Pavel Datsyuk qui affiche un différentiel de plus 233. Un différentiel qui explique à lui seul pourquoi le joueur de centre russe a remporté trois trophées Selke de suite entre 2008 et 2010 et pourquoi il est un candidat logique tous les ans.