Bien qu’ils auraient préféré le voir déployer tout son talent à Montréal, dans l’uniforme du Canadien plutôt que dans celui du Lightning de Tampa Bay, les partisans du Tricolore ont toujours bien accueilli Vincent Lecavalier depuis qu’il a fait le saut dans la LNH en 1998.

Cette amnistie dont Lecavalier a profité au fil des 15 dernières années pourrait bien prendre fin dès ce soir. Elle pourrait même prendre fin abruptement. Car s’ils ont toujours regardé le Lightning d’un bon œil, les fans du Canadien n’ont jamais prisé les Flyers. Ils les ont même toujours détestés.

À sa première visite au Centre Bell dans l’uniforme orange, Vincent Lecavalier sait qu’il n’y sera plus aussi bienvenu qu’avant. Que le petit gars de la place, celui qui aurait voulu suivre les traces de Jean Béliveau, ne sera plus considéré comme un ami. Mais bien comme un ennemi.

Lecavalier l’a réalisé le jour même de sa mise sous contrat alors que sa propre grand-mère a remis en question son choix d’équipe. « Elle m’a lancé que les Flyers jouaient pas mal cochons », a-t-il reconnu en riant lorsque je lui ai parlé jeudi.

Au lendemain de son premier match dans l’uniforme de sa nouvelle équipe, Vincent Lecavalier assurait qu’il se sentait très bien dans ses nouvelles couleurs, avec ses nouveaux coéquipiers. Et ce même s’il passait dans le camp des « méchants ».

Est-ce à dire qu’une fois drapé d’orange, Vincent Lecavalier pourrait devenir un Broad Street Bullie avec tout ce que ce qualificatif représente?

« Je n’irais pas jusque-là. Mais c’est vrai que cette équipe, avec ce qu’elle traine comme réputation, comme philosophie, ne laisse personne indifférent. J’aime avoir à composer avec cette haine à l’endroit des Flyers. Surtout qu’à Philadelphie, les Flyers sont vénérés. Je l’avais déjà senti lors des matchs préparatoires, mais lors du premier vrai match, c’était incroyable de sentir l’appui de la foule. C’était toujours difficile de venir affronter les Flyers à Philadelphie. J’ai compris davantage pourquoi en sentant l’énergie de la foule derrière nous contre les Leafs », expliquait Vincent Lecavalier.

Vincent Lecavalier et Jonathan BernierEntrée gâchée

Malgré ce survoltage, le gros joueur de centre québécois a essuyé un revers de 3-1 aux mains des Leafs dans le cadre de son premier match avec sa nouvelle équipe. Dans le revers, Lecavalier a toutefois confirmé qu’il demeurait un excellent fabricant de jeu en servant une passe savante à Brayden Schenn qui a marqué le premier but de la rencontre. Un but en avantage numérique. Le seul aux dépens de Jonathan Bernier qui s’est illustré à titre de première étoile.

« Jo a été sensationnel. Il a tout bloqué », a résumé Lecavalier qui compose, en début de saison, un duo avec le jeune et fougueux Wayne Simmonds. Un duo complété tantôt par Matt Read, tantôt par Brayden Schenn.

Nouveaux défis

Bien que les Flyers lui offrent tout ce qu’il espérait lorsqu’il a placé leur nom tout en haut de la liste des équipes avec qui il souhaitait poursuivre sa carrière, Vincent Lecavalier admet qu’il apprivoise toujours son changement d’organisation.

« Ça faisait quand même 15 ans que j’étais avec le même club. Dans la même ville. C’est ma première réorientation de carrière. Peut-être que les gars qui changent souvent de club s’habituent. Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que cela n’a pas été évident de tout laisser derrière à Tampa et de repartir en neuf ici à Philadelphie. Ça explique sans doute aussi pourquoi j’ai vécu une si grosse soirée mercredi. C’était un match très particulier à mes yeux », expliquait le grand et gros joueur de centre.

Bien qu’il ait gardé sa maison à Tampa, Vincent Lecavalier a fait migrer vers le nord son épouse et leurs trois enfants.

Il faut dire que Lecavalier, dont le contrat a été racheté à fort prix, l’été dernier, par le Lightning – 32 666 667 millions $ – n’a pas accepté un rôle de mercenaire avec les Flyers. Il a plutôt signé un contrat de cinq saisons (22,5 millions $) dont il entend profiter pour prouver qu’il a encore sa place parmi l’élite de la LNH.

Débarqué à Philadelphie avec une récolte de 874 points dont 383 buts en carrière, Lecavalier ajoutera bien des points à celui récolté dès sa première rencontre avec les Flyers. Les objectifs personnels passent toutefois loin derrière les objectifs collectifs. Le premier étant de replacer Philadelphie en séries éliminatoires.

« On a raté les séries l’an dernier et la pression est très forte pour corriger la situation dès cette année. Les Flyers ont accédé aux séries 17 fois lors des 20 dernières années. Il y a une tradition gagnante ici. La direction veut gagner, les gars veulent gagner, les fans veulent nous voir gagner. C’est vraiment le fun de composer quotidiennement avec ce défi. Cet objectif. C’est exactement ce que je recherchais. C’est pour ça que je suis heureux de me retrouver avec les Flyers », indiquait le Québécois âgé de 33 ans.

Lecavalier aurait pourtant pu remplir un rôle similaire et avec des défis identiques à relever avec plusieurs autres formations aux quatre coins de la LNH. Les Maple Leafs de Toronto, qui ont gâché son entrée à Philadelphie mercredi, auraient certainement pu bénéficier de la présence de Lecavalier au centre d’une attaque déjà redoutable qui le serait du coup devenue beaucoup plus.

« Les Leafs faisaient partie des huit à dix clubs que j’ai rencontrés à New York l’été dernier lorsque j’ai amorcé ma quête d’une nouvelle formation. Plusieurs observateurs me voyaient à Toronto, mais cette équipe n’était pas au haut de la liste des clubs qui m’intéressaient le plus. Les Flyers y étaient et tout ce que j’ai vécu depuis que je me suis joint à l’équipe confirme que j’ai pris la bonne décision », a plaidé Lecavalier qui avait bien hâte de faire sa première visite à Montréal dans son nouvel uniforme orange.

Même s’il sera dorénavant traité en ennemi et non en ami? « Certainement! » a-t-il répliqué en guise de conclusion.