TROIS-RIVIÈRES – Au fil des ans, le hockey a accumulé un retard face à d’autres sports dans son développement international. Le président de Fédération internationale de hockey sur glace, Luc Tardif, s’y attaque, mais il a besoin d’une meilleure participation de la LNH.

 

Tardif, qui est originaire de Trois-Rivières, a accédé à la présidence de la FIHG en pleine pandémie et quelques mois avant l’invasion russe en Ukraine. Il devait donc s’impliquer dans plusieurs dossiers névralgiques comme l’annulation et le report de nombreuses compétitions internationales.

 

Il n’a toutefois pas perdu de vue cet objectif de développement. Mercredi, au terme d’une table ronde à l’UQTR sur le potentiel de la recherche au hockey, Tardif a été invité à dévoiler les chantiers d’avenir de son organisation. C’était plus que rafraîchissant d’entendre un président aussi transparent.

 

Avant de recenser les points saillants de son plan, on a demandé à cet influent dirigeant ce qu’il pensait du rattrapage que son sport doit effectuer.

 

« Nous, au hockey, on a une tendance à la consanguinité. Voilà, je l’ai dit », a lancé Tardif, après une certaine hésitation, en entrevue avec le RDS.ca.   

 

« Au contraire, il faut ouvrir. Oui, ça va prendre du temps. Mais les Finlandaises viennent de battre les Canadiennes au tournoi U18 cette semaine. Il faut investir, c’est de l’investissement sur notre sport. Le foot, le basket, le rugby, ils ont ouvert leurs horizons », a-t-il enchaîné.

 

Mais pour « vendre » le hockey à l’échelle internationale, ça passe encore par la LNH qui regroupe les plus beaux joyaux de la discipline. Des négociations – ou un bras de fer – s’opèrent donc entre la FIHG et la LNH pour maximiser les ressources.

 

« J’avais une conversation avec la LNH et je leur disais ‘Vous devez m’expliquer, vous êtes des gars de marketing, des cracks de la business, mais ils en ont aussi au soccer. Si bien qu’aux États-Unis, le soccer a passé devant le hockey. Au football, les Messi et Ronaldo jouent pour leur club, mais également pour leur équipe nationale et les partisans veulent les voir avec leur pays. Pourtant, leurs contrats comportent encore plus de risques s’ils se cassent une jambe », a insisté Tardif en guise d’argument.  

 

« Ils donnent de la valeur à leur joueur. Pendant ce temps, vous foutez vos joueurs dans une boîte comme s’ils étaient de beaux bijoux à conserver dans un coffre. Mais vos joueurs ne seront jamais connus à l’international. Il faut considérer que c’est de l’investissement », a poursuivi le dirigeant.

 

Tardif a ajouté une condition, « il faut que ce soit sérieux » comme engagement car il n’a pas encore digéré que la LNH se soit retirée des derniers Jeux olympiques à un mois de la compétition.

 

D’ailleurs, il a sauté sur l’occasion pour dire que ce fut un rendez-vous raté pour la LNH à Pékin en s’appuyant sur de gigantesques cotes d’écoute (comme une audience de 89 millions pour un match féminin préliminaire entre la Chine et le Japon).

 

Établi en Europe depuis plus de 40 ans, Tardif était heureux de revenir à son alma mater. C’est avec l’UQTR qu’il a joué ses dernières années de hockey en sol québécois avant de s'envoler pour une carrière aux Pays-Bas, en Belgique et en France. N’empêche que l’un des sujets abordés était de valoriser le plaisir au hockey pour combattre la baisse des inscriptions (20% depuis 15 ans) au Québec.

 

« Je n’ai pas été surpris et c’est un peu une réalité internationale. D’autres sports ont fait leur apparition, on a de la compétition. On a de bonnes bases, mais il faut se poser les bonnes questions. Il faut adapter notre système pour que le hockey soit plus attirant », a-t-il admis.

 

Des idées concrètes avec un beau potentiel

 

Le plan élaboré par Tardif et son équipe est ambitieux, mais il représente avant tout une bouffée d’air frais après le règne de 27 ans de René Fasel. Voici un aperçu de quelques points intrigants :

 

-Du hockey à 3 contre 3

« Les temps ont changé, les enfants aussi. Nous, les vieux on peut suivre un match pendant 2h15. Les jeunes vont regarder d’autres matchs, un film, une série, ils zappent. Donc on s’est dit pourquoi ne pas présenter un nouveau format sur la glace. On a fait une expérience aux Jeux de la jeunesse à Lausanne (en 2020). Ce fut un succès global. »

 

Cette idée vise aussi à ajouter une discipline supplémentaire en hockey aux Jeux olympiques. « On est le seul sport présent du début à la fin du calendrier olympique et on accorde que six médailles. En patinage de vitesse, tu peux en donner 26! Donc pourquoi pas une autre discipline comme on l’a vu avec le volleyball de plage, le rugby à 7 et le basketball à 3 contre 3.

 

-Des entraîneurs « volants »

L’un des enjeux majeurs du hockey, et même au Québec, c’est de miser sur des entraîneurs compétents pour bien enseigner le sport à travers la planète. La FIHG a donc élaboré le concept d’entraîneurs « volants », des spécialistes qui se déplacent dans des pays pour enseigner les bases du hockey avec la bonne méthode.

 

-Le hockey féminin

« C’est là où on progresse le plus. Dans certains pays, ça peut sembler surprenant. Mais l’Iran possède trois équipes complètes. Il a fallu annuler le tournoi U18 en janvier et j’ai eu toutes les filles de la Terre contre moi. On avait fait la promesse de le reprendre et on aura rempli notre engagement sous peu. »

 

-Internationalisation du hockey

« En Chine, ils ont construit 89 patinoires en deux ans. Il y a de nouvelles patinoires aussi en Thaïlande et aux Philippines. Par contre, il importe de faire ce développement de manière durable. Il y a les équipements avec des patinoires à petit budget et des idées pour des systèmes réfrigérants moins coûteux. »

 

-Des puces sur les joueurs afin d’obtenir des statistiques intéressantes

-Un soutien vidéo pour l’arbitrage

-Un département de développement axé sur les jeunes de 4 à 16 ans

-Un partenaire, la firme Vierumaki, pour l’innovation, la recherche et le développement

 

Tardif a conclu son allocution avec ce souhait. « J’ai commencé mon mandat avec la COVID-19 et ensuite la guerre en Ukraine, j’espère que le ciel redeviendra bleu. » La partie n'est pas gagnée, mais avec un plan bien défini comme celui-ci, il y a plus de chances que les nuages se dissipent.