TORONTO – Tu sais que tu as marqué le hockey lorsque tes prouesses forcent la LNH de modifier ses règlements.

Débarqué à Calgary à 31 ans, Sergeï Makarov a donné raison aux Flames qui l’avaient repêché en 12e ronde six ans plus tôt en leur offrant une saison de 24 buts et 86 points en 80 rencontres. Des statistiques qui ont poussé les collègues de l’époque à lui décerner le trophée Calder remis à la recrue de l’année dans la LNH. « Holy » Makarov, comme l’avaient surnommé plusieurs descripteurs éblouis par la qualité du jeu de ce « saint » du hockey, avait devancé le tout jeune Mike Modano qui avait marqué cinq buts de plus (29) avec les North Stars du Minnesota, mais récolté 11 points de moins.

Parce qu’il était injuste qu’une recrue de 19 ans soit devancée par une recrue de 31 ans, la LNH a alors décidé de fixer à 26 ans – en date du 15 septembre de l’année d’admissibilité – l’âge maximum pour les candidats en lice au trophée Calder.

Si Makarov a pu prendre d’assaut la LNH à 31 ans, c’est parce qu’il était encore tout un joueur de hockey. L’ailier droit l’a prouvé avec ses 292 points (94 buts) en 297 matchs – et un différentiel de plus-62 – disputés avec les Flames.

À 35 ans, dans l’uniforme des Sharks de San Jose, Makarov s’est offert une saison de 30 buts et de 68 points avant d’amorcer une glissade qui l’a conduit à la retraite deux ans plus tard.

K-L-M

Comme toutes les grandes vedettes du hockey soviétique qui sont demeurés fidèles à leur grande Russie natale, Sergei Makarov est arrivé sur le tard dans la LNH. Trop tard diront certains pour justifier sa présence au Temple de la renommée. Un commentaire qui tiendrait la route si le Temple était celui de la LNH. Mais il ne l’est point. Le Temple de la renommée ouvre ses portes à tous les grands hockeyeurs – hommes et femmes – qui ont marqué leur sport.

Et Makarov l’a marqué au fer rouge.

Avant de soulever le trophée Calder et de forcer la LNH à changer les règles, Makarov a dominé le hockey russe et international en formant l’un des trios les plus redoutables de l’histoire du hockey. Avec ses compagnons de trio Vladimir Krutov et Igor Larionov, Makarov complétait le trio K-L-M. Un trio qui volait aussi haut au-dessus de la mêlée que les gros porteurs de la compagnie aérienne néerlandaise qui porte le même nom.

Sergeï MakarovLe trio K-L-M était au hockey russe ce que la Punch Line – Toe Blake, Elmer Lack, Maurice Richard – était au Canadien de Montréal, ce que le « Legion of Doom » – John LeClair, Eric Lindros, Mikael Renberg – a été aux Flyers.

Si Lindros est le premier membre de ce trio – et il sera sans doute le seul – à être intronisé, « Holy » Makarov rejoint son centre Igor Larionov qui a fait son entrée au Temple en 2008.

« Je suis très honoré par la chance de venir rejoindre les plus grands hockeyeurs de l’histoire. J’espère que l’on continuera à inviter davantage de joueurs de mon pays qui n’ont pas eu la chance de se faire connaître dans la LNH », a souligné Makarov après avoir reçu sa bague commémorative.

Questionné sur le redoutable trio K-L-M, Makarov a aussi tenu à rendre hommage aux arrières qui les appuyaient et au système collectif préconisé par les entraîneurs russes à l’époque.

« La K-L-M c’était beaucoup plus que Krutov, Larionov et Makarov. C’était aussi Alexei Kazatonov et Slava Fetisov (intronisé en 2001). Nous étions une unité de cinq sur la glace. Les cinq joueurs contribuaient au succès du trio autant à l’attaque qu’en défense. C’était ça le système russe. Il préconisait le jeu collectif », a tenu à préciser Makarov.

Et ce jeu collectif a payé. Grandement à part ça.

Car si on dressait des parallèles entre la ligue de hockey russe où la K-L-M a trôné pendant 11 longues saisons et la LNH, Sergei Makarov aurait mis la main sur neuf trophées Art Ross remis au champion marqueur et trois trophées Hart remis au joueur par excellence.

Et ça, c’est seulement avec le CSKA de Moscou dans la Ligue qui est devenue aujourd’hui la KHL.

Avec ses coéquipiers de l’équipe nationale, Makarov a ajouté huit titres en Championnat du monde, deux médailles d’or et une d’argent aux Jeux olympiques.

Makarov a été victime du Miracle sur glace orchestrée par les jeunes universitaires américains aux Jeux de Lake Placid en 1980. Il s’est repris à Sarajevo (1984) et Calgary (1984) où il s’est retrouvé cinq ans plus tard.

Malgré de succès instantanés dans la LNH, Sergei Makarov a admis avoir vécu sa part de difficultés à son arrivée. « J’étais habitué d’affronter les gars de la LNH et non de jouer avec eux .»

Et les amphithéâtres plus gros? Les foules plus imposantes? Le bruit? « Une fois sur la glace, la seule chose qui me préoccupait était le hockey et le rôle que j’avais à remplir. Je ne voyais que le jeu et j’étais en mesure de me mettre des bouchons dans les oreilles. »

Sergei Makarov était à Moscou en juin dernier lorsque l’appel confirmant son intronisation est entré à la maison. « J’ai un afficheur sur mon appareil et quand j’ai vu que l’appel venait du Canada je me suis posé des questions. Je ne reçois pas souvent des appels du Canada et comme en plus on était rendu en milieu de soirée, j’ai eu un doute », a indiqué la légende russe qui a suivi les traces de son frère aîné pour se rendre à la LNH. « Quand j’étais petit, on jouait au hockey l’hiver et au soccer l’été. Si je n’avais pas fait carrière au hockey, je l’aurais sans doute fait au soccer. Mais c’est le hockey que j’aimais. Mon frère qui est de 10 ans mon aîné était mon idole. Je le regardais jouer et je tentais de l’imiter. Il était bon et il a même joué avec un autre très grand du hockey russe Valeri Kharlamov qui est aussi devenu mon idole dès que je l’ai vu jouer. »

Lundi soir à Toronto, Sergei Makarov rejoindra Valeri Kharlamov et les cinq autres joueurs qui ont marqué le hockey russe; le hockey tout court : Pavel Bure, Sergei Federov, Viacheslav Fetisov, Igor Larionov et Vladislav Tretiak qui a ouvert les portes du Temple à tous ses compatriotes lors de son intronisation en 1989.