MONTRÉAL – « J’avais appelé mes patrons pour leur dire qu’on était mieux de l’oublier. »

Après le repêchage de 2007, les Sharks de San Jose avaient accordé un essai au défenseur Jason Demers qui venait d’être ignoré par les 30 équipes de la LNH. Ils ont décidé de ne pas lui consentir de contrat et ils ont craint de regretter leur décision bien longtemps.

Même si ce ne fut pas suffisant pour être repêché, Demers démontrait des atouts intéressants et le recruteur québécois, Gilles Côté, avait convaincu ses patrons de l’examiner de plus près.

Au terme de cette évaluation, les Sharks ont laissé Demers repartir à Victoriaville pour une autre saison dans la LHJMQ. Confiant en ses moyens, le droitier s’est imposé en dominant le circuit Courteau avec 64 points en 67 parties.

Côté était donc persuadé que son organisation avait échappé cette pierre qui avait seulement besoin d’être polie. Mais la chance a souri aux Sharks puisque ça demeure rare de repêcher un joueur de cet âge. Ils ont finalement utilisé un choix de septième ronde (le 186e) pour l’ajouter à leur banque d’espoirs.

« Oui, je suis un peu surpris qu’on ait pu le sélectionner. Je ne suis pas capable de dire pourquoi il était encore disponible puisque je sais que d’autres clubs étaient intéressés », a ajouté le recruteur en entrevue au RDS.ca.

Quant à Demers, il avait fait son deuil d’être repêché et il ne s’était pas déplacé à Ottawa.

« Je venais de fêter mon 20e anniversaire, ce n’est pas normal de se faire repêcher à 20 ans, je ne pensais pas que ça arriverait », a admis Demers qui croyait que le potentiel des joueurs plus jeunes le priverait de cette occasion.

Cependant, le scénario qu’il anticipait n’était pas dramatique à ses yeux.

« Durant l’essai avec les Sharks, j’ai vu que j’avais une chance de percer (dans la LNH). Je crois que ça m’a donné la confiance dont j’avais besoin et le timing a été parfait puisque j’ai eu une grosse saison à Victo », a raconté celui qui porte maintenant l’uniforme des Panthers de la Floride après deux campagnes avec les Stars de Dallas.

Les Sharks ont prouvé leur intérêt pour Demers, mais ils ne prévoyaient pas qu’un choix de septième ronde finirait par se démarquer ainsi et encore moins sans nécessiter un long développement.

En effet, Demers n’a eu besoin que d’une saison complète dans la Ligue américaine de hockey – à Worcester - avant de s’établir à San Jose.

« Il n’a jamais déçu. C’est un joueur qui s’est développé sur le tard, mais il a démontré une progression continuelle. Je ne suis pas surpris de voir où il est rendu », a mentionné Côté.

« Quand je suis arrivé à Worcester, on avait une équipe de vétérans qui poussaient pour les séries. J’ai appris tout ce que je pouvais d’eux et les entraîneurs étaient positifs avec moi. Ils m’ont beaucoup aidé sur les points à travailler », a expliqué Demers.

Le défenseur originaire de Dorval a prouvé qu’il apprenait rapidement. Sur ce sujet, Demers avoue qu’il se tire bien d’affaire.

« J’ai toujours ‘pensé la game’. Je vois ça un peu différemment des autres. Je savais que je n’étais pas un choix de première ronde donc je devais être plus intelligent dans ma manière de jouer. En même temps, j’ai toujours été capable d’apprendre facilement de mes erreurs et de ne pas les répéter. C’est une grosse partie du hockey, tu dois être constant », a témoigné Demers sans prétention.

Martin Bernard, qui a eu le plaisir de le diriger à Victoriaville, ne cache qu’il a été épaté par la vitesse empruntée par Demers pour devenir un régulier dans la LNH.

Jason Demers« La route a quand même été assez rapide pour lui, c’est ce qui m’a le plus étonné. Je n’aurais jamais parié contre lui parce que c’est un kid qui avait beaucoup d’attributs. On pouvait voir qu’il avait des atouts pour faire une carrière, mais je m’attendais à un processus plus long », a commenté Bernard.

Demers choisit le jeu de la modestie en ne s’attribuant pas beaucoup de mérite pour cette percée.

« C’est sûr que j’ai été un peu chanceux, mais je pense que j’ai gagné en maturité comme joueur à 20 ans. J’ai également eu le privilège d’arriver avec une équipe gagnante. Quand tu te retrouves avec des joueurs aussi talentueux que Rob Blake, Marc-Édouard Vlasic et Joe Thornton, ça t’aide à t’améliorer. C’était la situation parfaite pour moi et c’est une grosse raison expliquant où je suis rendu », a remercié l’auteur de 37 buts et 128 aides (165 points) en 475 parties dans la LNH.

Grâce à ce cumulatif, Demers se situe au 19e rang de sa cuvée pour les points, un exploit remarquable pour le 186e choix sur 211. Il n’est devancé que par huit défenseurs – dont Erik Karlsson et Drew Doughty - à ce chapitre.

« C’est sûr que je suis fier de ce que j’ai fait et je remercie tous les gens qui m’ont aidé », a réagi Demers.

Interviewés séparément, Côté et Bernard se souviennent justement que le défenseur aux instincts offensifs n’a jamais oublié ses racines.

« C’est vraiment une bonne personne, un bon kid d’une bonne famille. Je me souviens que ma femme avait accouché et il était arrivé le lendemain avec un cadeau et un paquet d’affaires », a confié Bernard.

« Il a longtemps eu une loge à Victoriaville pour recevoir des jeunes défavorisés à chaque match. C’était une belle marque de respect envers les jeunes et son ancienne organisation », a noté Côté qui recevait une multitude d’informations positives sur lui quand il sondait ses sources.

Une attitude détendue qui a souri à Demers

Demers avait un autre atout dans son jeu, cette confiance inébranlable qui frôle l’arrogance.

« Il était un peu cocky, mais dans le bon sens du terme en voulant dire qu’il avait de l’assurance. Il semblait nous dire : ‘Je veux faire une carrière et je vais réussir’ », a cerné Côté.

La remarque ne le surprend pas, Demers explique que cette approche est au cœur de sa manière d’aborder la vie.

« J’avais toujours un sourire au visage, je prenais plus ça comme un jeu qu’un travail. Je pense que ça m’a aidé au fil du temps. Des fois, tu te laisses trop stresser en jouant au hockey et ça peut affecter ton rendement. J’ai toujours essayé d’aborder les choses de manière détendue », a décrit Demers. Jason Demers

Bernard a toujours apprécié l’attitude de Demers.

« Il a toujours été confiant en ses moyens tout en étant très respectueux et à l’écoute. C’était facile et agréable de travailler avec lui. Ce n’était pas un jeune du style à dire : ‘Ouin, mais si on fait ça…’

« Quand l’entraîneur demandait de faire quelque chose pour progresser, il le faisait. J’adorais son enthousiasme. Ça n’allait jamais mal pour lui quand il se présentait à l’aréna », a retenu Bernard à propos de celui que Côté décrit gentiment comme un rat d’aréna.

S’il peut éviter les blessures, Demers franchira, cette saison, le plateau des 500 matchs réguliers dans la LNH. Côté et Bernard ont toujours autant de plaisir à regarder jouer le patineur de 28 ans qui a fait bien du chemin depuis le repêchage de 2008.

Autres textes de la série :

 

Mardi : Pierre-Alexandre Parenteau

Jeudi : Mathieu Perreault

Vendredi : Brendan Gallagher