Il est rare que la troisième des trois étoiles d’une rencontre reçoive la plus belle, la plus longue et la plus chaleureuse des ovations. Surtout si cette troisième étoile défend les couleurs ennemies, que son équipe s’est fait déclasser et qu’à l’image de ses coéquipiers, cette troisième étoile s’est contentée de disputer une partie bien moyenne pour ne pas dire un match carrément mauvais.

C’est pourtant le privilège auquel Saku Koivu a eu droit jeudi soir au terme de sa deuxième et peut-être dernière visite au Centre Bell dans l’uniforme des Ducks d’Anaheim.

Koivu ne méritait pas d’étoile pour sa performance. Que non! En 23 présences totalisant 15 min 39 s de jeu, Koivu n’a rien fait de bon. Oui! Il a servi une passe dans l’enclave à son compagnon de trio Andrew Cogliano qui a tiré sur la barre transversale plutôt que de déjouer Carey Price.

À part cette passe? Rien. Ou si peu. Ou trop peu.

Mais dans le cas de Koivu, le match et sa performance passaient deuxième. Seule sa présence sur la patinoire suffisait pour gagner, ou regagner, le cœur des partisans du Tricolore qui ont salué leur ancien capitaine chaque fois qu’ils en ont eu l’occasion.

Saku! Saku! Saku!

Les premiers « Saku! » ont été entendus dès l’ouverture des portes du Centre Bell. L’apparition de Saku pour la période d’échauffement a été saluée par des applaudissements. Tout comme la confirmation par l’annonceur-maison Michel Lacroix de sa présence au sein de la formation de départ des Ducks.

Quand les amateurs se sont levés pour l’interprétation des hymnes nationaux, ils étaient déjà prêts à saluer Koivu lorsqu’il apparaîtrait sur l’écran géant pendant le Ô Canada. Une présence qui date de sa toute première visite à Montréal après sa migration vers Anaheim en 2010 et qui commémore son retour triomphal au jeu après un long duel contre le cancer dont il est sorti gagnant à la fin de la saison 2001-2002.

Les amateurs se sont fait jouer un tour. Saku aussi. Car la direction du Canadien a eu la très bonne idée et la délicate attention de mettre Koivu en vedette, dans son nouvel uniforme et en très gros plan sur l’écran, dès l’hymne américain.

La réaction a été instantanée.

Selanne et les Ducks invisibles

Une fois les hymnes nationaux et les deux brèves ovations passés, les partisans n’ont pas vraiment eu l’occasion de saluer l’invité spécial de la soirée.

Tout aussi dommage, les Ducks ont été tellement mauvais hier, que même l’illustre Teemu Selanne, qui disputait un match d’adieu au Centre Bell, est passé inaperçu.

On aurait voulu l’applaudir. L’ovationner. Lui dire merci pour tous ces buts magnifiques qu’il a marqués, pour toutes ces percées ultra-rapides au filet qu’il a multipliées.

Mais non! Le « Finnish Flash » était éteint.

Comme son capitaine Ryan Getzlaf, comme le gros attaquant de puissance Corey Perry, comme les Québécois François Beauchemin et Mathieu Perreault – il a peut-être été le canard le plus énergique dans la défaite hier – comme le reste de l’équipe.

À regarder les Ducks boiter sur la patinoire du Centre Bell hier, j’ai vraiment l’impression que c’est dans le cadre d’une soirée bien arrosée commencée mercredi et terminée très tard – ou très tôt – jeudi matin et non dans le cadre du duel qu’ils devaient livrer au Canadien que les joueurs de Bruce Boudreau ont célébré le retour de Koivu et le tout dernier match en carrière de Selanne à Montréal.

À chacun ses façons de célébrer.

Dernier tour de piste

Conscient que le match était perdu depuis très tôt en première période, l’entraîneur-chef Bruce Boudreau, qui a passé la soirée à jongler avec ses trios, a décidé d’offrir les quelque 90 dernières secondes de la rencontre à Saku.

Une fois Koivu sur la patinoire, la foule s’est levée et s’est mise à scander son nom. Visiblement mal à l’aise, Koivu a profité d’un arrêt de jeu pour lever son bâton et saluer discrètement ses partisans.

Une fois le match terminé, les joueurs des Ducks déjà aux douches et ceux du Canadien tout juste sortis de la patinoire, Saku Koivu est revenu effectuer un dernier tour de piste à titre de troisième étoile.

Une étoile qui aurait dû aller à son successeur Brian Gionta, à Andrei Markov peut-être ou encore à Carey Price.

Mais dans les circonstances, la sélection de Koivu était tout à fait justifiée. Et surtout très à propos.

Et c’est dans le cadre de cette sélection que Koivu a obtenu la plus belle, la plus longue et la plus chaleureuse ovation de sa soirée de retrouvailles… ou d’adieux.

On verra.

Déjà que l’ovation offerte par des partisans qui le remerciaient bien plus pour l’ensemble de son œuvre avec le Canadien que pour son match d’hier valait le prix d’entrée, Francis Bouillon et Andrei Markov, les deux Canadiens qui ont partagé le vestiaire le plus longtemps avec Koivu, sont demeurés près de la bande pour joindre leurs voix à celles des amateurs.

Il fallait voir Bouillon frapper avec vigueur sur la bande et la patinoire avec son bâton et saluer l’invité de la soirée avec beaucoup d’enthousiasme pour réaliser le respect que « Frankie Bou » vouait à son ancien capitaine.

Debout derrière le banc, il était facile de relever la présence du grand – aux sens propres et figurés – docteur David Mulder qui a orchestré le bal médical qui a permis à Koivu de valser avec le cancer au point de l’étourdir et de le chasser du revers de la main.

S’il a effectivement disputé son dernier match en carrière au Centre Bell, Saku Koivu pourra se rappeler des beaux et bons moments que lui ont offert les partisans de l’ouverture des portes du Centre Bell jusqu’à ce qu’il complète son tour d’honneur à titre de troisième étoile. Cela lui permettra d’oublier les images moins réjouissantes de sa performance lors de ce dernier.

S’il revient un jour en disputer un autre, Koivu devra faire sa part et rembourser la dette qu’il accuse ce matin, au lendemain d’un match affreux qui lui a malgré tout permis de sortir grand gagnant de la patinoire.

Le seul dans le camp des Ducks.

Car à l’exception d’un combo cuisse de St-Hubert qui l’attendait à l’extérieur du vestiaire après la rencontre, Teemu Selanne n’a rien eu à se mettre sous la dent en fait de reconnaissance pour faveurs obtenues au fil de toute ces années.

Ça n’avait pas l’air de trop le déranger cela dit.

Rapide et opportuniste

Bien que les Ducks semblaient avoir les ailes et les pattes coupées, ou à tout le moins nouées, il serait déplacé de ne pas donner au Canadien le mérite qui lui revient d’avoir battu un des gros clubs de la LNH.

Du moins en théorie.

Surtout qu’après avoir pris les devants 2-0 – des buts de Bournival et Plekanec – le Canadien ne s’est pas bêtement assis sur son avance comme il l’a fait mardi en laissant les Oilers d’Edmonton marquer quatre buts et se sauver avec la victoire.

Le Canadien a maintenu la cadence. Il a continué à s’imposer dans toutes les zones, dans tous les coins et recoins de ces zone. Il s’est aussi imposé au chapitre des unités spéciales et aussi au chapitre de la tenue des gardiens.

Il s’est imposé partout. Gionta a ajouté un troisième but et Rene Bourque, après qu’il eut bousillé des occasions en or au cours des deux premières périodes, a marqué sur son troisième tir de la soirée. Un tir du revers. Son moins puissant, son moins précis, de la soirée.

Comme quoi un revers est toujours une arme de choix lorsqu’on veut surprendre un gardien.

Après un match difficile mardi, Tomas Plekanec a été le meilleur du Tricolore jeudi. Michaël Bournival, qui a très bien paru au sein de l’un des deux premiers trios offensifs, le suit pas trop loin derrière.

Le trio des jeunes a aussi fait sa part.

Comme le reste de cette équipe qui est tellement meilleure lorsqu’elle patine, bouge, occupe toute la patinoire, qu’on peine à comprendre que les joueurs tombent trop souvent au neutre en même temps et la plupart du temps en période médiane.

« Quand tu ne patines pas dans le hockey d’aujourd’hui et que tu restes toujours une ou deux enjambées derrière l’adversaire, il est impossible de gagner. On l’a vu ce soir. Ils ont été plus vites, plus organisés, plus appliqués que nous tout au long du match. Après notre passage à vide à Toronto mardi – les Ducks avaient aussi pris les devants 2-0 avant d’encaisser un revers de 4-2 – je m’attendais à un bien meilleur début de match. À un bien meilleur match point. Je ne l’ai pas obtenu. C’est frustrant. Et il faudra stopper cette boule de neige rapidement afin qu’elle ne devienne pas trop grosse pour rien », philosophait l’entraîneur-chef des Ducks qui seront de passage à Ottawa, dès ce soir, pour affronter les Sénateurs.

Impossible de prédire si Koivu, Selanne et leurs coéquipiers des Ducks battront les Sénateurs rentrés à la maison ragaillardis par leur victoire de mercredi à Detroit contre les Red Wings et leur ancien capitaine Daniel Alfredsson.

Mais il est facile de prédire que les Ducks joueront mieux qu’ils ne l’ont fait hier au Centre Bell face au Canadien.

Ce serait difficile d’être pire.

« Je peux juste vous assurer que ce n’est pas en jouant comme on vient de le faire ce soir – à commencer par les pierres d’assises que sont Getzlaf et Perry – que nous avons gagné sept parties de suite avant de perdre les deux premiers matchs de notre voyage », a conclu Bruce Boudreau.

Il reste six autres parties à Boudreau pour rétablir, d’ici la fin de ce long voyage, l’équilibre entre les sorties solides qui ont guidé les Ducks vers autant de victoires en début de saison et les deux dernières sorties désolantes qui nous poussent à nous demander quelle est l'altitude de croisière des Ducks.

Car après les deux derniers matchs, c’est loin d’être évident.

Le prochain match du Canadien est samedi. Après les Ducks voilà que les monarques de l’Ouest, les Sharks de San Jose, débarquent à Montréal.

À moins que les requins ne tombent dans les filets des charmes de Montréal, le Canadien devrait avoir plus d’opposition samedi qu’il n’en a eue hier soir…

On reconnecte plus tard