Pat Burns bien vivant à Toronto
LNH samedi, 15 nov. 2014. 19:04 lundi, 2 déc. 2024. 15:58De Cliff Fletcher qui l’a embauché et congédié à Toronto, en passant par ses parents, ses amis, les autres membres de la cohorte de 2014 et d’une très grande majorité d’amateurs de hockey et d’observateurs, Pat Burns aurait du faire son entrée au Temple de la renommée de son vivant.
Mais bien qu’il soit décédé depuis quatre ans déjà, sa mémoire est bien vivante à Toronto. Par le biais de son épouse Line Gignac qui défile, et prend la parole au nom de son entraîneur-chef de mari, avec Rob Blake, Peter Forsberg, Dominik Hasek, Mike Modano et l’ancien arbitre Bill McCreary, par le biais des bandes vidéos commémorant sa conquête de la coupe Stanley avec les Devils en 2003, ses trois trophées Jack Adams avec le Canadien, les Leafs et les Bruins et les autres faits saillants de sa grande carrière, Pat Burns est même très présent à Toronto.
Vendredi soir, à Toronto, lors de la cérémonie précédant le match du Temple de la renommée opposant les Penguins de Pittsburgh et les Maple Leafs, c’est Burns qui a obtenu la plus belle et la plus longue ovation offerte aux nouveaux intronisés.
Souriante, émue, Line Gignac s’est assuré de faire tourner son bras – geste que Burns a répété à quelques occasions après de grandes victoires avec les Leafs – à quelques reprises alors qu’elle marchait vers le centre de la patinoire. C’est d’ailleurs l’épouse de Burns qui a jeté la rondelle entre Sidney Crosby et Dion Phaneuf dans le cadre de la mise en jeu protocolaire.
«Cette ovation m’a touchée. J’ai ressenti l’amour des partisans à l’endroit de Pat. Comme s’ils leur redonnaient l’amour qu’il a toujours eu pour cette équipe et leurs partisans», a témoigné Line Gignac samedi après-midi alors que les intronisés rencontraient quelques centaines de partisans au Temple de la renommée.
Avec les enfants de son mari, les membres de sa famille et ceux de la famille de Pat Burns ainsi que des amis proches qui complètent le groupe de 16 personnes qui l’entourent à Toronto au cours de cette fin de semaine, Line Gignac savoure chaque instant entourant les préludes à l’intronisation qui se déroulera lundi soir.
Fière, heureuse, comblée, Line Gignac et ses proches ont décidé de laisser de côté la déception des dernières années alors que les portes du temple sont demeurées fermées devant Pat Burns.
«J’aimerais bien sûr qu’il soit ici. Qu’il puisse vivre cet honneur qu’il méritait tant. Mais nous avons pris la décision de vivre cette intronisation dans la joie et la bonne humeur. Nous sommes reconnaissants de l’honneur qu’on réserve à Pat. Est-ce qu’il aurait pu être intronisé avant ? Sans doute. Mais il est hors de question de laisser des sentiments négatifs prendre le dessus en fin de semaine. L’important, c’est que Pat soit au Temple de la renommée. Il y est presque. Et je ne l’ai jamais senti aussi présent. Le fait de parler de lui comme je le fais, d’entendre autant parler de lui par des anciens joueurs et par des partisans nous donne l’impression qu’il est vraiment avec nous», témoignait Line Gignac encore samedi.
Fletcher crie à l’injustice
En marge de l’attitude affichée par le clan Burns, Cliff Fletcher, l’ancien directeur général des Maple Leafs qui l’a embauché (1992) et congédié (1996), est toujours très amer à l’endroit de ceux qui ont refusé d’offrir à Pat le plaisir de vivre son intronisation de son vivant.
«C’est une injustice. Il n’y a pas d’autre mot. Ma déception était vive chaque année. Mais il y a quatre ans, alors qu’il était dans les derniers moments de sa bataille contre le cancer, ils auraient dû l’introniser. Pat était rendu trop faible. Peut-être n’aurait-il pas été en mesure d’assister à la cérémonie. Mais il l’aurait vécue quand même. On l’a privé de ce privilège. Je ne comprends toujours pas. Car son intronisation n’était qu’une question de temps», a témoigné Fletcher croisé dans les gradins du Centre Air Canada vendredi lors de l’entraînement matinal des Leafs.
Résultats immédiats
Quand Cliff Fletcher a eu vent que l’avenir de Pat Burns à la barre du Canadien était compromis après la saison 1991-1992, le directeur général des Leafs a concocté un plan. Avec la complicité de l’agent Don Meehan – à l’époque les agents de joueurs pouvaient aussi représenter les entraîneurs, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui – Fletcher négociait le contrat de Burns avec les Leafs alors que Meehan négociait les clauses de son départ avec le Canadien. Car si un congédiement planait au-dessus de la tête de Burns, il a officiellement démissionné de son poste d’entraîneur-chef du Tricolore.
«Quand j’ai vu ce que Pat avait fait pour relancer le Canadien je n’ai pas hésité une seconde. Je tenais à ce qu’il vienne relancer notre club. Les résultats ont été immédiats. Il m’a donné raison», se souvient Fletcher avec un brin de fierté.
Avant l’arrivée de Burns, les Leafs avaient raté les séries trois fois en quatre ans. Leur seule présence en séries s’était terminée abruptement en première ronde. Lors de ses deux premières saisons, Burns s’est rendu en finale d’association. Il a atteint les séries les deux années suivantes également.
Pourquoi alors congédier Burns qui s’est ensuite retrouvé à Boston ?
«Parce qu’un entraîneur comme Pat, aussi bon soit-il, ne peut prolonger son séjour derrière le banc. C’était un coach ferme, exigeant. Il savait toutefois mettre les joueurs importants de son côté. C’est ce qui lui permettait de diriger avec autant de fermeté. Mais après un certain temps, au-delà des succès, le message ne passe plus. Le citron est pressé. Il faut alors passer à autre chose. Pat le savait. C’était sa façon de faire. Et quand tu regardes ce qu’il a accompli, c’était toute une recette. Il est le seul à compter trois trophées Jack Adams. Ce n’est pas rien. En plus, il les a obtenus avec trois équipes différentes. Ça prouve que sa méthode, même si elle ne plaisait pas à tout le monde, était efficace», assure Fletcher.
Vendredi soir, pendant les arrêts de jeu durant le match Penguins-Maple Leafs, les intronisés ont eu droit à des hommages à l’écran géant. Lors de celui réservé à Pat Burns, Doug Gilmour a assuré que Pat Burns était le meilleur de tous les entraîneurs qui l’ont dirigé au cours de sa carrière. Lors de sa propre intronisation il y a quelques années, Gilmour avait assuré son ancien coach – et ami – qu’une place l’attendait au Temple.
Son troisième trophée Jack Adams, c’est à Boston que Pat Burns l’a remporté. Samedi après-midi, lors de la rencontre annuelle des intronisés avec des partisans, un fan des Bruins s’est levé pour rendre hommage aux intronisés. Après avoir demandé – à la blague – à Bill McCreary pourquoi il avait toujours été si dur avec les Bruins, ce fan s’est ensuite tourné vers Line Gignac.
«J’ai un chandail des Bruins sur lequel j’ai obtenu les signatures de 182 joueurs. Il y a aussi celle de Pat Burns. Et c’est la seule signature d’un coach qui ira sur ce chandail. Je vous remercie», a conclu l’homme en brandissant son pouce en l’air. Un geste qui lui a valu un baiser soufflé en guise de réponse de l’épouse de Pat Burns.
Une nuit avec la coupe
S’il n’a pas ajouté de titre d’entraîneur-chef de l’année lors de son passage au New Jersey, Pat Burns y a finalement soulevé une coupe Stanley. Cette conquête survenue en 2003 avec les Devils – encore dès sa première saison – l’a assuré d’une place au Temple.
Line Gignac, qui a partagé plusieurs des moments difficiles de Burns au cours de sa carrière de 14 saisons dans la LNH, a partagé une nuit spéciale avec son coach de mari après cette conquête. Lorsque Pat a finalement obtenu sa journée avec le précieux trophée, il n’a pas gaspillé une seule seconde de ces moments précieux. La coupe a accompagné le couple jusque dans sa chambre à coucher.
«Le trophée n’était pas pied du lit ou sur une table de chevet. Il était dans le lit. Entre nous deux», a assuré, en riant de bon cœur, Line Gignac lors de la rencontre avec les journalistes vendredi.
Les rires et les sourires de Line Gignac contrastent avec l’air sérieux – quand il était de bonne humeur – de Pat Burns. Souvent questionnée sur le caractère bouillant de son homme, la veuve de Pat Burns s’assure de redorer son image.
«Pat était un homme imprévisible vous savez. Il donnait souvent l’impression d’être de mauvais poil, mais il était un gars très chaleureux. Il aimait ses joueurs. Il aimait les partisans. Pendant sa carrière, ce n’était pas toujours facile. Il a traversé de mauvaises séquences. On en parlait un peu ensemble et chaque discussion se terminait de la même façon. Il lançait : pas question d’abandonner. C’était ça Pat. Un battant. Un gars qui ne lâchait jamais. Il l’a prouvé avec son combat contre le cancer. Et une fois sa carrière terminée, Pat est redevenu le gars bon, humble et attentionné que le coach a caché pendant sa carrière. Je ne sais pas ce qu’il dirait aujourd’hui pour commenter son intronisation. Il aurait sans doute des bons mots pour tous ses joueurs, pour tous ceux qui ont travaillé avec lui. Mais je me demande aussi s’il serait capable de parler. C’est un tel honneur, ça représente tellement pour lui et pour nous aujourd’hui que je crois parfois qu’un tel hommage l’aurait laissé sans mot. Que pour la première fois de a vie, il aurait été incapable de parler.»
Bien que son âme et les souvenirs qu’il a laissés flottent sur Toronto, Pat Burns ne sera pas au Temple de la renommée lundi soir pour y souligner son entrée. Son épouse et son fils Jason uniront leurs voix pour lui permettre de le faire peut-être mieux qu’il ne l’aurait fait lui même.