Quelle belle machine que celle des Blackhawks de Chicago! Quand les obligations du plafond salarial les avaient forcés à sacrifier quelques précieux éléments après avoir remporté une première coupe en 49 ans, il y a quatre ans, on n'aurait jamais cru les revoir au sommet du hockey avant quelques années.

Ils étaient plutôt sympathiques, les champions de 2010. Malheureusement, ils avaient dû laisser partir des joueurs quasi indispensables après avoir mis des années à bâtir une formation aussi solide et spectaculaire. Le défenseur Dustin Byfuglien (17 buts en saison et 11 autres en séries), le gardien Antti Niemi (un candidat au trophée Conn-Smythe après avoir disputé les 22 matchs de son équipe en séries), Kris Versteeg (20 buts en saison et 14 points en séries) et Andrew Ladd (un ailier gauche d'une grande utilité) n'avaient pas été retenus. On connaît des équipes qui auraient été déculottées pour moins que cela.

«On ne croyait jamais qu'une autre coupe Stanley aurait été possible aussi rapidement», a admis un Scotty Bowman souriant, sur la glace, après le dernier match. À titre de conseiller spécial, Bowman se verra remettre une autre bague avant le début de la prochaine saison. Ce cerveau du hockey semble toujours placé au bon endroit au bon moment.

Chicago a vaincu un adversaire pas piqué des vers. Les Bruins de Boston sont tenaces, coriaces, bagarreurs et extrêmement difficiles à écarter de son chemin. On n'a pas de mal à imaginer comment Claude Julien peut se sentir aujourd'hui après être venu aussi prêt de remporter sa deuxième coupe en trois ans.

La finale a opposé deux organisations qui ont les éléments et l'attitude nécessaires pour être là encore longtemps. Au Québec, on déteste les Bruins parce qu'ils sont des rivaux de longue date, mais on serait aux anges si une équipe du même genre se produisait au Centre Bell.

Il y a eu plusieurs héros différents dans le camp des nouveaux champions. Patrick Kane, avec ses neuf buts et 20 points en séries, n'a pas volé le titre du joueur par excellence des séries, même si le gardien Corey Crawford a été un candidat tout aussi méritant. C'est une question de point de vue pour ceux qui sont appelés à voter pour le gagnant du trophée Conn-Smythe, mais à mon humble avis, les Hawks n'auraient jamais eu l'occasion de marquer deux buts en 17 secondes pour se sauver avec la coupe si Crawford nous les avait pas amenés jusque-là grâce à quelques performances prodigieuses. À défaut d'avoir obtenu le prestigieux trophée, Crawford a mérité son laissez-passer pour le prochain camp d'entraînement d'Équipe Canada en vue des Jeux olympiques de février prochain.

La plus belle surprise des séries et principalement de cette finale a été Bryan Bickell qui a marqué le même nombre de buts durant les séries qu'en saison régulière (9). Mine de rien, il a marqué autant de buts que le joueur par excellence des séries, dont deux filets gagnants. On retiendra aussi de lui qu'il s'est tenu debout devant Zdeno Chara dont les gestes de provocation et les coups mesquins ont leur effet sur la majorité des joueurs de la ligue.

Il faut s'attendre à quelques changements chez les Blackhawks au cours de l'été, mais ce ne sera rien de majeur s'il faut en croire le directeur général Stan Bowman, fils de l'autre. Chose certaine, le noyau de l'équipe restera intact, ce qui annonce de très belles choses encore au cours de la prochaine saison.

Dans cette soirée triomphale, une seule note discordante a été notée. Une note frustrante pour les partisans du Canadien et la majorité des amateurs de hockey du Québec quand on a aperçu Pierre Gauthier, souriant à belles dents (on ne croyait pas qu'il en avait) durant les célébrations. Après avoir été congédié par le Canadien, Gauthier a obtenu un obscur rôle d'observateur au niveau professionnel à Chicago.

Le plus inefficace directeur général des dernières années à Montréal, celui qui a créé un climat d'incertitude et un régime de terreur au sein du Canadien avant d'être mis à la porte, pourra maintenant se pavaner au Vermont et ailleurs avec une bague de la coupe Stanley. Peut-on être plus opportuniste?

Vigneault sur les traces d'une légende

Alain Vigneault n'a pas eu à attendre tout l'été, ou pire, à attendre deux ou trois ans avant que le téléphone sonne, comme c'est arrivé à plusieurs de ses collègues dans le passé. Parlez-en à Bob Hartley et à Michel Therrien, par exemple. Il s'en est fallu de peu pour que leur dernière chance ne vienne jamais.

Ce qui vient de se passer dans le cas de Vigneault est la confirmation que l'ex-entraîneur du Canadien et des Canucks s'est hissé au rang des entraîneurs les plus crédibles de la ligue. Il est arrivé souvent dans le passé que des francophones aient éprouvé du mal à trouver du boulot après un congédiement. Le simple fait qu'une organisation de la Grosse Pomme ait consenti à un Québécois le contrat le plus lucratif jamais accordé à un entraîneur de la Ligue nationale nous en dit beaucoup sur le chemin qu'il a parcouru jusqu'à ce jour.

Justement, parlons-en de ce parcours. Quand il a été remercié après quatre saisons passées dans un rôle d'adjoint à Ottawa, Vigneault aurait pu perdre un temps précieux à tenter d'obtenir  un autre rôle d'adjoint ailleurs. Il a préféré repartir à la base avec les Harfangs de Beauport où le Canadien est allé le chercher deux ans plus tard pour remplacer Mario Tremblay. Après son départ du Canadien, il est retourné au hockey junior avec le Rocket de l'Île-du-Prince-Édouard. Deux ans avec cette organisation et une troisième saison avec le Moose du Manitoba, de la Ligue américaine, l'ont fort bien préparé à retourner dans les majeures, à Vancouver.

Vigneault mérite pleinement tout ce qui lui arrive. Il fallait un certain cran de sa part pour oser se servir du hockey junior, après quatre ans passés chez les Sénateurs, comme tremplin pour un retour dans la Ligue nationale.

Quand sa carrière prendra fin (il n'a que 52 ans), on le retrouvera fort probablement au second rang de tous les Québécois pour les victoires derrière Scotty Bowman, une légende dont les statistiques records ne seront jamais abaissées. Derrière les 1 244 victoires de Bowman suivent actuellement Bryan Murray (né à Shawville, au Québec) avec 620 victoires et Jacques Lemaire avec 617.

Depuis le lock-out de 2004, les Rangers ont remporté en moyenne 43 victoires par saison. En accumulant les victoires au même rythme durant l'entente de cinq ans qu'il vient de signer, Vigneault passerait devant Murray et Lemaire grâce à 637 victoires.

Éventuellement, Vigneault pourrait aussi passer devant Murray et Lemaire pour les parties passées derrière le banc. Être le numéro deux chez les entraîneurs québécois derrière une légende possédant autant de bagues de la coupe Stanley serait la confirmation que Vigneault savait ce qu'il faisait quand il a fait passer sa carrière avant son ego en retournant à ses racines juniors au lieu de s'apitoyer sur son sort.

Son entente avec les Rangers constitue l'un des événements agréables de l'été jusqu'ici.