MONTRÉAL - Dans le doute, l’honnêteté n’est jamais une mauvaise piste à envisager. Donnez l’heure juste et vous augmenterez vos chances de voir vos torts pardonnés, qu’une deuxième chance vous soit accordée. Le déni et les excuses ne serviront souvent qu’à retarder le constat d’échec.

De toute évidence, Jakob Chychrun a déjà compris tout ça.

Le jeune défenseur en impose par sa simple présence. Il est grand, solide, se dresse raide comme une barre et s’assure de fixer ses yeux bleus perçants dans le regard de chacun de ses interlocuteurs. Mais à 18 ans, sa maturité s’étend bien au-delà de ses attributs physiques. De sa voix grave, Chychrun dit les choses comme elles doivent être dites, sans prendre de détour.

Il y a un an, il aurait été absurde de tenter de trouver un défenseur admissible au repêchage de 2016 dont le talent et le potentiel pouvaient concurrencer avec ceux du joyau du Sting de Sarnia. Après sa saison recrue dans la Ligue junior de l’Ontario, Chychrun était largement reconnu comme la crème de sa cuvée. Certains prononçaient même son nom aux côtés de celui d’Auston Matthews.

Mais Chychrun doit aujourd’hui partager les projecteurs, sous lesquels sa candidature se retrouve assombrie par l’ascension du Finlandais Olli Juolevi et du Russe Mikhaïl Sergachev. Les deux Européens ont fait une entrée remarquée sur les patinoires nord-américaines cette saison - le premier avec les Knights de London, l’autre avec les Spitfires de Windsor - et font maintenant partie d’un « Big Three » qui fait l’objet de nombreux débats.

Arrêtez quelqu’un dans la rue et demandez-lui d’épeler « Chychrun ». Vous obtiendrez autant de réponses différentes qu’il existe de théories sur l’ordre dans lequel ces trois défenseurs seront sélectionnés le 24 juin à Buffalo.

« Ce n’est plus aussi important pour moi que ça l’a déjà été, admettait humblement Chychrun la semaine dernière après s’être soumis aux tests physiques du camp d’évaluation des espoirs de la Ligue nationale. C’est évident que j’aimerais être le premier, mais je n’ai pas connu la saison dont je rêvais et je suis conscient que les deux autres défenseurs qui font partie de la conversation ont été excellents. Alors on verra bien, mais je n’ai pas l’intention de me faire trop de mauvais sang avec ça. »

Mais pourquoi au juste l’aura de Chychrun a-t-elle autant perdu de son éclat? Certains parlent des répercussions d’une blessure à une épaule avec laquelle il a dû composer en début de saison. Son renvoi du camp de sélection d’Équipe Canada junior, en décembre, en a certainement surpris plus d’un. Et ses statistiques personnelles n’ont pas suivi la courbe de progression attendue. Après avoir inscrit 16 buts en seulement 42 matchs à sa saison recrue, il n’en a fourni que 11 en 62 parties l’an dernier.

Au cours de la même période, Juolevi s’est imposé comme le quart-arrière des champions de la Coupe Memorial et Sergachev a remporté le titre de meilleur défenseur de l’OHL. À travers la LNH, les convictions ont certainement été ébranlées, mais pour plusieurs, Chychrun demeure le plus bel espoir à sa position.

« Il a connu une année où tout ne s’est pas bien passé pour lui. Cela dit, ça ne veut pas dire qu’il n’y a que du négatif », contrebalance Dan Marr, le directeur de la Centrale de recrutement de la LNH, qui place Chychrun au quatrième rang de son classement des meilleurs joueurs nord-américains devant Juolevi (5e), Charles McAvoy (6e) et Sergachev (8e). À la mi-saison, le nom de Chychrun occupait le deuxième rang de cette liste.

« En l’observant jouer à l’âge de 16 ans, on avait déjà établi qu’il était une valeur sûre, soutient Marr. Cette année, on voulait surtout le voir améliorer sa prise de décision, sa gestion du risque, et c’est ce qu’il a fait. Tout n’a pas été parfait, mais d’une seule voix, notre équipe continue de croire fermement en ce joueur. Bien des choses peuvent survenir sur la route qui mène au repêchage, mais nous ne les laisserons pas influencer nos convictions au sujet de Jakob Chychrun. »

« Il peut être dominant dans les trois zones, affirme Dennis MacInnis, de la firme d’évaluation ISS Hockey. On aurait souhaité voir une plus grande progression de son jeu offensif, mais sinon, il n’y a rien à redire. »

« Je crois que j’ai amélioré d’autres aspects de mon jeu qui nécessitaient que je m’y attarde, approuve Chychrun. Je suis meilleur défensivement, ce qui était mon plus grand souci cette année. Je veux contribuer à l’attaque, mais je veux aussi qu’on me confie des missions défensives. Je crois maintenant pouvoir jouer dans toutes les situations. »

La lucidité de Chychrun, visiblement, n’a pas affecté sa confiance en ses moyens. Le fils de l’ancien défenseur des Flyers de Philadelphie Jeff Chychrun, qui a grandi sous les palmiers de la Floride, envisage de suivre les traces d’Aaron Ekblad et de faire sa place dans la LNH dès l’âge de 18 ans.

Toutes les équipes qu’il a rencontrées au cours des dernières semaines ont reçu l’heure juste. Elles sont au courant de tous ses travers, mais aussi de ses ambitions. Chychrun croit qu’en montrant son jeu, il augmente ses chances qu’une équipe ose mettre tous ses jetons sur la table pour le réclamer.

« J’ai voulu être le plus honnête possible. À chaque question qui m’était posée, j’ai été sincère, je n’ai rien caché. Je crois que ça démontre à quel point je suis motivé, bien intentionné et assoiffé de succès. Les dirigeants qui me repêcheront pourront dormir sur leurs deux oreilles. Il n’y a pas plus motivé que moi. »

La confiance de Juolevi

Là où Chychrun préfère se garder une petite gêne, Olli Juolevi prend sans hésiter la place qu’il croit lui revenir.

« Je m’attends à être le premier défenseur repêché », répond sans prétention le svelte Finlandais quand on le questionne sur ses attentes quant à son passage imminent chez les professionnels.

Olli JuoleviIl n’est pas le seul à le penser. Juolevi a eu plusieurs occasions d’attirer l’attention à sa première saison en Amérique du Nord et n’en a gaspillé aucune. Il a été le meilleur défenseur de la meilleure équipe junior au Canada, prenant part à près de 80 matchs avec les Knights. Il a aussi amassé neuf points en sept matchs pour aider la Finlande à remporter l’or au Championnat mondial de hockey junior.

« Il est le meilleur défenseur disponible au repêchage, n’hésite pas à statuer un dépisteur qui préfère garder l’anonymat. Il est de glace en possession de rondelle. C’est un joueur qui va contrôler le jeu de puissance et sur les sorties de zone, toutes ses passes sont sur la palette. Il va faire des jeux qu’il est le seul à avoir vus, des passes que personne d’autre n’aurait essayées. On peut parfois se poser des questions sur son intensité, mais même quand il est moyen, il est efficace. »

« Il a connu une année sensationnelle du début à la fin, témoigne Dennis MacInnis. Ça lui en prend beaucoup pour le faire paniquer. À son âge, il est l’un des meilleurs que j’ai vus pour pivoter et aller récupérer des rondelles dans son territoire et il prend généralement la bonne décision pour la ressortir rapidement. »

« Plus l’enjeu est élevé, plus le match est difficile, meilleur il est, a remarqué Dan Marr. Lorsqu’il est en possession de la rondelle, rien ne l’énerve. Il prend les bonnes décisions et il les prend aux bons moments. »

Juolevi est plutôt frêle pour un jeune homme de 6 pieds 2 pouces. Rien à voir avec l’armoire est glace qu’est Chychrun, « qui peut frapper comme un train », observe un autre recruteur interrogé à son sujet. Le natif d’Helsinki est le premier à admettre qu’il n’est pas le plus robuste, mais ne croit pas que cette carence puisse suffire à l’étiqueter comme un défenseur unidimensionnel.

« Je ne veux pas être vu comme un joueur à caractère offensif. J’ai quelque chose à offrir dans les deux sens de la patinoire », garantit celui qui tente d’émuler Hampus Lindholm et Oliver Ekman-Larsson, mais qu’on compare pour l’instant davantage à son compatriote Olli Maatta.