BOCA RATON, Floride - Les Coyotes de l’Arizona, leur bras de fer avec la ville de Glendale et surtout l’incertitude entourant leur avenir dans le désert ont volé la vedette à la réunion des directeurs généraux de la LNH mercredi.

En fait, c’est Gary Bettman par le biais d’une lettre rédigée avec une note d’impatience et un brin de menace qui a relancé ce débat. Dans cette lettre adressée aux membres du Sénat et de l’Assemblée législative de l’État de l’Arizona, le commissaire de la LNH invite les élus à voter en faveur du projet de loi 1149. Une fois adopté, ce projet de loi accorderait une subvention publique de 395 millions $ afin d’aider les propriétaires des Coyotes dans leur quête de construire un nouvel amphithéâtre.

Dans un passage très direct – les mots sont d’ailleurs en caractères gras – de la lettre coulée dans les médias en fin de soirée mardi, Gary Bettman affirme : « la réalité est toute simple. Les Coyotes de l’Arizona doivent emménager dans un nouvel amphithéâtre pour survivre. Les Coyotes doivent quitter Glendale ».

Dans son point de presse qui a clos les trois jours de réunion, Bettman a tenu à préciser la nature de son intervention. « Il est hors de question de lancer la serviette dans le cas des Coyotes. Nous croyons toujours que la grande région de Phoenix est un excellent marché pour la Ligue nationale et nous tenons à y demeurer », a lancé Bettman avant d’ajouter : « Le problème des Coyotes n’est pas le marché. C’est Glendale qui a créé le problème en déchirant le contrat à long terme qui liait la ville et les Coyotes. Si ce contrat était toujours en vigueur, nous n’aurions pas cette discussion ».

À la rue après 2018?

Selon l’entente intervenue après l’annulation du contrat, les Coyotes ont pignon sur rue au Gila River Arena où ils sont déménagés en 2003 jusqu’à la fin de la saison 2017-2018.

Mais après?

« Les Coyotes ont plusieurs options sur la table », a assuré Gary Bettman sans toutefois accepter de les défiler.

L’option la plus intéressante, celle qui liait les Coyotes à l’Université Arizona State à Tempe et qui a d’ailleurs fait l’objet d’une annonce prématurée de la part des propriétaires des Coyotes est finalement tombée à l’eau.

La ville de Phoenix a ouvert la porte l’an dernier au projet de ramener les Suns et les Coyotes au sein d’un même amphithéâtre dans le centre-ville. Cette idée va de soi considérant que les Suns ont, comme les Coyotes, besoin d’un nouveau domicile et que les deux équipes partageaient le même domicile lorsque la LNH est débarquée à Phoenix en 1996.

L’ennui, et il semble de taille, c’est que le propriétaire des Suns, Robert Sarver, semble vouloir faire cavalier seul dans son aventure. Propriétaire des Suns depuis 2004 – il avait acquis l’équipe pour la somme record à l’époque de 401 millions $ –, Sarver est loin de faire l’unanimité dans les hautes sphères du sport professionnel. Les collègues du réseau ESPN l’ont d’ailleurs auréolé du titre peu enviable de pire propriétaire de la NBA l’automne dernier.

Mais attention! Les Coyotes pourraient aussi demeurer au Gila River Arena au-delà la fin de l’entente en 2018.

En coulisse, on soutient que bien que la ville ait déchiré le contrat qui la liait aux Coyotes – un contrat qui était d’ailleurs tout à l’avantage du club au détriment de la ville –, les élus tiennent à garder le club à Glendale.

La raison est bien simple. Avec les Coyotes comme locataires et les 41 matchs de saison régulière qu’ils garantissent, Glendale minimise un déficit d’opérations qui serait bien plus lourd si le Gila River Arena était désert 365 soirs par année.

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on croit que les élus de Glendale font un lobby du tonnerre auprès des élus afin qu’ils rejettent le projet de loi 1149. L’adoption dudit projet de loi signifierait le départ des Coyotes d’ici deux, trois ou quatre ans au maximum. Son rejet permettrait à Glendale d’offrir une bouée de sauvetage aux Coyotes avec qui elle pourrait s’entendre sur les modalités de baux annuels ou à court terme.

Acharnement

Lorsque le collègue Pierre LeBrun lui a demandé s’il convenait qu’avec tous les écueils successifs traversés au fil des dernières années, les Coyotes étaient loin d’arriver à convaincre qui que ce soit de leurs chances de faire briller le hockey et la LNH sous le soleil de l’Arizona et qu’on assistait peut-être à un cas d’acharnement de sa part, Gary Bettman s’est rebiffé.

L'épineux dossier des Coyotes

« Phoenix est le cinquième marché en importance aux États-Unis. Ce n’est pas de l’acharnement que de maintenir notre intention de nous établir, car c’est un très bon marché. Il faut simplement trouver les paramètres pour y réussir autant sur le plan sportif que sur le plan des affaires. Tant que nous serons à Glendale, l’aventure sera vouée à l’échec parce que la ville a déchiré le contrat qui assurait la survie financière du projet. C’est la raison pour laquelle j’ai écrit aux élus. Je veux qu’ils soient bien conscients de notre sérieux à l’endroit de Phoenix. Qu’ils comprennent qu’en adoptant le projet de loin à l’étude, ils donneront le coup d’envoi à une association qui sera payante pour tout le monde, à commencer par les différents paliers de gouvernement. »

En plus des mises en garde qu’il soumet dans sa lettre aux élus, Gary Bettman – en s’appuyant sur une étude produite par la firme Elliott D Pollack & Company – assure que l’adoption du projet de loi 1149 entraînerait une activité économique de 600 millions $. L’étude soutient que la construction de l’amphithéâtre créerait 2500 emplois et que 3600 emplois directs et indirects seraient ensuite créés en marge des opérations des Coyotes dans leur nouveau domicile.

Qu’arrivera-t-il si les élus restent de marbre à la lettre du commissaire de la LNH et que le projet de loi est rejeté?

« Nous évaluerons nos options à ce moment. Mais je vous l’assure une fois encore. Les Coyotes ne s’en vont nulle part », a martelé Gary Bettman.

Lorsque le nom des Hurricanes de la Caroline a ensuite été mentionné dans une question subséquente, le commissaire n’a pas attendu la fin de la question pour trancher : « Les Hurricanes ne déménagent pas non plus. Peter Karmanos a différentes options. Il peut vendre, il peut trouver des partenaires, il peut même demeurer en poste s’il le veut. C’est lui qui décidera de ce qu’il veut faire. Mais tout comme les Coyotes, les Hurricanes ne bougent pas ».

Opérations hockey

Victime des circonstances, John Chayka a été forcé de parler d’affaires plutôt que de hockey à sa sortie de la salle de réunion. Le jeune directeur général ne voyait pas d’un mauvais œil la lettre du commissaire. Au contraire. « À mes yeux cette lettre est très positive. Elle démontre le sérieux de la Ligue dans sa quête de s’établir pour de bon dans le marché de Phoenix. Elle démontre que les Coyotes sont là pour rester et que nous espérons établir des liens d’affaires qui permettront à tout le monde de réussir. »

John Chayka assure aussi que le fait que l’amphithéâtre soit à moitié plein – ou à moitié vide, c’est selon – ouvre la porte à des conclusions nettement exagérées quant au potentiel du marché.

« Phoenix est un marché solide. C’est une ville magnifique, c’est une ville qui bouge. Les Coyotes avaient un gros bassin de partisans lorsqu’ils sont arrivés. Le déménagement à Glendale n’a pas eu les effets espérés. Mais le hockey y est en nette progression quand même. L’entrée en scène d’Auston Matthews dans la LNH cette année en fait la preuve. Le départ des Coyotes serait une très mauvaise nouvelle pour le hockey », soutient Chayka en ajoutant qu’il n’a pas à essuyer les inquiétudes de ses joueurs ou les doléances des agents des joueurs qu’ils tentent de courtiser ou de garder dans le désert de l’Arizona.

« Les problèmes ne datent pas d’hier. Les joueurs en sont donc conscients. Mais nos opérations hockey se détachent de ces questions le plus possible. Comme directeur général, je tente de former la meilleure équipe possible avec les moyens à ma disposition. Il est clair que si les gradins étaient remplis à tous les matchs, j’aurais un budget plus considérable pour courtiser des joueurs autonomes ou des vedettes. Mais je n’ai jamais entendu un agent me dire que lui et son joueur nous tournaient le dos à cause de la question de l’amphithéâtre. J’ai confiance que mes propriétaires et la Ligue trouveront le moyen pour obtenir la construction d’un nouvel amphithéâtre dans un endroit mieux choisi que Glendale et que ce déménagement assurera notre croissance », a conclu John Chayka.

Après 65 matchs cette saison, les Coyotes croupissent au 13e et avant-dernier rang dans l’Ouest. Ils sont aussi 29es au classement général tout juste devant l’Avalanche du Colorado. Les Coyotes seront donc exclus des séries pour une cinquième saison de suite et une onzième fois en 14 ans.