Avec la Victoire en perte de vitesse, Kori Cheverie s'impatiente
LAVAL – Après le premier match préparatoire du tout premier camp d'entraînement de la Victoire, en décembre 2023, Kori Cheverie s'est présentée devant les caméras de mauvais poil. Son équipe venait de se faire traverser et la femme cordiale et généreuse dont on avait fait la connaissance quelques semaines plus tôt n'était pas d'humeur à s'épancher sur la naissance d'une nouvelle ligue ou à raconter les histoires qui pouvaient contribuer à son rayonnement.
On a découvert ce jour-là le regard assassin et la répartie tranchante d'une entraîneuse qui déteste perdre autant qu'elle aime ses joueuses et son équipe. Lorsque les défaites s'accumulent ou que les critiques se font un peu trop insistantes, on flirte avec un scénario où le bouchon risque de sauter.
C'est ce qui s'est produit mardi soir après la défaite de 1-0 de son équipe aux mains des Sirens de New York. Vers la fin d'un point de presse de près de onze minutes, Cheverie s'est impatientée devant un enchaînement de questions qu'elle jugeait redondantes et négatives.
L'intervention qui a fait déborder le vase était pourtant pertinente. La Victoire venait de perdre pour la quatrième fois en cinq matchs, une performance incomplète contre la pire formation de la LPHF. Une consoeur a demandé à Cheverie son ressenti à propos de l'état général de son équipe et si elle craignait manquer de temps, avec trois matchs à jouer en saison régulière, pour entrer en séries avec un vent de dos.
« J'ai l'impression que vous m'avez posé cette question trois ou quatre fois dans les deux dernières semaines », a-t-elle répondu.
Son interlocutrice a tenté de préciser sa pensée, mais le dentifrice était sorti du tube.
« J'ai célébré plusieurs choses positives aujourd'hui dans le vestiaire et je pense que c'est là-dessus qu'on devrait tous se concentrer, plutôt que d'être toujours dans le négatif comme vous l'êtes constamment. »
« Quand [Jennifer] Gardiner rate un filet ouvert pendant un 6-contre-5, on l'aide à se relever, on ne l'abandonne pas. Notre désavantage numérique a été fantastique ce soir. [Elaine] Chuli a été superbe. Notre jeu de puissance a généré de bonnes chances. C'est ce qu'on célèbre dans le vestiaire. Il se passe de très belles choses dans ce vestiaire et l'ambiance n'y est pas celle que vous croyez. Est-ce que je déteste perdre? À 100%. C'est ce qui explique mon humeur présentement. Mais ma fierté pour ces filles est sans limite et j'espère que quand elles se présenteront devant vous, vous pourrez célébrer quelques-unes de leurs réussites avec elles. Ça serait bien. »
En voulant protéger ses joueuses, Cheverie a bêtement confondu le travail des journalistes avec celui de Maude Lanteigne, la pétillante animatrice de foule qui garde la Place Bell sur le qui-vive à chaque match à domicile de la Victoire.
Les journalistes doivent rendre compte des événements qu'ils couvrent en relayant le plus fidèlement possible, au meilleur de leur connaissance et de leur jugement, ce que leurs yeux leur permettent d'observer. Si leurs questions sont les mêmes depuis plusieurs semaines, c'est que les performances de l'équipe qu'ils observent offrent très peu de signe de progression.
Depuis le 15 février, soit le point médian de sa saison, la Victoire n'a gagné que deux de ses douze matchs en temps réglementaire. Son attaque manque de mordant et repose principalement sur les prouesses de deux joueuses. « On doit marquer plus de buts », a reconnu Cheverie avant d'ajouter sur un ton très peu festif à la collègue qui avait mis ses gants blancs pour aborder le sujet : « Tu peux poser la question directement, inutile de tourner autour du pot. »
Cheverie regarde le classement et voit son équipe tout en haut, déjà qualifiée pour les séries. C'est l'histoire qu'elle voudrait voir racontée. Mais un observateur neutre ne peut ignorer la vulnérabilité de son groupe alors qu'il se dirige vers la portion la plus importante de la saison.
« On adorerait gagner chacun de nos matchs en temps réglementaire, a dit la vétérane Erin Ambrose lorsque son tour est venu au podium. On aimerait être parfaites. Mais ce n'est pas ça, le hockey. J'aime autant qu'on manque de constance en ce moment que plus tard, dans les séries. »
« Il nous reste trois matchs pour nous crinquer pour les séries. On est déjà qualifiées, on est la seule équipe de la Ligue avec un ‘X' à côté de notre nom et on en est fières. Mais on sait aussi qu'on a beaucoup de travail à faire dans ces trois matchs. Le manque de constance est réel, mais il n'est pas trop tard pour y remédier avant qu'on entre dans la période la plus importante de l'année. »
La LPHF a fait l'objet d'une couverture majoritairement positive et complaisante – « qui cherche à faire plaisir, à être agréable », selon le Larousse – depuis sa création. Ses succès aux guichets, ses idées novatrices et la qualité du spectacle offert par ses joueuses ont été soulignés et applaudis.
La directrice générale de la Victoire, Danièle Sauvageau, a souvent remercié les membres des médias pour leur présence et leur couverture jugée essentielle à l'émancipation du circuit. Mais le quotidien d'une équipe professionnelle sérieuse dans une ligue sérieuse ne peut être que confettis et ballons roses.
Il faut le dire quand ça va moins bien. Il faut aussi être capable de l'entendre.