Ryan Leonard, l'agent du chaos des Américains
La demi-finale du Mondial junior entre les États-Unis et la Tchéquie sera présentée dès 19 h 30 ce soir sur RDS et le RDS.ca.
RÉSULTATS| CALENDRIER|CLASSEMENT|STATISTIQUES
OTTAWA – Le visage de Ryan Leonard racontait deux histoires différentes après la victoire des États-Unis contre la Suisse en quart de finale du Mondial junior.
Son nez, pansé, bigarré et anormalement incliné, témoignait de souffrance et de sacrifices.
Sa bouche, arquée de manière à former un sourire qu'il tentait mal de dissimuler, exprimait la satisfaction, la fierté et le sens de l'accomplissement.
Ces deux observations ne devraient pas être complémentaires. Mais Leonard, le capitaine de l'équipe américaine, est à parts égales masochiste et bourreau. Il peut jouer pour faire mal, mais donne parfois l'impression de trouver satisfaction dans la douleur qu'on lui inflige.
C'est ce qu'on a vu dans le match contre la Suisse. Il a donné des coups, il en a encaissé et il en a redemandé. Et lorsqu'il ne cherchait pas lui-même le chaos, le chaos s'occupait de le trouver. C'est un tir bloqué, dévié dans un angle malchanceux par son propre bâton, qui lui a arrangé le portrait d'une manière qui, une fois le pincement initial apaisé, semblait bien l'amuser.
Qu'il s'agisse d'un rendez-vous naturellement chargé d'émotions contre le Canada, la veille du jour de l'An, ou d'un match pratiquement plié d'avance contre un rival de moindre envergure, le choix de première ronde des Capitals de Washington démontre la même intensité. À ce Mondial junior, il est le leader parfait pour une équipe qui n'a plus que deux obstacles devant elle pour remporter l'or pour une deuxième année consécutive.
« Il est tellement compétitif, il ne refuse jamais d'aller où ça fait mal, affirmait son coéquipier Zeev Buium après le match contre la Suisse. Il peut se faire sonner les cloches une fois, deux fois, trois fois, il va continuer d'y aller. »
« Quand il y a de la chicane, il n'est généralement pas loin, confirme son compagnon de trio Gabriel Perreault. Il aime ça quand ça brasse et il est tout le temps là pour te défendre. C'est bon d'avoir un capitaine comme lui. »
« C'est un gars qui se lève dans les grands moments, a remarqué James Hagens. Je niaisais avec lui sur le banc, je lui disais qu'on ne ferait probablement plus appel à ses services de mannequin après ça, mais ça fait partie de son identité. La présence d'après, il était prêt à y retourner. Ça démontre le genre de leader qu'il est. Rien ne semble l'affecter. »
Ça, ce n'est pas nécessairement vrai. Comme tout joueur qui se nourrit du chaos, Leonard est sujet à dépasser les bornes. On l'a vu dans le match contre le Canada, écoper d'une pénalité pour rudesse plusieurs secondes après la sirène annonçant la fin de la deuxième période. Le Canada a créé l'égalité pendant qu'il servait sa peine.
Avec cette coûteuse frasque toujours en tête, ce ne sont pas ses mises en échec percutantes, les tirs qu'il a bloqués ou même les deux buts qu'il a marqués que son entraîneur David Carle a retenu de sa performance contre la Suisse. C'est plutôt une séquence en troisième période durant laquelle son vétéran, après s'être fait projeter au sol par un adversaire, s'est sagement éloigné de la scène au lieu de chercher à se faire vengeance.
« Pour moi, c'est une preuve de croissance dans sa maturité et sa discipline, remarquait Carle. Ryan est un leader émotif. C'est un trait de sa personnalité autour duquel ses coéquipiers se rallient. Mais à ce moment précis, ce n'était pas le temps de chercher à faire du trouble. Ça m'a fait plaisir de voir qu'il l'avait compris. Plus j'apprends à le connaître, plus je vois un gars en contrôle de ses émotions. »
Leonard est aussi conscient que plus il est en contrôle de ses émotions, plus les gens qui le regardent jouer peinent à contenir les leurs. Il est devenu l'ennemi numéro un l'an dernier à Göteborg, où les Américains ont brisé les rêves des favoris locaux. On parle encore de sa célébration, un baiser envoyé avec arrogance en direction des partisans suédois, après un but qui mettait la cerise sur le gâteau en grande finale.
Quand il s'est fait chahuter sans réserve pendant le match contre le Canada, le 31 décembre, il s'est dit que c'était une réaction normale venant d'une foule grandement partisane. Quand il a reçu son titre de joueur du match sous les mêmes huées, deux jours plus tard, il a compris qu'il ne s'était vraiment pas fait d'amis à Ottawa.
Un journaliste lui a suggéré qu'il était probablement l'homme le plus détesté en ville. Il a souri, sans même tenter de cacher sa joie cette fois. « C'est cool d'être détesté. »