L'efficacité défensive au coeur des succès du Rocket
LAVAL – Un vieil adage du monde du sport dit que l'attaque vend des billets, mais que la défensive gagne des championnats. Il est évidemment beaucoup trop tôt pour commencer à graver son nom sur le gros trophée, mais on ne peut détourner le regard du rendement défensif du Rocket pour expliquer ses succès inattendus depuis le début de la saison.
Après 14 matchs, le club-école du Canadien n'a concédé que 31 buts. Seulement deux équipes de la Ligue américaine ont été plus étanches. L'une d'elles, les Admirals de Milwaukee, ont joué un match de moins.
Mais pour une réelle mise en perspective, considérez-ceci : au même stade la saison dernière, le Rocket avait déjà accordé 60 buts.
Une bonne partie de ce désastre s'expliquait par le rendement médiocre de ses gardiens. Jakub Dobeš avait mis du temps à s'ajuster au hockey professionnel et Strauss Mann n'avait pas fait le travail dans le rôle de soutien qui lui avait été confié. Le navire s'était d'ailleurs stabilisé à partir du moment où les cerbères de l'équipe avaient gagné en efficacité.
Il faut toutefois plus que deux bons gardiens pour expliquer un contraste si prononcé entre deux entames de saison.
L'entraîneur-chef Pascal Vincent, ça va de soi, dédie une partie importante de son enseignement au secteur défensif. Pour décrire son approche, il utilise l'expression anglaise « component teaching », qu'on pourrait traduire par « pédagogie ciblée ».
« On décortique notre couverture défensive en différents morceaux », explique-t-il. Dans le détail, ses joueurs reçoivent de l'information sur la façon de se comporter dans chaque secteur de leur territoire selon ce que la situation commande. « Et à chaque entraînement, on y consacre au moins un drill. »
L'efficacité défensive est un langage qui se parle des deux côtés de la ligne bleue. C'est s'assurer que tout le monde fait son travail sur une mise en jeu perdue et se dirige au bon endroit pendant un repli. « On en parle beaucoup et on fait beaucoup de travail là-dessus », ajoute le stratège.
Tout cela étant dit, Vincent croit qu'il faut voir « au-delà du système » pour expliquer l'avarice de son équipe.
« Il y a des choses à l'intérieur du système qu'on fait très bien, mais le désir qu'on a de bien jouer défensivement, de bloquer des tirs, d'avoir des bons bâtons, de [faire le ménage devant notre but], de ne pas donner de deuxième et de troisième chance devant le filet... et quand il y a des défaillances, les gardiens font le travail. Donc je pense que c'est une combinaison de plusieurs facteurs. Rien d'extravagant d'un bord ou de l'autre, mais c'est que tout le monde est connecté défensivement. »
« Je ne dirais pas que c'est la continuité de l'année passée parce qu'on a changé de staff, on a des nouveaux joueurs. Mais les gars, on veut tellement gagner l'un pour l'autre, remarque le défenseur William Trudeau, qui en est à sa troisième saison à Laval. Les équipes contre qui on joue, elles disent toutes que c'est difficile de nous affronter. Oui il y a le talent, on a beaucoup de skills, on a beaucoup de gars qui peuvent faire des beaux jeux. Mais je pense que le plus important c'est que tout le monde dans l'équipe est capable de faire le travail plus dur. Des backcheck, aller sur l'échec-avant et créer des revirements. Je pense que c'est là vraiment qu'on prend une coche. »
Des jeunes réceptifs et « intenses »
L'an dernier, le prédécesseur de Vincent, Jean-François Houle, avait prédit avec justesse le début de saison difficile de son équipe. Sa prophétie s'appuyait sur la quantité de jeunes joueurs qu'il devait intégrer à son groupe.
L'équipe dont Vincent a hérité compte sur un nombre similaire de recrues. Owen Beck, Florian Xhekaj, Luke Tuch, Filip Mešár et Adam Engström sont tous en apprentissage des réalités de la Ligue américaine. « On en parlait tantôt, on est la deuxième plus jeune équipe de la ligue », soulève l'entraîneur en échangeant un regard complice avec Frédérique Collerette, la responsable des communications du Rocket.
« L'équipe a bien repêché au fil des années, on a des gars qui ont une certaine compréhension, enchaîne celui qui a aussi travaillé dans les organisations des Jets de Winnipeg et des Blue Jackets de Columbus. Tu sais, on peut bien enseigner, mais si les gars ne l'enregistrent pas et ne sont pas capables de l'exécuter, ça ne mènera nulle part. »
« Quand on parle de skills, on parle toujours des mains, des lancers, de la capacité à produire de l'attaque. On ne parle pas souvent de la réceptivité au coaching. Nos gars veulent être coachés. Quand ils font une erreur, on est capable toute de suite de les approcher et de la corriger. On le sent de la part de nos jeunes. »
Mais à la base de tout ça, c'est qu'ils sont intenses. Quand tu as de l'intensité, il y a bien des erreurs que tu fais qui ne paraissent pas », conclut Vincent.
Et puis sans en faire une grosse histoire, mentionnons quand même le retour dans le personnel d'entraîneurs de Daniel Jacob. L'éternel complice de Joël Bouchard a repris le mentorat des défenseurs du Rocket depuis le départ de Kelly Buchberger derrière le banc. Pascal Vincent ne tarit pas d'éloges à son endroit.
« Si ce gars-là ne se retrouve pas dans la Ligue nationale avant la fin de sa carrière, c'est un crime. [...] Il est une grosse raison de nos succès. »