LAVAL – On dit qu’on peut faire dire ce qu’on veut aux statistiques. Il y a, c’est vrai, de nombreux contextes où les chiffres laissent place à l’interprétation.

 

Mais il y a aussi celles dont il est impossible de se défiler, qui mènent à des conclusions sans appel. Ajoutez-y les couches de glaçage que vous voulez, le goût restera le même. Essayez de contourner la question de tous les angles imaginables, la réponse ne changera pas.  

 

Soixante-treize. C’est le nombre qu’il est impossible de cacher présentement chez le Rocket de Laval.


Arrivé au quart de sa saison, le club-école du Canadien affiche le pire rendement défensif de la Ligue américaine. Après 19 matchs, il a accordé un astronomique total de 73 buts. Si vous faites le calcul, c’est près de quatre buts par rencontre (3,84) concédés par la formation lavalloise qui, alors qu’on attend encore la première neige, a déjà pris cinq buts ou plus dans huit parties.
 

L’équipe réserve du Tricolore n’est pas reconnue pour son avarice. Depuis que Sylvain Lefebvre en a pris les commandes, en 2012-2013, elle n’a pu faire mieux que le 13e rang au chapitre des buts alloués à l’échelle de la LAH. La saison dernière, à St. John’s, les espoirs du CH ont accordé 220 buts, un rendement bon pour le 20e rang sur 30 équipes.

 

Ce bilan, loin d’être reluisant, est en voie de s’aggraver. S’il continue d’encaisser au rythme actuel, le Rocket terminera la saison avec 292 buts contre. Il faut revenir huit ans en arrière pour retracer un club plus généreux dans l’antichambre de la LNH. Lors de la saison 2009-2010, les Falcons de Springfield s’étaient fait enfoncer 296 buts. Mais le calendrier de la Ligue américaine comptait à l’époque 80 matchs, quatre de plus que n’en disputera Laval cette saison.

 

« Je n’avais pas des cheveux en commençant la saison, moi? », a lancé Lefebvre, rieur, lorsqu’on l’a confronté aux problèmes défensifs de son équipe jeudi.

 

Sans chercher à écorcher ses joueurs, Lefebvre n’a pas non plus tenté de dissimuler leurs largesses. Avec des gants blancs, mais sans lunettes roses, l’entraîneur-chef a réparti également le blâme, faisant comprendre calmement que la fragilité de son équipe était présentement un trouble généralisé.

 

Dans un tel contexte, les premiers doigts accusateurs seront toujours dirigés vers les défenseurs. En Brett Lernout, Stefan Leblanc et Simon Bourque, la brigade du Rocket compte trois joueurs de 21 ans et moins. Noah Juulsen, qui se remet d’une blessure à un pied, incorporera d’un jour à l’autre ce groupe d’arrières inexpérimentés. Éric Gélinas, 26 ans, est un vétéran dont l’identité est en reconstruction. Matt Taormina, 30 ans, est surtout reconnu pour ses habiletés offensives. Jakub Jerabek, 26 ans, devait s’adapter au style de jeu nord-américain avant d’être récemment rappelé par le Canadien.

 

Au sein de ce groupe hétéroclite, seuls Lernout (74 matchs) et Tom Parisi (45 matchs) avaient joué sous les ordres de Lefebvre et de son groupe d’adjoints avant le début de la saison actuelle. Mais pour l’entraîneur-chef, il ne s’agit pas d’un point valable pour accorder le bénéfice du doute à ses défenseurs.

 

« Les systèmes se ressemblent beaucoup et ce n’est pas comme si le nôtre était vraiment différent des autres équipes. À un moment donné, quand tu es rendu au 20e match, l’ajustement aurait dû être fait. »

 

Lefebvre n’épargne toutefois pas son groupe d’attaquants, identifiant rapidement la zone neutre comme une source des carences défensives de son club.

 

« Défensivement, ce n’est pas juste une question de défensive de zone; des fois c’est le retour dans la zone, a-t-il théorisé. Ce n’est pas qu’on ne se replie pas, mais il s’agit d’identifier quel joueur on doit prendre lors du repli et tout ça... On a quand même beaucoup travaillé là-dessus dernièrement. Et puis en défensive de zone, ce n’est pas non plus l’histoire d’un ou deux gars. Mais on dirait que chaque fois qu’on fait une erreur, la rondelle se retrouve dans notre filet. »

 

Pour appuyer cette remarque qu’on pourrait interpréter comme une pointe lancée en direction de Charlie Lindgren, Zachary Fucale et Michael McNiven, les trois gardiens utilisés par le Rocket cette saison, nous laisserons ici cette statistique : dans les huit matchs mentionnés plus haut au cours desquels il a accordé cinq buts ou plus, le Rocket a donné en moyenne 31,8 tirs sur son filet.

 

La même faiblesse qu’en haut

 

Comme dans toute famille, il faut croire que la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre dans l’organisation du Canadien.

 

Les problèmes actuels du grand club sont bien documentés. Neuf fois depuis le début de la saison, l’équipe dirigée par Claude Julien a accordé deux buts dans un intervalle de moins d’une minute. Cette mauvaise habitude est vue comme le fruit d’une faille psychologique évidente, d’une incapacité à réagir adéquatement lorsque le découragement devient l’option facile.

 

Lefebvre peut compatir avec son homologue. À son grand dam, il remarque que la confiance de son équipe est toute aussi fragile, citant en exemple le match de dimanche dernier contre le Moose du Manitoba. À mi-chemin en deuxième période, un but de Daniel Carr a permis au Rocket de créer l’égalité 2-2, « mais dès la présence suivante, on donne deux bonnes chances de marquer », relate le coach. En l’espace de trois minutes, le Moose a profité de deux supériorités numériques successives pour prendre une avance de deux buts.

 

Le refrain vous semble familier?

 

« C’est dur des fois mentalement. Je pense qu’il y en a certains qui trouvent ça difficile de se remettre de ça », expose Lefebvre.

 

L’anecdote révèle un autre problème criant chez le Rocket. L’équipe est à la fois la troisième plus punie de la LAH avec 98 avantages numériques concédés à l’adversaire et celle qui a accordé le plus de buts - 24 - à court d’un homme. Son taux d’efficacité de 75,5 % en désavantage numérique est le pire de la Ligue.

 

« On a plusieurs joueurs qui n’ont pas tué de punitions tant que ça dans leur carrière et il faut faire beaucoup d’enseignement, dit Lefebvre. Ensuite, il faut que les joueurs fassent leur travail. Ce n’est pas seulement un ou deux gars, c’est une unité de quatre, cinq avec le gardien de but. Et normalement, quand ton désavantage numérique va vraiment bien, ton gardien est ton meilleur joueur. Mais je ne veux pas mettre la faute sur les gardiens, il faut travailler ensemble là-dessus. On est peut-être un peu fragile au niveau mental de ce côté-là, on est hésitant. On ne veut pas se faire compter, mais au lieu d’avoir l’instinct du tueur, on hésite un peu et des fois, on se retrouve entre deux chaises et on se fait prendre. »

Les unités spéciales du Rocket feront face à un bon test pour amorcer le deuxième quart de la saison. Les Comets de Utica, qui seront les visiteurs pour un programme double à la Place Bell en fin de semaine, possèdent le septième meilleur jeu de puissance de la Ligue américaine avec un taux de réussite de 20 %.​