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RÉSULTATS

Découvrir que son voisin a couru le 100 m aux Jeux olympiques à Atlanta en 1996

Joel Mascoll et Donovan Bailey Joel Mascoll et Donovan Bailey à Atlanta en 1996. - Joel Mascoll
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MONTRÉAL – Qui sont nos voisins? Que font-ils dans la vie? Quels parcours les ont menés à s'installer sur la même rue? Notre curiosité nous lance parfois de telles questions. Mais je n'aurais jamais imaginé découvrir un olympien à quelques portes de celle de ma famille. 

Non, mon voisin n'est pas Donovan Bailey, ni Bruny Surin, mais il a bel et bien couru le 100m lors des Jeux olympiques à Atlanta en 1996, une édition mémorable pour le Canada qui avait renversé les Américains dans leur propre cour. 

Le plus drôle dans l'histoire, c'est que mon voisin, à l'humilité rapide, aurait été le dernier à me parler de son vécu à l'épreuve reine de l'athlétisme. Il aura fallu une discussion entre ma conjointe et la sienne pour que j'apprenne son fascinant parcours. Une chance que je ne m'étais pas vanté à lui de mon dernier temps couru au 10 km…

Bien sûr, son physique athlétique sautait aux yeux. Du style qu'il est le seul voisin de la rue qui n'aurait pas eu l'air fou en coupant son gazon sans porter de chandail. 

Mais plus sérieusement, je n'aurais jamais cru qu'il avait réussi une marque personnelle de 10,19 secondes au 100 m et que ce chrono était demeuré le record de son pays pendant 26 ans!

Mon voisin s'appelle Joel Mascoll et il est originaire de Saint-Vincent-et-les-Grenadines dans les Caraïbes. En cette période des Jeux olympiques, laissez-moi vous replonger dans sa carrière qui l'a mené à rencontrer Donovan Bailey, à rivaliser avec son partenaire universitaire Tim Montgomery et à s'établir près de Montréal où il a pu s'entraîner avec Bruny Surin et Nicolas Macrozonaris. 

Après avoir surtout pratiqué le soccer et la natation pendant son enfance, ce n'est qu'à 15 ans qu'il a commencé à s'entraîner en athlétisme. Et le tout, sur les pistes - en gazon ! – de son pays natal.  

Ses parents ont quitté vers les États-Unis vers cette période et il est venu les rejoindre à New York pour sa dernière année de l'école secondaire. 

La suite est savoureuse! 

Mascoll ignorait que l'école Wingate disposait d'une équipe d'athlétisme, il s'est plutôt inscrit dans le club de soccer. Quand des résultats d'athlétisme ont été annoncés à l'intercom, un lundi matin, il en a parlé à ses amis de soccer qui ont promis de le présenter à l'entraîneur d'athlétisme. 

Quand ses amis ont rapporté à l'entraîneur ses meilleurs résultats au 100 m, 200 m et 400 m, celui-ci était mort de rire.

« Ben oui, vous dites toujours ça et ce n'est jamais vrai quand il arrive... J'entends toujours des histoires du genre... », avait-il répondu très sceptique. 

« Tellement que, quand je me suis présenté, il était certain que ce serait une blague, mais non, il a bien vu », s'est remémoré Mascoll à notre demande. 

Sans tarder, il a établi des records dans les trois distances durant une compétition d'envergure au Connecticut. Ensuite, il a fait le saut, grâce à une bourse, à l'Université Norfolk State où Tim Montgomery peaufinait aussi son art. 

La malchance pour les JO

Peu après s'être qualifié pour les Jeux olympiques, une blessure au pied droit est venue lui asséner un dur coup. Il a dû limiter son entraînement pendant plusieurs mois et il a eu besoin d'injections de cortisone pour participer à son épreuve à Atlanta. 

Joel MascollImpossible de se faire justice à ce grand moment, il a dû se contenter d'un chrono de 10,64 secondes. 

« Je n'étais vraiment pas à ma forme optimale avec mon pied blessé. Après environ 80 mètres, il a fallu que je relâche un peu, mais je voulais croiser la ligne. Sans cette blessure, j'aurais été nettement, mais nettement meilleur aux JO », a expliqué Mascoll sans sonner amer. 

En santé, il aurait obtenu un temps plus près de son sommet personnel de 10,19 établi en 1998. Avec un résultat semblable, il aurait franchi sa vague de qualifications et possiblement l'étape quarts-de-finale. 

Pour la finale, il a plutôt été un spectateur privilégié de la victoire historique de Donovan Bailey.

Et surprise, même s'il habitait désormais aux États-Unis, il s'était rangé derrière le Canada. 

En vertu de son statut d'athlète, il avait les meilleurs billets du stade. Situé directement à égalité de la ligne d'arrivée, il s'est écrié « Record du monde! » quand le chrono de 9,84 de Bailey est apparu au cadran alors que la foule était sous le choc.  

Donovan Bailey« C'était spécial parce que je poussais fort pour le Canada, moi aussi. Les États-Unis étaient les grands favoris et j'ai toujours aimé les négligés. C'était un moment très fort et ça m'a inspiré », a raconté Mascoll qui ne paraît pas du tout les 50 ans qu'il célébrera en octobre. 

« Je ne vais regretter cette expérience même si je n'ai pas pu performer à la hauteur de mes attentes. Ça m'a donné une meilleure idée de ce que je devais accomplir », a-t-il précisé à notre questionnement. 

Mascoll n'oubliera jamais ses rencontres avec Bailey et Linford Christie à Atlanta, mais aussi avec Toni Kukoc qui brillait alors avec les Bulls de Chicago. 

Quand on lui fait remarquer ses exploits sont impressionnants, il répond avec sa mentalité d'athlète. 

« Les gens me disaient ‘Oh, tu es tellement rapide', sauf que je ne l'ai jamais réalisé parce que mes yeux étaient rivés vers les temps établis par les grands champions. Ce n'est qu'en arrêtant que j'ai fini par constater que j'avais couru vite. Mais, cela dit, je suis assez fier de ma carrière », a souligné le père de trois enfants. 

En vivant les JO à 21 ans, Mascoll s'imaginait y retourner en 2000, mais il n'a pas connu la saison espérée après les Championnats du monde de 1999 à Séville où Bruny Surin a égalé le 9,84 de Bailey. 

Un retour comme entraîneur au Québec?

Joel MascollC'est en devenant papa pour la première fois qu'il a compris qu'il devait arrêter la compétition. Jumeler un travail à l'entraînement s'avérait trop exigeant. Il était récemment établi à Montréal où il a effectué des sessions d'entraînement avec Surin et Nicolas Macrozonaris. 

Mascoll a eu le temps d'entraîner quelques athlètes dans la région montréalaise avant de s'éloigner du milieu. Il ne dit pas non à un retour éventuel dans un tel rôle. Avec l'extraordinaire lancée d'Audrey Leduc, ce désir pourrait s'accélérer en la regardant à Paris. 

Et qui sait, peut-être qu'il encadrera son plus jeune qui se dirige en troisième année et qui affiche déjà un profil athlétique. 

Malgré les exploits de son père, ce garçon très souriant n'est pas différent des autres. Il adore clamer qu'il est plus rapide que son papa. Et si ça arrivait un jour!