Le 27 juin prochain, le Canada pourrait voir pour la première fois de son histoire deux de ses joueurs sélectionnés parmi les quatorze premiers lors du repêchage de la NBA, une première fois inattendue dans la mesure où nos représentants sont historiquement invisibles lors de la fameuse loterie du basketball professionnel.

Même Steve Nash, de loin le meilleur représentant du Canada au pays des géants de la NBA, a été sélectionné au 15e rang par les Suns de Phoenix en 1996, tout juste à l’extérieur de la loterie englobant les quatorze équipes qui ne participent pas aux éliminatoires. Tristan Thompson, de Brampton en Ontario, a été sélectionné par les Cavaliers de Cleveland avec le 4e choix du repêchage de 2011, devenant ainsi le seul Canadien de l’histoire à faire les frais de la loterie.

Cette année, deux colosses de l’Ontario se sont imposés suffisamment dans la NCAA pour attirer l’attention des dépisteurs. Kelly Olynyk, de l’Université Gonzaga, et Anthony Bennett, de UNLV, sont classés dans le top-15 en prévision du repêchage et ils pourraient poursuivre l’éclosion canadienne dans un sport moins familier au pays de la rondelle et des surfaces glacées.

De Vegas à la NBA

À 20 ans, Anthony Bennett se prépare à faire ses débuts dans la NBA à la suite de son bref passage d’une seule saison à Las Vegas, pour UNLV, menant les Runnin’ Rebels jusqu’au tournoi du March Madness avant de s’incliner au premier tour contre l’Université de la Californie (Cal).

Bennett, finaliste pour le trophée Naismith remis au meilleur joueur universitaire, s’est hissé dans le top-5 de la plupart des listes d’experts et il serait surprenant de voir le jeune homme dépasser la sélection des Suns de Pheonix, au 5e rang.

Sans réduire son potentiel, les experts s’entendent pour dire que Bennett, 6’7’’, est à cheval entre deux positions pour la NBA. Un poil trop petit pour patrouiller sous les paniers dans les zones courtes et un brin trop lent pour être actif sur les périmètres avec les avants déjà établis de la ligue. L’avenir de Bennett résidera dans sa capacité à se trouver une niche dans les limites de son talent.

Dans la NCAA, Bennett a démontré son savoir-faire naturel pour marquer des points, déployant un arsenal intéressant dos au panier en plus de réussir plus du tiers de ses tirs de trois points. Sa sélection de tirs laisse à désirer, mais il s’agit d’un défaut assez commun pour les joueurs de son âge. Malgré son excellente portée (7’1’’), Bennett possède une faiblesse défensive qui va en inquiéter plusieurs lors de ses débuts chez les pros. Il se fait déborder à répétitions par les ailiers plus agiles que lui et il concède beaucoup d’espace aux avants plus forts physiquement que lui. Une combinaison peu avantageuse pour un jeune joueur qui ne pourra plus reposer sur sa simple supériorité athlétique. Dans la NBA, tout le monde est un athlète d’exception et Bennett devra s’ajuster rapidement.

Les failles dans son jeu sont présentes, mais Bennett pourrait tout de même être le premier joueur de la cuvée 2013 à se retrouver au Match des étoiles dans un avenir rapproché. Même trop petit, Bennett est un marqueur naturel et il pourra contribuer immédiatement pour l’équipe qui le repêchera, ce qui n’est pas le cas de tous les projets lors du repêchage. Il y a du travail à faire, mais si on parachute Bennett demain matin contre des joueurs de la NBA, il ne sera pas complètement dépourvu de ressources.

Une patience payante

Kelly Olynyk n’est pas débarqué à Gonzaga en suivant un long tapis rouge déroulé devant lui par une horde de recruteurs.

Kelly OlynykÀ la suite de deux saisons plutôt discrètes avec les Bulldogs, Olynyk a approché son entraîneur avec l’idée inhabituelle de prendre une sabbatique pour la saison (un « redshirt year » dans le jargon). Se voyant mal déloger le partant Robert Sacre (maintenant avec les Lakers de Los Angeles), Olynyk a délaissé ses espadrilles pour regarder les matchs du banc, s’offrant une nouvelle perspective tout en continuant de peaufiner son jeu.

Le résultat de cette approche : une saison explosive durant laquelle Olynyk a mené les Bulldogs vers le huitième rang au pays tout en inspirant ses coéquipiers sur et à l’extérieur du terrain. Kevin Pangos, un autre Canadien évoluant à Gonzaga, encense allègrement les qualités de meneur du jeune centre et son départ vers la NBA ne surprend plus personne.

D’une modestie affichée s’est forgée une présence plus grande que nature, ponctué par une chevelure qui ne passe pas inaperçue. Les changements d’Olynyk, tant au niveau de son jeu que de son look, ont fait de lui l’un des centres les plus remarqués de la cuvée 2013.

À 7’0’’ et 240 livres, le centre de 22 ans peut déjà s’installer confortablement sous les paniers dans la NBA et résister aux sévices que les autres joueurs vont vouloir lui imposer. Sauf qu’Olynyk utilise aussi sa taille favorable pour se créer une séparation adéquate afin de tirer efficacement au panier, une stratégie qui lui a permis de sortir de sa coquille offensivement lors de sa dernière saison à Gonzaga. De plus, Olynyk jouait à la pointe plus jeune avant de vivre une poussée de croissance de plus de sept pouces lors de sa dernière année à la polyvalente. Ce changement drastique dans son physique a offert à Olynyk une perspective intrigante par rapport à son rôle sur le terrain, lui qui a découvert le basketball en maniant la balle et qui devra maintenant vivre de ses capacités à recevoir la balle dans la circulation. Cette double correspondance fait d’Olynyk un joueur plus alerte sur le terrain, un avantage indéniable vu la vitesse grandissante du jeu dans la NBA.

Par contre, Olynyk souffre d’un manque d’athlétisme en raison de son « corps soudain », d’une certaine façon, lui qui n’habite pas ses chaussures géantes depuis aussi longtemps que les autres centres de son âge. Cet athlétisme dans la moyenne risque d’offrir une courbe d’apprentissage plus difficile à Olynyk dans la NBA, mais ce n’est pas dit qu’il ne sera pas en mesure de se mériter d’importantes minutes rapidement au sein de l’équipe qui le sélectionnera. D’ailleurs, on s’attend à ce qu’Olynyk reprenne l’apprentissage de son tir de trois points afin d’ajouter une corde à son arc chez les pros.

Quoi qu’il en soit, Olynyk pourrait entendre son nom aussitôt qu’au 12e rang, le Thunder d’Oklahoma City étant drôlement intrigué par les aptitudes du jeune Canadien. Sinon, il ne devrait pas trop tarder avant de connaître sa prochaine ville d’accueil.

Cet éventuel doublé canadien lors de la loterie 2013 pourrait mettre la table à une véritable première en 2014 : la sélection d’un Canadien avec le premier choix au général. Si la tendance se maintient, Andrew Wiggins fera le saut dans la NBA à la fin de sa première saison avec Kansas et sera sélectionné au tout premier rang.

Le début d’une révolution canadienne qui fera des petits auprès de la relève, espérons-le.