Jan Ullrich passe aux aveux
Cyclisme samedi, 22 juin 2013. 08:15 mercredi, 11 déc. 2024. 18:47BERLIN - Après des années de dénégations, Jan Ullrich, seul vainqueur allemand du Tour de France, a reconnu pour la première fois avoir eu recours au dopage avec l'aide du médecin espagnol Eufemiano Fuentes, au centre d'un vaste réseau de dopage, dans une interview à Focus à paraître lundi.
«Oui, j'ai eu recours aux traitements de Fuentes», a déclaré le retraité de 39 ans à l'hebdomadaire, assurant toutefois n'avoir eu recours à aucun autre produit dopant que son propre sang.
Ces aveux interviennent cinq mois après ceux de Lance Armstrong, qui avait reconnu mi-janvier à la télévision américaine s'être dopé durant sa carrière après avoir été radié à vie et déchu de ses sept victoires au Tour de France (1999-2005).
Vainqueur du Tour en 1997, Ullrich, lui-même convaincu de dopage par le Tribunal arbitral du sport (TAS) en février dernier et dont les résultats depuis 2005 avaient été annulés, explique avoir voulu se mettre au même niveau que les autres puisque "presque tout le monde prenait à l'époque des substances dopantes".
«Je n'ai rien pris que les autres n'ont pas pris aussi. Selon moi, il y a escroquerie à partir du moment où je me procure un avantage. Il ne s'agissait pas de cela. Je voulais favoriser l'égalité des chances», affirme-t-il, tout en maintenant que le talent, la performance, l'esprit d'équipe et la volonté de gagner restent les facteurs qui décident de la victoire.
«Pas pire qu'Armstrong»
À propos de son recours au dopage, Ullrich estime avoir été son propre ennemi: «C'est envers moi-même que j'ai causé le plus de dommages, en ce qui concerne mon image auprès du public et les possibles conséquences pour ma santé, dont je reste épargné».
Selon Focus, Ullrich souhaite dorénavant balayer le passé pour «aller de l'avant et ne plus jamais revenir en arrière».
«Je ne suis pas mieux qu'Armstrong mais je ne suis pas pire. Nous sommes tous coupables», ajoute-t-il, considérant que «les grands héros d'hier sont aujourd'hui des hommes qui portent des fractures qu'ils doivent assumer».
Ces aveux tardifs ont été accueillis avec sévérité en Allemagne. "C'est trop tard. Il aurait pu aider le cyclisme s'il s'était exprimé plus tôt et mis cartes sur table", a déclaré le président de la Fédération nationale de cyclisme Rudolf Scharping.
«C'est trop peu et trop tard», a réagi Thomas Bach, le président du Comité olympique allemand et candidat à la présidence du CIO. «Pour une confession vraiment crédible, Jan Ullrich aurait dû s'exprimer quelques années plus tôt. Il a manqué cette opportunité et il joue encore avec la rhétorique. Cela n'aide ni lui ni le cyclisme».
«Record d'Europe du mensonge»
«C'est un nouveau record d'Europe du mensonge. Il avait en 2006 ou 2007 écrit dans quatre langues qu'il ne connaissait pas M. Fuentes», a ironisé Werner Franke, expert allemand du dopage, qui avait dénoncé les systèmes en vogue dans le sport et en particulier dans le cyclisme.
L'Agence antidopage allemande (Nada) a exprimé le souhait de rentrer en contact avec Ullrich pour obtenir une «confession complète». «Il est important que, au-delà de l'interview, il réponde aux questions de l'agence nationale antidopage pour partager ses connaissances. Une confession complète pourrait apporter de nouvelles informations pouvant être ensuite intégrées dans le travail de la Nada», a écrit l'agence dans son communiqué.
Retraité depuis 2007, Ullrich avait résisté jusque-là à une forte pression dans une Allemagne qui avait pris ses distances avec le cyclisme et le Tour de France, notamment après le grand déballage en 2007 sur les pratiques de la formation Telekom des années 1990, dont il était le leader.
L'Allemand avait nié en bloc tout recours au dopage lorsque d'anciens coéquipiers, dont Erik Zabel et Bjarne Riis (vainqueur du Tour 1996), reconnaissaient le recours aux produits dopants.
Fin 2008, Ullrich avait nié sous serment devant la Cour d'appel de Düsseldorf, avoir eu recours au dopage, mais seulement dans la période sur laquelle on l'interrogeait (premier trimestre 2003), dans le cadre d'un litige l'opposant à un ex-employeur qui refusait de lui payer des arriérés de salaire en raison de son contrôle positif.