Passer au contenu principal

L'arbre qui ne doit pas cacher la forêt

Publié
Mise à jour

MONTRÉAL – On dit souvent d'un périple que sa destination finale n'est pas aussi importante que le chemin parcouru pour y parvenir.

Le CF Montréal mérite d'être applaudi pour la façon dont il a conclu sa saison. Mais les détours qu'il a pris pour en arriver là mettent en exergue des maux qui ont ralenti la marche de cette équipe dite en transition vers son plein potentiel. Il serait dommage que l'euphorie suscitée par le crescendo final le fasse oublier.

Rien n'illustre l'absurdité du capharnaüm qu'a par moments été la saison 2024 de l'Impact comme le spectacle qui s'est déroulé dans la tribune Nord du Stade Saputo mardi soir. Pendant que, sur le terrain, l'équipe locale cherchait désespérément à combler un retard de deux buts, Matías Cóccaro était sa plus expressive meneuse de claque. L'attaquant uruguayen, l'un des plus hauts salariés du club, visage de toutes les campagnes marketing quelques mois plus tôt, laissé dans les gradins pour on-ne-sait-trop quelle raison pour le match le plus important de la saison, gesticulant et s'époumonnant en faisant les cent pas entre deux selfies avec des partisans, tout ça sous le regard nerveux de son président.

Tout ça aurait été encore plus irréel si on n'avait pas tenu l'inventaire de toutes les bizarreries et les controverses qui nous avaient mené jusque-là.  

Un but complètement loufoque a fait dérailler un vaillant début de saison, puis des blessures importantes à des joueurs clés ont freiné ce qu'il restait de l'élan collectif. Le directeur sportif et son bras droit ont quitté le bateau juste à temps pour éviter d'avoir à justifier deux humiliations contre des rivaux de l'Ontario. L'entraîneur a commencé à pointer certains joueurs du doigt, allant jusqu'à en accuser un de trahison. Le seul joueur désigné de l'équipe a disparu de la carte, devenant un indésirable éléphant blanc.

Le fait qu'il y ait eu des séries au bout de cette haletante ligne du temps doit servir à mettre en relief le travail accompli, malgré les écueils et les décisions discutables, par le président Gabriel Gervais et son coach Laurent Courtois.

« Au plus bas de la saison - il y a eu deux ou trois bas dans la saison - je leur ai toujours parlé de l'identité qu'on voulait avoir et [leur ai dit] que je croyais aux playoffs, a dit Courtois après l'élimination de ses troupes. Sous la neige, sous le vent, on était là et on est là aujourd'hui. On a fait une prestation correcte et les partisans nous ont vus. Ils ont supporté ce que les joueurs ont essayé de produire malgré la défaite. Ce que j'ai dit dans le vestiaire, c'est que j'étais fier que les partisans nous reçoivent comme ça malgré la défaite. Que j'avais énormément appris d'eux, de mes joueurs, de mon staff, que j'étais très reconnaissant. »

« Je ne veux pas dire qu'on fait une bonne saison parce qu'on peut parler de moments très creux qu'on a eus, relativisait Samuel Piette. Mais au final, d'avoir réagi, d'avoir réussi un peu à tourner le vent de notre côté et à se tailler une place en séries, il n'y a pas grand monde qui nous voyait là. Cette force de caractère, il y a ça à retenir, certainement. »

Le capitaine a raison d'affirmer que « c'est sûr qu'il y a du positif ». Cette « année de transition », telle que l'a désignée Courtois, aura servi à acquérir des certitudes sur les personnalités qui ont leur place dans le projet et sur les autres qui y cadrent plus ou moins.

L'intégration réussie de nouveaux visages comme Caden Clark et Tom Pearce ainsi que l'émergence de jeunes vétérans comme George Campbell et Nathan Saliba peuvent être sources de réconfort. Parallèlement, il est à souhaiter que les bonnes leçons auront été apprises des problèmes d'intégration de Cóccaro, Dominic Iankov et Joaquín Sosa, par exemple.

« On est déjà en avance sur l'année prochaine sur deux, trois aspects », estime Courtois, dont le retour attendu pour une deuxième saison apporterait une continuité nécessaire à l'évolution de cet écosystème.

Mais au-delà des entrées et sorties habituelles qui sont le propre de chaque entre-saison, les mois qui viennent permettront d'en apprendre davantage sur les réelles ambitions de ce club. On nous répétera sûrement encore que le plan est basé sur l'acquisition, la formation et la revente de jeunes joueurs. Mais encore?

Josef Martínez sera-t-il de retour? Le spectaculaire mais caractériel attaquant n'avait pas l'embarras du choix quand il a décidé d'accepter l'offre de Montréal. On peut présumer que le club souhaitera activer l'année d'option rattachée à son contrat. Le joueur aurait-il alors l'intention de l'honorer? Que Martínez soit de retour ou non, la composition du groupe d'attaquants devra être revue.

L'argent récupéré par le départ de Victor Wanyama sera-t-il investi dans le recrutement d'un nouveau joueur désigné? Depuis trop longtemps, le CF Montréal traîne le milieu de terrain kenyan comme un poids difficile à justifier sur sa masse salariale. En signant les papiers de divorce, c'est 1,8 M$ qui quitte les livres comptables. Comment cette somme sera-t-elle redistribuée?

L'identité de la personne qui prendra cette décision est sans doute l'inconnu la plus importante à résoudre. Gabriel Gervais s'était engagé à revoir la structure décisionnelle du club après le départ d'Olivier Renard. Quand fera-t-il connaître ses conclusions et quelles seront-elles?

Sur papier, le consultant embauché pour nourrir cette réflexion, Corey Wray, présente le profil d'un homme qui pourrait faire partie de la solution. A-t-il suffisamment aimé ce qu'il a vu, en travaillant dans l'entourage du club depuis des mois, pour s'y engager le façon permanente?

La direction du CF Montréal doit tout mettre en oeuvre pour que les résultats des deux derniers mois servent à bâtir un pont vers des succès pérennes plutôt qu'à nourrir le genre d'illusions qui ne peuvent que mener à un éternel recommencement.