Jeux de Paris : le coeur brisé
NDLR : Lundi, Canada Soccer et le Comité olympique canadien ont dévoilé la composition de la formation féminine de soccer d'Équipe Canada pour les Jeux de Paris. À l'instar des Jeux de Rio en 2016 et Tokyo en 2021, Gabrielle Carle accompagnera l'équipe canadienne à titre de remplaçante en cas de blessure.
COLLABORATION SPÉCIALE
Aujourd'hui, j'ai le coeur brisé.
Pour la petite fille qui rêvait de Jeux olympiques, de Coupes du Monde et de moments héroïques.
Pour l'adolescente d'il y a 8 ans et la jeune femme d'il y a 3 ans, qui recevaient l'appel leur annonçant leur rôle de réserviste pour les Jeux olympiques, mais qui chaque fois se sont relevées avec la croyance qu'elles avaient plus à offrir, qu'elles allaient y arriver.
Pour celle qui a travaillé avec acharnement ces derniers mois, qui a retroussé ses manches et a accepté la pression sur ses épaules dans le but d'accomplir ce qui lui avait dans le passé échappé.
Et qui pourtant voit à nouveau son nom au bas de la page, dans la liste des joueuses réservistes.
Est-ce un scénario auquel je m'attendais? Pas du tout. Est-ce une décision que je comprends? Non. Mais la question n'est plus de savoir si je suis d'accord avec cette décision. À ce stade, c'est déjà arrivé et je ne peux rien y faire. Il s'agit maintenant de savoir comment je peux continuer à avancer, à grandir indépendamment de la façon dont le monde extérieur a façonné mon chemin.
Il y a 3 ans, après l'appel m'annonçant mon rôle de réserviste à Tokyo, j'avais passé une semaine au lit, sortant seulement pour m'entrainer et, parfois, mais pas toujours, pour manger. Pour moi, c'était un moment qui définissait ma valeur, qui indiquait que je n'étais pas à la hauteur. J'avais honte.
Cette année, je fais face à une incompréhension et énormément de déception, mais ma valeur, elle reste intacte à mes yeux. Je suis la même joueuse aujourd'hui que j'étais avant l'annonce de la sélection olympique, ce n'est pas un titre qui me définit.
Qu'est-ce qui a changé entre la personne que j'étais il y a 3 ans et celle que je suis aujourd'hui? Au cours de la dernière année, j'ai bien sûr fait tout en mon pouvoir pour que mon nom se retrouve parmi les 18 joueuses sélectionnées, mais ma force directrice n'a jamais été « Si je fais cette équipe, j'aurai réussi et ma valeur sera prouvée. » Ma motivation a été d'aller au bout de mon potentiel, d'utiliser toutes les opportunités qui se sont présentées à moi pour devenir une meilleure joueuse de soccer. Ce n'était pas nécessairement une question de destination, mais plutôt de chemin emprunté. J'ai tout donné, j'ai progressé, et pour cette raison, je suis fière de moi. Et oui, j'aurais vraiment aimé pouvoir donner à la moi d'il y a 3 ans cette victoire, lui donner une place dans le 18 olympique. Mais je réalise aujourd'hui que cette perspective que j'ai développée en affrontant les différents obstacles d'une carrière d'athlète professionnelle est un cadeau beaucoup plus précieux.
Je reste incroyablement reconnaissante pour la vie que je mène. Elle est riche, remplie d'amour et de moments mémorables. J'ai une famille et des amis en or, des coéquipières fantastiques, et ma santé. Ce mode de vie, il n'est pas facile, il demande beaucoup de travail et de sacrifices, mais au final je fais partie de celles qui ont la chance de poursuivre leur rêve, et c'est quelque chose que je ne tiendrai jamais pour acquis.
Aujourd'hui, j'ai le coeur brisé.
Mais quand le temps viendra, je serai prête à remplir le rôle qui m'a été donné, peu importe la forme qu'il prendra. Pour moi, pour mes coéquipières, pour le Canada.