Du Québec au Vietnam, le « retour au pays » de Pierre Lamothe
MONTRÉAL – « C'est fou parce qu'il y a quelques années, quand j'ai commencé ma carrière, ce n'était pas une option pour moi. Je n'y pensais pas. Des fois, je blaguais avec mes amis, je disais que quand la CPL ça allait être fini pour moi, j'allais juste partir en Asie, j'irais au Vietnam, je retournerais au pays. C'est fou que ça soit devenu une réalité. »
Pierre Lamothe partage cette tranche de vie dans la pénombre de son appartement de Hanoi, la deuxième métropole en importance sur les terres de ses ancêtres. L'ancien académicien de l'Impact de Montréal s'y trouve depuis quelques semaines déjà. Vendredi, il devrait disputer son premier match avec son nouveau club, le Ha Noi FC.
Même si la possibilité lui a longtemps paru loufoque, ce dénouement dans sa carrière, à l'âge de 27 ans, s'inscrit dans une certaine logique. Né d'une mère vietnamienne sur la Rive-Sud de Montréal, Lamothe a grandi dans l'ombre bienveillante de cette importante branche de son arbre généalogique. Pendant toute son enfance, la présence de ses grands-parents maternels et celle d'une tante, notamment, l'ont exposé à la langue et sensibilisé à la culture.
Aujourd'hui, il est un athlète bien en vue dans la capitale et son nom est connu du nord au sud du pays.
« Ma famille s'inquiétait au début, surtout ma mère, mais je pense qu'elle est vraiment très fière de moi. Mes grands-parents de même. Quand je joue des matchs le soir ici, c'est le matin au Québec. Mes grands-parents sont les premiers à ouvrir l'ordinateur pour me regarder jouer, des fois dès 5h. Je sais qu'on me suit et que j'ai leur support. Ça donne un boost de continuer. »
Lamothe en est à son deuxième séjour professionnel au Vietnam. En 2023, entre deux saisons avec Pacific FC dans la Première Ligue Canadienne, il était parti pour un prêt de cinq mois au Quang Nam FC. Le contexte était complètement différent de ce qu'il vit présentement. Il jouait alors à Tam Kỳ, une petite ville de 140 000 habitants éloignée des grands centres et des circuits touristiques. Le club, tout juste promu en première division, opérait avec des moyens modestes. Il n'a pas toujours été convaincu qu'il avait pris la bonne décision.
« J'ai eu quelques semaines où j'ai galéré, où ça a été difficile mentalement. À l'extérieur du terrain, sur le terrain. Mais j'en suis ressorti grandi, honnêtement. Je te dirais qu'après le quatrième match de la saison, c'est là que j'ai pris mon envol. Je ne pourrais pas te dire les raisons pour lesquelles j'ai mal commencé, mais après j'ai peaké comme on dit. »
Lamothe finit par l'avouer en échappant un rire timide : la douzaine de matchs qu'il a joués durant cette première expérience lui ont permis de se faire un nom.
« À la fin de mon prêt, j'ai senti comme un engouement, je dirais, comme si les projecteurs étaient un peu sur moi. J'ai marqué un but qui a fait les manchettes un peu, le genre de but que tu marques une fois dans ta vie. Ça, avec quelques bonnes performances dans les dernières semaines, a fait en sorte qu'il y a eu beaucoup d'intérêt, beaucoup de questionnements au sujet de mes plans d'avenir. »
Les papillons
Lorsqu'il est revenu sur l'île de Vancouver pour sa deuxième saison au Pacific FC, Lamothe a senti qu'il lui manquait quelque chose. L'enthousiasme qu'il ressentait autour de son équipe en Colombie-Britannique ne se comparait pas à ce qu'il venait de vivre Tam Kỳ. L'urgence dans les performances non plus.
« Lors de mon prêt à Quang Nam, j'ai senti cette excitation revenir. J'ai senti cet engouement des citoyens vietnamiens pour le soccer à l'intérieur du pays. Honnêtement j'ai joué des matchs où j'ai senti des petits papillons, ce petit stress pendant l'échauffement et même pendant le match. J'ai vraiment aimé mon expérience générale là-bas. »
C'est donc sans hésitation qu'il a sorti son plus beau stylo quand l'offre du Hanoi FC lui a été présentée. En plus d'être avantageuse financièrement, l'entente valide pour deux ans lui permettra de s'immerger de façon plus durable dans la culture du pays. Au niveau footballistique, l'expérience promet aussi d'être différente. L'étranger dont les preuves étaient à faire est maintenant un joueur attendu en qui on nourrit de grandes attentes.
« Le statut est différent, je sens que je prends une place importante dans l'équipe, reconnaît Lamothe, qui occupera dans l'effectif du Hanoi FC l'une des deux places réservées aux recrutements binationaux. Je sens plus de respect des joueurs vietnamiens. Le coach me le fait sentir aussi. C'est plus facile l'intégration, les joueurs s'intéressent plus à toi. »
L'ancien des Carabins de l'Université de Montréal ne veut pas en faire tout un plat, mais il est conscient que sa présence en V.League 1, la première division vietnamienne, pourrait aller jusqu'à lui ouvrir les portes de l'équipe nationale. « Je sais que les gens ici en parlent beaucoup dans les médias », dit-il.
Pour ce faire, Lamothe devrait obtenir sa citoyenneté et son passeport vietnamien. « Ça serait un honneur », ajoute-t-il du bout des lèvres. Mais il assure que sa tête n'est pas encore là. À quelques heures de son retour sur les terrains de ce pays qui sera de toute façon toujours le sien, il préfère profiter du moment présent.
« Je suis vraiment heureux en ce moment. L'an dernier, je savais que c'était éphémère. Des fois, j'avais hâte de revenir. Mais j'ai des choses à prouver cette année. Je me suis fait un nom l'an dernier. J'arrive avec plus de confiance. Je me sens bien au Vietnam. »