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RÉSULTATS

Le rêve en jachère de Nicolas Gagnon

Nicolas Gagnon Nicolas Gagnon - Nicolas Landry
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MONTRÉAL – À la longue liste des anciens de l'Impact de Montréal qui ont trouvé bonheur et succès après leur départ du club, il faut ajouter le nom de Nicolas Gagnon.

Formateur au sein de l'Académie du CF Montréal pendant plus d'une décennie, Gagnon a passé la saison 2022 à la tête de l'équipe réserve. À l'automne, au plus fort des spéculations quant à l'avenir de Wilfried Nancy, on lui a annoncé que ses services n'étaient plus requis.

Ce divorce qui l'a forcé à sortir de son petit confort, il y repense aujourd'hui avec reconnaissance plutôt qu'avec amertume ou rancœur. « Ça a probablement été la meilleure chose qui me soit arrivée », raconte-t-il avec sérénité à la table d'un café du Plateau Mont-Royal où RDS lui a donné rendez-vous.  

« Dans une job comme celle-là, des fois tu n'as pas le temps de chercher ailleurs. J'ai une fille de 5 ans, je ne pouvais pas partir sans avoir trouvé autre chose. J'aurais peut-être dû partir plus tôt. Je ne fittais plus, ça faisait un petit bout. »

Descendant de la longue lignée d'entraîneurs qui ont appris le métier sous le mentorat de l'ancien directeur de l'Académie de l'Impact Philippe Eullafroy, Gagnon s'est lancé sans trop savoir ce que l'avenir lui réservait dans un processus de recherche d'emploi. Il a notamment obtenu des entrevues avec la FIFA et avec le club de Malmö, en Suède. Des expériences enrichissantes, mais qui n'ont dans l'immédiat débouché sur rien de concret.

Il a finalement accepté un poste au sein de l'Association régionale de la Mauricie. Il y travaillait depuis quelques mois et avait commencé à chercher une maison pour y déplacer sa petite famille quand, un matin, un message texte inattendu est venu tacler ses plans. D'un peu nulle part, son contact à Malmö lui a demandé s'il aimerait aller travailler en Turquie.

Comme dans un rêve, la suite a déboulé à une vitesse surréaliste. Une semaine plus tard, le natif de Saint-Hyacinthe avait un contrat avec le Göztepe SK, un club de deuxième division dans son nouveau pays d'adoption. Il est débarqué sans perdre de temps à Izmir, une métropole située sur la côte occidentale de la république.

« J'avais loué une maison à 15 minutes de marche de la mer d'Égée. Quinze minutes de bateau et j'étais en Grèce. Il y avait des montagnes partout. Je me pinçais chaque fois que j'allais au travail. »

Une nouvelle niche

Quand il s'est présenté aux essais pour faire partie de l'équipe du Vert et Or de l'Université de Sherbrooke, il y a une vingtaine d'années, Gagnon s'est lié d'amitié avec Nicolas Jover. Le Français est aujourd'hui reconnu comme un génie de l'enseignement des phases arrêtées. Il est à l'emploi du célèbre club anglais Arsenal après être passé par Brentford et Manchester City.

Au milieu des années 2010, Gagnon est allé passer une semaine en Angleterre pour visiter son ami et l'observer dans son environnement de travail. « Il y a eu un déclic. C'est la première fois que je voyais que les balles arrêtées étaient considérées comme une phase de jeu comme les autres et que si tu les travaillais comme les autres, tu allais avoir des résultats comme les autres. »

À son retour au Québec, il a intégré ses nouvelles connaissances dans sa pratique. « Cette saison-là, si je ne me trompe pas, on a marqué 26 buts sur balles arrêtées. Je crois qu'on en avait réussi cinq l'année d'avant », affirme-t-il. Il  a continué d'accorder une attention minutieuse à cet aspect du jeu, cherchant sans cesse des façons d'approfondir ses connaissances en la matière. Peu à peu, il a bâti sa propre réputation. « À sa dernière année, Wil m'avait demandé de faire une présentation à son staff », offre-t-il en exemple.

Quand le CF Montréal l'a laissé partir, il a vu dans cette spécialité une niche dans laquelle il pourrait parvenir à se replacer. C'est justement le mandat qu'on a voulu lui confier lorsqu'il a rejoint Göztepe en cours de saison.

Nicolas Gagnon à GöztepeGagnon a rejoint son nouveau club en cours de saison. En plus du travail classique sur les coups de pied de coin et les coups francs, il s'est affairé à implanter de nouvelles approches sur les rentrées de touche, un aspect des phases arrêtées qu'il juge sous-estimée. Ses idées sortaient parfois du cadre, mais il sentait chez l'entraîneur-chef Radomir Koković une belle ouverture d'esprit face à ses propositions.

« Le président m'avait donné son numéro et m'avait demandé d'établir un premier contact en me disant qu'on pourrait se faire un Zoom de groupe ensuite, raconte Koković, que nous avons rejoint chez lui en Serbie. J'ai parlé avec Nick pendant dix minutes. Après une minute et demie, je savais qu'il était le bon gars pour nous. Les détails qu'il m'a donnés pour m'expliquer ce qu'il envisageait faire pour nous… j'étais soufflé. »

Les résultats ont validé la première impression que Gagnon avait laissée à son patron. Le Québécois parle fièrement d'un but décisif inscrit grâce à un ajustement qu'on l'a laissé apporter à la mi-temps, des occasions que l'équipe parvenait à se créer grâce à des stratégies qu'il avait implantées ou de nouveaux rôles dans lesquels il a fait briller ses joueurs.

« Après deux mois, on était deuxièmes au monde au niveau des buts marqués par match sur balles arrêtées », prétend-il en nous partageant un graphique qui a circulé à l'interne. Celui-ci indique que pendant le passage de Gagnon, Göztepe marquait presqu'un but par match sur phases arrêtées.

« C'est pour dire que ça marchait bien. »

Recruteur par défaut

Si Gagnon parle au passé, c'est que son aventure à Göztepe s'est arrêtée subitement quelques mois seulement après qu'il y soit débarqué. Alors que sa carrière était relancée et le comblait de bonheur, un problème de santé a frappé un proche. Au moment où sa famille s'apprêtait à le rejoindre en Europe, c'est lui qui a été contraint de faire le chemin inverse.

« C'est fou, hein? », laisse-t-il tomber, résigné, après s'être confié sur les détails d'une histoire sur laquelle il préfère laisser planer une part d'ombre.

S'il est rapidement devenu clair pour tout le monde que ses fonctions étaient impraticables en télétravail, ses patrons ont tenu à le garder dans la famille dans un rôle de recruteur. En plus d'évaluer sur vidéo des joueurs dont le club étudie la candidature, Gagnon scrute le marché canadien et nord-américain à la recherche de potentielles pépites.

Le Göztepe SK, qui vient d'être promu en première division turque, est la propriété de Sport Republic, un société d'investissement qui possède aussi le club anglais Southampton et le club français Valenciennes. Il arrive aussi à Gagnon de collaborer avec ces entités.   

« Je ne pouvais pas trouver meilleure chose à faire pendant cette période. Le terrain me manque, je ne vais pas te mentir, mais j'aime ça. J'apprends beaucoup en même temps. On a de belles discussions avec les agents, je me penche sur l'analyse des statistiques avancées... »

La meilleure des nouvelles, c'est que les malheureuses circonstances qui l'ont forcé à mettre ses aspirations sur la glace ne sont presque plus d'actualité. Il ne sait pas exactement ce qui l'attendra à ce moment, mais les feux seront bientôt au vert pour qu'il puisse reprendre le boulot. »

« L'entente, c'est dès que je suis prêt à revenir, je leur dis et on voit où on en est. Dans la conversation que j'ai eue avec le directeur sportif, on se disait que le foot est tellement dynamique et les choses peuvent aller tellement vite, on verra. Chaque chose en son temps. Mais à long terme – et même à moins long terme! – j'aimerais revenir sur le terrain. »