Marie-Yasmine Alidou n'avait besoin que d'une chance
MONTRÉAL – Avec la même confiance qui lui a permis de tracer son chemin en Europe, Marie-Yasmine Alidou a longtemps su qu'elle avait ce qu'il fallait pour faire sa place en équipe nationale. Tout ce qu'il lui manquait, c'était que cette confiance soit réciproque.
Depuis six mois, la Montréalaise de 29 ans est l'une des joueuses les plus en vue au sein de la sélection canadienne. En octobre dernier, elle a marqué son premier but comme représentante de la feuille d'érable, trois minutes après être entrée dans le match à la mi-temps contre l'Espagne.
Depuis, elle est incandescente. Un but contre la Corée du Sud en décembre, deux titularisations et trois buts dans un autre rassemblement en février. Dans la dernière semaine, elle a été l'une des trois joueuses canadiennes titularisées dans les deux matchs amicaux disputés contre l'Argentine.
« Je suis la même personne que j'étais en 2023, quand je suis arrivée avec le groupe, réfléchissait Alidou en entrevue à RDS peu après son arrivée à Vancouver la semaine dernière. Ce qui a changé dans le truc, en fait, c'est que j'ai pris les opportunités que j'ai eues. J'ai pris les opportunités à fond puis c'est là qu'il y a eu un changement. »
Grande nomade depuis qu'elle a gradué du programme des Citadins de l'UQAM pour plonger dans le monde professionnel en 2017, Alidou a explosé il y a trois ans lorsqu'elle est arrivée à Famalicão, en première division portugaise. Elle s'est vite fait remarquer, et recruter, par Benfica, l'un des plus gros clubs du pays. Elle y a cartonné, marquant notamment dix buts en 15 matchs de Ligue des champions.
Malgré ces succès, il a fallu le départ de l'ancienne sélectionneuse Bev Priestman, éclaboussée dans le scandale des drones aux Jeux olympiques de Paris, pour qu'Alidou soit sérieusement considérée en équipe nationale. Pour qu'on arrête de l'ignorer ou de la percevoir comme une option de dernier recours.
« Malgré que je performais vraiment bien en club et contre les meilleures équipes d'Europe, malgré que j'avais de très bonnes performances, je n'étais pas appelée. Ou j'étais appelée des fois à la dernière minute à cause d'une blessée. En fait, c'était devenu un peu une routine », raconte Alidou, qui a récemment été transférée aux Thorns de Portland de la National Women's Soccer League, l'une des ligues les plus compétitives au monde.
L'amertume du passé est totalement imperceptible dans sa voix rieuse. Avant même qu'Alidou ne retrouve la plénitude auprès de ses sœurs de patrie, elle avait arrêté de se tourmenter de mille et une questions sur le sort qui lui était réservé. « C'est la vie, ce n'est pas dans ton contrôle », se répétait-elle pour trouver un sens aux portes qu'on refusait de lui ouvrir.
D'autres ont continué de se questionner à sa place. Un mois après son embauche, la nouvelle entraîneuse du programme canadien, Casey Stoney, a envoyé une pointe à sa prédécesseuse avec une citation qui reflétait le sentiment d'injustice généralisé suscité par le traitement qui avait été réservé à la milieu de terrain.
« Je suis toujours aussi confuse quant aux raisons qui ont pu motiver sa si faible utilisation avant aujourd'hui », a dit Stoney après un match contre Taïpei au cours duquel celle qu'on surnomme affectueusement « Mimi » avait inscrit un tour du chapeau.
Alidou est tombée sur ce vote de confiance en faisant défiler ses publications sur Instagram. « C'est sûr que c'est flatteur », dit-elle timidement en rétrospective.
Stoney en a remis une couche la semaine dernière, après le premier match contre l'Argentine dans lequel Alidou a été plus effacée, mais a néanmoins raté deux chances de marquer de qualité. « Techniquement, elle est très douée. Si on veut conserver la possession, jouer vers l'avant, être créatives, on a besoin de joueuses qui peuvent jouer comme elle. Il faut simplement organiser l'équipe afin de la mettre dans les bonnes dispositions pour qu'elle connaisse du succès. Mais je suis très impressionnée parce ce qu'elle m'a montré et je vais continuer de lui donner de l'expérience parce que je pense que d'ici deux ans, elle sera une joueuse cruciale pour nous. »
Le contraste entre le passé et le présent est si grand, à tellement d'égards, qu'il serait naturel pour Alidou de vouloir utiliser son succès comme une tarte à la crème qu'elle irait frotter au visage de sa plus grande détractrice. Caresse-t-elle le souhait un peu malsain, dans le fond de ses tripes, que Bev Priestman observe de loin son éclosion et soit forcée de constater qu'elle a eu tort?
« Ben, je pense qu'elle a vu mon hat trick, non? », s'esclaffe de façon incontrôlable la Québécoise avant de reprendre son sérieux.
« Non mais franchement, je suis vraiment forte là-dessus pour me dire que rien n'arrive pour rien. Peut-être que j'ai dû traverser cette période-là dans ma vie justement pour avoir quelque chose de meilleur après. C'est pour ça que je dis que je n'ai pas d'animosité. C'est sûr que c'est pas le fun de le vivre, mais je crois vraiment que ton chemin est écrit de toute façon. Il y a des chemins qui sont un peu plus durs que d'autres, puis moi j'ai eu beaucoup de petites bosses dans mon chemin, dans ma carrière, mais ce n'est rien que je n'étais pas capable de surmonter. J'arrive à voir le bon côté des choses »