Gabrielle Carle : une finale sous le signe de la résilience
MONTRÉAL – Gabrielle Carle n'avait encore jamais joué en National Women's Soccer League (NWSL), mais elle arrivait en quelque sorte en terrain connu quand elle a été recrutée par le Spirit de Washington à l'hiver 2022.
Le nouveau directeur général de l'équipe, Mark Krikorian, avait été son entraîneur pendant ses cinq saisons à l'Université Florida State. L'entraîneur-adjoint Mike Bristol avait fait partie du même staff en tant que spécialiste de la défensive. Ensemble, ils avaient remporté deux fois le championnat de la NCAA.
« J'arrivais dans un environnement dans lequel j'avais confiance. J'étais entourée de gens dont je connaissais le caractère. Je savais qu'ils n'étaient pas là pour niaiser! Et je savais qu'ils allaient faire en sorte de créer un environnement qui allait avoir du succès », se remémorait Carle en entrevue avec RDS cette semaine.
Carle s'est jointe à une équipe qui avait terminé au onzième rang dans une ligue de douze clubs l'année précédente. À sa première saison, le Spirit s'est qualifié pour les séries en décrochant la huitième place. Un pas dans la bonne direction, « mais je savais qu'il n'allait pas juste s'asseoir et dire ‘bon ben c'est ça'. Je savais qu'il y aurait du changement, qu'il allait faire en sorte qu'on allait évoluer », retrace Carle.
Sa confiance était justifiée. Le Spirit s'est hissé au deuxième rang du classement cette année et après deux victoires en matchs éliminatoires, le voilà qualifié pour la grande finale de la NWSL. Samedi, il affrontera le Pride d'Orlando, champion de la saison régulière, en terrain neutre au flambant neuf CPKC Stadium de Kansas City.
La route pour s'y rendre n'a pas été de tout repos. En quart de finale contre Bay FC, le Spirit a dû réagir à un but encaissé à la 82e minute en répliquant à la 86e et à la 96e minute. La semaine suivante, il a créé l'égalité à la 93e minute pour ensuite vaincre Gotham FC aux tirs de pénalité.
Ce sens du spectacle aura été la marque de commerce de l'équipe cette saison. Treize de ses 54 buts ont été marqués dans les 15 dernières minutes de la deuxième demie, un sommet dans la ligue.
« On est une collection de joueuses résilientes, affirme Carle, l'une des deux Québécoises inscrites en NWSL cette saison. On a beaucoup de nouvelles joueuses qui sortent de l'université, dont c'est leur première année. Tu pourrais penser que ça ne joue pas à notre avantage parce que quand tu n'es pas habituée au rythme de la ligue, tu n'es pas habituée à jouer pro, ça peut prendre un temps d'adaptation et ta première saison peut ne pas être nécessairement à la hauteur de tes capacités. Mais pour avoir joué en NCAA, ça joue beaucoup justement sur les émotions, la résilience, la force mentale. Pour moi, les joueuses qui sont arrivées avaient déjà ça en elle et je pense que ça nous a vraiment aidées. »
Des détracteurs pourraient lire dans cette tendance à jouer avec le feu une sorte d'incapacité à se détacher de façon convaincante de la compétition. Carle l'interprète plutôt comme « une preuve de force mentale. »
« J'espère que c'est comme ça [que les joueuses du Pride] le voient. Sinon, elles peuvent nous sous-estimer comme elles veulent. Ça va jouer à notre avantage aussi. »
« On est prêtes à toute éventualité », promet la native de Lévis.
Plus forte
Sur le plan personnel, Carle tentera de mettre un point d'exclamation sur une saison riche en apprentissage.
La défenseuse de 26 ans a été titularisée dans 24 des 28 matchs de son équipe et franchi le cap des 2000 minutes de jeu sous les ordres d'un nouvel entraîneur, l'Espagnol Jonatan Giráldez. « C'est quelqu'un qui va chercher le meilleur de ses joueuses et je pense que cette année, je me suis vraiment améliorée sous sa gouverne », estime-t-elle.
Son été a été marqué par la confirmation de sa participation aux Jeux olympiques de Paris, D'abord mandatée comme réserviste, des blessures au sein de l'effectif lui ont permis d'intégrer le groupe de Bev Priestman. Elle a ensuite été au cœur de la controverse « dramatique, catastrophique » qui a frappé la sélection canadienne.
« Pour moi, cette situation-là m'a vraiment donné une confiance incroyable en mes capacités de résilience et en celles de mes coéquipières. Oui, j'en suis ressortie fatiguée, parce que c'était vraiment émotionnellement difficile, mais aussi plus forte, je dirais. »
« Cette force, je peux maintenant l'appliquer dans ma vie, pas juste dans le soccer. Donc pour moi, gagner un championnat en fin de semaine serait un ajout plus qu'un baume. »
Malgré la charge de travail importante qui lui a été confiée cette saison, Carle n'a pas de garantie quant au rôle qu'elle sera appelée à jouer durant la finale de samedi. En demi-finale, elle a été utilisée comme substitut et a fait son entrée dans le match à la 78e minute.
« On a une bonne profondeur au sein de notre équipe et pour la garder, il faut que tu donnes du temps de jeu à tout le monde, il faut que tu fasses confiance à tout le monde, raisonne-t-elle. C'est ce que notre coach a réussi à amener. Il y a énormément d'avantage à avoir autant de profondeur. Après c'est sûr qu'individuellement, des fois il faut que tu prennes sur toi. C'est difficile, je ne mentirai pas. Mais il faut que tu penses à l'équipe en premier. »
Giráldez sait ce qu'il fait. À la tête de l'équipe féminine du FC Barcelone, il a remporté deux fois la Ligue des champions. Carle lui fait confiance, comme elle a fait confiance à Mark Krikorian lorsqu'elle est arrivée à Washington.
Jusqu'à maintenant, ça lui a souri.