2020 : l’année des changements réels?
Sports divers mardi, 15 déc. 2020. 08:51 jeudi, 21 nov. 2024. 12:43Comme jamais auparavant, en 2020 le sport aura grandement contribué à la sensibilisation à de grands enjeux sociaux liés à l’égalité entre les races et les sexes. La journée du 26 août 2020 passera d’ailleurs probablement à l'histoire. À 16 h, les joueurs des Bucks de Milwaukee sont retournés dans leur vestiaire et ont refusé de disputer leur match éliminatoire contre le Magic d’Orlando, en protestation aux événements survenus à Kenosha au Wisconsin, quand un policier a tiré à sept reprises dans le dos de Jacob Blake, qui a survécu par miracle.
Le joueur des Raptors, Chris Boucher, a vécu aux première loges le mouvement de boycott lancé par les joueurs de la NBA. « Il fallait une petite étincelle, et nous, on l'a fait. »
Le Québécois rappelle que les joueurs de la NBA avaient accepté le projet de bulle à Orlando, en grande partie pour la promotion du mouvement Black Lives Matters, qui avait repris de l’ampleur après la mort de George Floyd le 25 mai. « Avant d'aller là-bas, on s'est dit "on fait ça pour le Black Lives Matters, on le fait pour le mouvement; on veut du changement". Et le fait que quelque chose comme ça est arrivé, ça nous a donné une claque dans la face, rien n'a changé. »
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Dans les heures qui ont suivi, le mouvement de boycott s’est étendu à l’ensemble de la NBA et de la WNBA. Des matchs ont aussi été suspendus dans la LNH, la MLS, le baseball majeur, alors que certaines équipes de la NFL ont brièvement suspendu leurs camps d’entraînement. La joueuse de tennis japonaise Naomi Osaka a pour sa part refusé de disputer son match de demi-finale du tournoi de Cincinnati (présenté à New York). La WTA l’a soutenue dans sa décision et a reporté son duel au lendemain. Le mouvement de boycott s’est limité à l’Amérique du Nord, mais partout sur la planète, des athlètes et des ligues ont posé des gestes symboliques en soutien au mouvement antiraciste. Le champion du monde de Formule 1 Lewis Hamilton a été un leader à ce chapitre et a même porté la cause avec lui sur le podium au Grand Prix de Toscane en portant un chandail qui déplorait le décès de Breonna Taylor, morte en mars au Kentucky après une autre intervention policière meurtrière.
Ces gestes de sportifs ont eu des échos au Québec, comme l’a constaté le sergent Evans Guercy du Service de police de la Ville de Montréal. « Ç’a eu un écho, un impact énorme. Démographiquement ou culturellement, le Québec est différent des États-Unis, mais ç’a quand même eu des répercussions ici. »
Le policier, qui dirige le club de boxe l’Espoir, dit avoir fortement été impressionné par le courage des sportifs. « Naomi Osaka, quand elle a décidé qu'elle ne jouait pas, je n'arrivais même pas à y croire. Je me suis dit "ben non, ça ne se peut pas, elle va être disqualifiée". Non, elle a sensibilisé! Lewis Hamilton, c'est la même chose. Je regardais les Grand Prix et je voyais les pilotes mettre un genou par terre. C'est symbolique. »
Selon le sergent Guercy, le mouvement de boycott dans le monde du sport a contribué à faire changer les mentalités. Le journaliste de RDS Didier Ormejuste reste prudent sur ces conclusions et se garde bien de crier victoire. « C'est un problème de société, ce n’est pas un problème de ligues professionnelles. Puis il ne faut pas se le cacher, c'est comme si c'était rendu à la mode. Pour certaines personnes, c'est facile d'aller sur les médias sociaux et de mettre un hashtag "Black Lives Matters" ou de mettre quelque chose sur Facebook ou sur Instagram. Mais pour certaines personnes comme moi, c'est un combat qu'on droit livrer à chaque jour. Du moment que je sors de chez moi, ce n'est pas tout le monde qui me traite de la même façon que d'autres personnes en raison de la couleur de ma peau. »
La mort de Joyce Echaquan fin septembre, à l'hôpital de Joliette, nous a aussi rappelé que le racisme existe bel et bien au Québec. Lors du boycott sportif de la fin août, la pause nous a accordé un moment de réflexion qui nous a permis d’entendre de multiples témoignages en ce sens de la part d’athlètes qui évoluent au Québec.
« Je suis né à Brooklyn, mais c'est au Québec que j'ai vécu mes deux seules expériences de racisme à mon endroit », raconte John Bowman des Alouettes. « Une fois, c'était à la piste de Formule 1. Et l'autre fois, c'était par un policier. Lorsqu’il a réalisé que j'étais un joueur des Alouettes, la situation s'est désamorcée. Mais ça m'a fait encore plus mal parce que je me suis demandé quel sort peut subir un inconnu. Dans le sport, des gens de toutes les origines s'unissent pour atteindre un objectif et améliorer des choses. Je crois que si la vie pouvait imiter le sport, ça ferait une grande différence dans le monde. »
Poursuivre la transformation
Certaines barrières sont tombées en 2020, comme la nomination d'une femme, Kim Ng, au poste de directeur général des Marlins de Miami dans le baseball majeur.
Du côté de l'Impact de Montréal, le président de l’équipe Kevin Gilmore rappelle que 4 des 5 entraîneurs de l’équipe sont noirs, une situation qui serait presque impensable en Europe, comme nous l’a récemment rappelé le triste événement survenu lors du match de la Ligue des champions entre le Paris Saint-Germain et Basaksehir. « Essayons de prendre le staff de l’Impact et de les insérer dans un grand club en Europe... Je ne pense pas que ce serait perçu de la même façon! Ici, on n'y pense pas, c'est normal pour nous autres parce qu'on est une ville très accueillante et très inclusive. »
Le président de l'Impact a supporté ses joueurs lorsqu'ils ont envisagé le boycott du match du 28 août en soutien au mouvement des joueurs de la NBA et du Black Lives Matters. Kevin Gilmore souhaite que son organisation, ses joueurs et son équipe d'entraîneurs menée par Thierry Henry s'impliquent en faveur de la transformation de la société. « On a une responsabilité de se servir de ce pouvoir. La voix de Thierry Henry est très puissante à travers le monde. Les actes que lui peut prendre comme entraîneur avec notre club, avec des jeunes d'ici pour les inspirer à comprendre qu'eux, ils peuvent faire ce qu'ils veulent faire peu importe leur situation ou leur origine. Je pense que c'est quelque chose que l'on se doit de faire. C'est pas juste une ouverture et faire des gestes : c'est prendre des actes concrets qui est important. »
Dans la LNH, le conseil exécutif d'inclusion de la Ligue nationale a tenu sa première réunion le 26 octobre. La vice-présidente du Canadien, France Margaret Bélanger siège sur ce comité créé en décembre 2019.
« La Ligue nationale est composée à 93 pour cent de joueurs blancs. Comment faire changer ça? C'est en commençant au début, en s'assurant que le sport est accessible à tous, et en rendant ça intéressant et accessible aussi pour tout le monde, pour les gens de tous les milieux culturels. Mais ça, c'est un travail de longue haleine ».
France Margaret Bélanger estime que la ligue peut déjà faire preuve de plus de diversité dans ses embauches à différents niveaux administratifs et opérationnels. « On peut penser aux embauches au niveau des équipes qui peuvent faire place à plus d'inclusion et plus de diversité de même qu’aux embauches aux bureaux de la Ligue nationale à New York. »
La situation au football semble moins problématique, en apparence du moins, rappelle Didier Orméjuste.
« 70% des joueurs sont noirs dans la NFL, mais au niveau des entraîneurs-chefs on ne voit pas la même représentation. Au niveau des directeurs généraux, ce n'est pas la même représentation et ce l'est encore moins au niveau des présidents d'équipe. Et Colin Kaepernick n'est toujours pas dans la NFL. »