Quand la tête ne suit pas le corps
Un jeune athlète qui est rétabli physiquement d'une commotion cérébrale n'est pas nécessairement prêt à reprendre immédiatement le jeu, prévient une nouvelle étude publiée par un chercheur de l'Université de Montréal.
Le jeune pourra avoir besoin de plus de temps pour se rétablir psychologiquement et pour retrouver sa confiance, et un retour au jeu précipité pourrait être lourd de conséquences pour lui, a précisé le professeur Jeffrey Caron, de l'École de kinésiologie et des sciences de l'activité physique de l'établissement montréalais.
« J'imagine que plusieurs athlètes se sentent très à l'aise de retourner au sport rapidement une fois qu'ils ont la validation médicale », a dit le professeur Caron, qui est lui-même un ancien joueur de hockey de niveau junior majeur et universitaire.
« Mais de mon point de vue, ce n'est pas tout le monde et on devrait poser plus de questions. Est-ce qu'ils sont vraiment, vraiment prêts pour se mettre dans des situations où il y a des contacts et des collisions? »
Le chercheur et ses collègues ont interrogé non seulement des athlètes ayant subi une commotion cérébrale, mais aussi des entraîneurs, des thérapeutes du sport, des physiothérapeutes, des infirmières praticiennes et des médecins du sport qui travaillent régulièrement avec ces athlètes.
Cela leur a permis d'identifier des facteurs comportementaux, psychologiques et sociaux dont on devrait également tenir compte avant d'envisager un retour au jeu. Certains participants à l'étude ont ainsi évoqué le regard des autres et la pression sociale, la perte de motivation, un jeu plus timide pour éviter de nouvelles collisions, la perte de confiance en ses habiletés et le rôle important que joue le sport dans l'identité de plusieurs athlètes.
« Prenons l'exemple d'une situation où le joueur dispute la possession du ballon ou de la rondelle à un adversaire, a illustré le professeur Caron. Dans cette situation-là, le joueur pourra être plus passif (que d'habitude), et ça nous démontre qu'il n'était pas prêt à revenir au jeu. »
Le jeune athlète, poursuit-il, se souvient exactement de la manière dont il jouait "avant" sa commotion cérébrale, et on peut donc conclure que son nouveau jeu un peu plus timide est une décision consciente qu'il prend pour se protéger.
Les médias évoquent régulièrement, par exemple, des cas d'encéphalopathie traumatique chronique chez d'anciens athlètes, et le jeune pourra commencer à avoir peur des contacts robustes et des collisions après une commotion cérébrale par crainte d'un jour en souffrir, a expliqué M. Caron.
Sa nouvelle façon de jouer plus timide pourra donner l'impression à ses entraîneurs qu'il n'est plus le joueur qu'il était, qu'on ne peut plus lui faire confiance, et qu'il n'a peut-être plus sa place au sein de l'équipe, souligne-t-il.
« Si on parle du sport de haut niveau, c'est la performance qui compte, a dit le chercheur. Puis si un élément nuit à ta performance, malheureusement, tu ne vas pas avoir la même position sur l'équipe. »
L'important, dit-il, est de favoriser un environnement dans lequel le jeune se sent entièrement à l'aise de s'exprimer et de confier ouvertement les hésitations qu'il peut ressentir face à son retour au jeu.
Le simple fait d'accorder quelques jours de plus à l'athlète pour se remettre, sans pression et sans jugement, après la fin de ses symptômes physiques pourra lui permettre de retrouver sa confiance et même lui éviter d'être mis de côté prématurément.
« Simplement parce que le jeune est guéri (physiquement), ça ne veut pas dire qu'il est prêt à reprendre le jeu, a conclu le professeur Caron. Être guéri des symptômes, c'est une chose; c'est une autre chose de te sentir prêt à retourner au sport. »
Les conclusions de cette étude ont été publiées par le Clinical Journal of Sports Medicine.