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De bénévole à champion, la consécration de Jeffrey Adler

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MONTRÉAL – L'histoire ne le savait toujours pas, mais sur les terres du CrossFit Ranch en 2016 se trouvait le futur homme le plus en forme au monde. Le futur vainqueur des Jeux CrossFit. Cette année-là, le Montréalais Jeffrey Adler ne s'y trouvait pas comme athlète, mais comme bénévole.

 

Des milliers d'heures d'entraînement plus tard, Adler était enfin arrivé à maturité pour écrire sa propre page d'histoire. En début de soirée dimanche dernier, à Madison au Wisconsin, Adler a assisté à la consécration ultime de son sport.

 

« Aux partisans les plus en forme au monde, je vous présente votre homme le plus en forme... Jeff Adler », s'est époumoné le directeur général de CrossFit, Dave Castro, sous les chaudes acclamations de la foule.

 

Drapeau du Canada sur les épaules, Adler ne pouvait que contempler le moment et absorber tout l'amour qui lui était envoyé. Pas moins de 12 épreuves plus tard, aussi difficiles les unes que les autres et réparties sur quatre jours, Adler venait tout juste d'être couronné champion des Jeux CrossFit à sa cinquième participation.

 

« C'est un sentiment assez étrange. Chaque fois que j'entendais Dave Castro dire ‘the Fittest man is', ce n'était jamais moi. C'était une autre personne. Et chaque fois, cette personne-là me semblait tellement bonne et en forme que ça semblait un niveau inatteignable. Maintenant, que ce soit moi et que je puisse me permettre d'avoir le titre d'homme le plus en forme au monde, c'est énorme », a confié Adler dans une généreuse entrevue accordée au RDS.ca.

 

Aussi étrange soit la sensation pour Adler, nul ne pourra renier la détermination et le travail du Montréalais tout au long de la fin de semaine pour se frayer un chemin jusqu'au titre. À mi-chemin dans la compétition vendredi soir, le retard de Adler sur la première position et le Russe Roman Khrennikov était de plus de 100 points.

 

« Vendredi soir, quand Roman avait plus de 100 points d'avance, je pensais que c'était terminé et qu'on se battait pour les deux autres marches du podium. Roman n'avait montré aucun signe de ralentissement », raconte Adler.

 

Mais Adler s'est battu, corps et âme, pour gruger petit à petit l'avance de Khrennikov. Après une journée quasi parfaite samedi, Adler s'est retrouvé à 13 petits points de la première position et du maillot blanc de meneur avec trois tests à faire. C'est finalement dimanche matin, après le 10e test, qu'il a pris les commandes des Jeux CrossFit pour la première fois de sa carrière.

 

Opportunité en or, dites-vous? N'oubliez jamais qu'avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités.

 

« Ce n'est pas vraiment une malédiction, mais c'était tellement pesant. Je me disais que je ne pouvais pas tout gâcher. Quand tu as le maillot blanc de meneur sur le dos, tu ne veux pas le redonner. Il suffit d'une gaffe et tu ne peux plus le porter. C'était très pesant, surtout que c'était la première fois de ma carrière que j'avais ce maillot. Honnêtement, les sentiments que j'aurais dû vivre à la fin de la compétition quand j'ai gagné les Jeux, je pense que je les ai vécus quand j'ai pris les commandes. Je ne voulais pas célébrer d'avance, mais c'était beaucoup d'émotions quand on m'a remis le maillot de meneur », confie Adler sourire au visage, visiblement toujours sur son nuage tant la fierté est grande.

 

« Honnêtement, avec du recul, c‘est à ce moment-là que j'ai gagné les Games. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé que j'avais une vraie chance de gagner. »

 

Le travail d'une décennie

 

Il faut remonter à 2015 pour retracer les premiers pas de Adler dans sa quête vers la gloire. Alors âgé de 20 ans, un âge relativement vieux pour anticiper une carrière dans le CrossFit, Adler était naturellement doué et fort physiquement. S'il ne s'agissait alors que d'une simple passion, Adler ne se doutait pas encore de la carrière qui l'attendait. Sa conjointe et entraîneuse Caroline Lambray avait toutefois de grands plans pour lui.

 

« Caroline a toujours eu les yeux plus grands que moi. Avec les années, j'augmentais graduellement mon nombre d'entraînements », admet-il.

 

Bénévole des Jeux CrossFit en 2016 et en 2017, Adler a participé aux qualifications ouvertes (opens) lors de ces deux années et il est passé près de se qualifier pour l'étape suivante. Une fois son potentiel exposé, Adler n'avait qu'un seul objectif en tête. 

 

« En 2017, j'ai terminé 30e et ils prenaient 20 athlètes. Ç'a été la dernière année où j'ai été bénévole aux Jeux CrossFit. En 2018, Caro voulait y retourner comme bénévole et j'ai refusé. Je lui ai dit que la prochaine fois que j'irais aux Jeux CrossFit, ce serait comme athlète. Finalement, je m'y suis rendu en 2019 », se souvient Adler.

 

Dans les premières années de sa carrière, Adler a eu la chance de côtoyer un autre Canadien au grand talent pour l'inspirer. Un Canadien qui est devenu un ami et avec qui il a eu la chance de partager le podium il y a moins d'une semaine, lors de son triomphe : Patrick Vellner. 

 

« Je commençais à m'entraîner un peu en 2016 et je n'étais pas très bon, alors que Pat était déjà très bon. Pat a étudié à McGill pendant quelques années et il s'entraînait à CrossFit Plateau. On le voyait plus régulièrement dans les compétitions locales. Il est devenu un peu mon modèle avec qui je voulais compétitionner. Avec les années, j'ai commencé à faire les mêmes compétitions que lui, puis je me suis retrouvé dans les mêmes vagues. Depuis les deux dernières années, c'est devenu une compétition un contre l'autre. C'était plaisant de pouvoir partager le podium avec lui aux Games », souligne Adler.

 

S'il est parvenu à rejoindre les plus grands de son milieu comme Vellner, c'est en partie grâce à la planification de son entraîneuse. Au fil des années d'entraînement, Adler et Lambray sont parvenus à trouver le juste milieu qui allait permettre à Adler de renforcer ses faiblesses, tout en prenant bien soin de maximiser l'impact de ses forces lorsqu'il prenait part aux compétitions. Après tout, la polyvalence se trouve certainement au cœur de l'excellence lorsqu'il est question de CrossFit.

 

« Le CrossFit est difficile pour cette raison, mais c'est aussi ce qui est plaisant du défi. Tu ne peux pas être un spécialiste. Tu dois être moyen partout. Si tu es spécialiste, tu ne gagneras pas. Avec le temps, on apprend et c'est pour cette raison que ç'a pris autant d'années à me développer. Quand on voit une faiblesse, on y met beaucoup de temps pour s'améliorer », relate Adler en prenant soin d'ajouter que la gymnastique et la course ont été au cœur de ses entraînements dans les derniers mois.

 

« Il faut un peu délaisser certains aspects quand même, on est limité en temps dans une journée et on doit faire attention au volume. Plus on en fait, plus les chances de blessure augmentent. À un certain moment de la journée, il faut arrêter. Je ne peux pas m'entraîner pendant 10 heures non plus », rappelle-t-il.

 

Une relation privilégiée avec son entraîneuse

 

L'histoire de Jeffrey Alder n'est pas ordinaire. Ceux qui sont attentifs aux différentes compétitions auxquelles il participe le verront souvent aux côtés de Caroline Lambray : sa conjointe, mais aussi son entraîneuse. Les Dieux du CrossFit ont voulu qu'ils se rencontrent pour développer une histoire d'amour, mais aussi qu'ils fassent équipe pour marcher main dans la main vers le succès.

 

« On a commencé à être en couple avant qu'elle devienne mon entraîneuse, mais on s'est rencontré dans un gym. On a formé un couple pendant un an ou deux avant qu'elle devienne mon entraîneuse. Même qu'au début, elle ne m'entraînait pas à 100 % », détaille Adler.

 

Plusieurs années plus tard, les voilà au sommet de leur sport. Adler prend bien soin de rappeler que sa victoire aux Jeux CrossFit est aussi celle de sa partenaire Lambray.

 

« C'est vraiment cool, on a tous les deux mis autant de temps. Le temps est mis à différents endroits. Moi je fais les burpees et elle les écrit, rigole-t-il. En réalité, c'est un projet qui s'est fait à deux et qu'on a bâti ensemble depuis le début. Je n'ai jamais changé d'entraîneur. On l'a bâti ensemble et finalement, on a réussi à avoir le meilleur résultat possible. Ça fait du bien de savoir que ce qu'on a fait au travers des années, c'était les bonnes choses. »

 

« On a une bonne synergie. On est très rationnel, donc on ne met pas d'émotions quand ce n'est pas le temps d'en mettre. On se connaît bien, donc elle sait quand ça ne va pas juste en me regardant et elle me laisse mon espace. C'est la même chose pour moi. Quand je sais que je vais chialer, je vais dans mon coin. Ça reste un défi quand même, les émotions font partie du sport. On est relativement bon pour les gérer. »

 

Outre profiter d'un peu de repos, notamment pour soigner une blessure à un pied subie lors de la 10e épreuve dimanche dernier, Adler passera en mode analyse dans les prochaines semaines. Une fois les forces et les faiblesses cernées lors des derniers Jeux CrossFit, Adler reprendra l'entraînement avec l'objectif de défendre son titre d'homme le plus en forme au monde dans 12 mois.