Dans un coin reculé d'une salle du InterContinental Park Lane Hotel, dimanche à Londres, Eugenie Bouchard songeait à son futur. Sous ses yeux se déroulait le très chic Bal des Champions de Wimbledon, et la jeune femme ne pouvait faire autrement que d'espérer que sa carrière professionnelle soit remplie un jour de galas du genre.

Les choses se sont bousculées à un rythme effréné pour la Montréalaise de 17 ans la semaine dernière à Wimbledon. Avec sa partenaire, l'Américaine Grace Min, Bouchard a remporté la finale du double des Championnats juniors de Wimbledon, devenant du même coup la première joueuse originaire du Québec à remporter un titre au All England Club depuis Sébastien Lareau et Sébastien Leblanc en 1990.

Une victoire, avoue-t-elle, qui marquera à jamais sa carrière. Et ce, même si elle n'en est qu'à ses premiers balbutiements sur le circuit professionnel.

«Toute ma vie, je vais pouvoir dire que j'ai gagné un Grand Chelem, même si c'est dans les rangs juniors et que c'est en double. C'est quelque chose qui m'a donné beaucoup de confiance et que je vais avoir avec moi pour le reste de ma vie. Je veux avoir plus de victoires comme ça dans le futur», a confié Bouchard lors d'une conférence téléphonique, mardi soir.

Peu de temps après avoir embrassé le trophée sur le court no 18, la nouvelle reine du double junior recevait son carton d'invitation pour célébrer son triomphe en compagnie, en autre, du nouveau maître du gazon anglais, Novak Djokovic. Portant une robe soigneusement choisie pour l'occasion, Bouchard est ressortie inspirée de cet événement.

«J'étais tout près de lui (Djokovic). Nous n'avons pas pu le rencontrer parce qu'il est arrivé tard, mais c'était bien de le voir avec son trophée, de voir comment il était heureux», a raconté avec enthousiasme Bouchard. Il y a quelque chose de différent d'être en présence d'un joueur du niveau de Djokovic. Juste de le regarder aller, c'est inspirant. Je sais que je veux être là dans le futur.»

Un futur qui s'annonce justement très prometteur. De l'avis du capitaine de l'équipe canadienne en Fed Cup, Sylvain Bruneau, la carrière professionnelle de Bouchard pourrait s'apparenter dans un avenir pas si lointain à celle de Milos Raonic, Aleksandra Wozniak et Rebecca Marino.

«Il est toujours bien difficile de prédire un classement, on peut toujours se tromper. Mais je pense vraiment qu'il est possible qu'Eugenie atteigne le même niveau que Milos, Aleksandra et Rebecca. Si on regarde par le passé, le fait de gagner un titre junior du Grand Chelem est un très bon indicateur qu'une joueuse est vouée à une intéressante carrière professionnelle», a confié Bruneau au RDS.ca.

L'objectif : se rapprocher du premier rang mondial chez les juniors

Sylvain Bruneau reconnaît toutefois qu'il y a beaucoup de pain sur la planche avant que Bouchard puisse accumuler les victoires sur une base régulière sur le circuit professionnel.

Malgré le style de jeu très équilibré de la jeune femme, qui occupe le 368e rang du classement mondial de la WTA, le capitaine de l'équipe canadienne aimerait la voir développer une deuxième force avant qu'elle ne fasse définitivement le saut dans les rangs professionnels.

«Eugenie n'a pas beaucoup de faiblesses. Son service en ce moment est une force de son jeu, mais elle devra développer une deuxième force si elle veut être compétitive sur le circuit. Le fait qu'elle ait eu quelques victoires contre des joueuses classées autour du 150e rang mondial démontre toutefois qu'elle est tout près du niveau de tennis qui est joué à la coupe Rogers», a expliqué Bruneau.

Poursuivre le travail, donc, d'autant plus que l'ère des jeunes prodiges semble être de plus en plus révolue.

«Nous vivons dans une époque très différente de celle où les Monica Seles, Steffi Graf et Martina Hingis parvenaient à s'imposer très jeunes sur le circuit. Le tennis a beaucoup changé. C'est devenu un sport plus physique qu'avant. Il faut être très affuté physiquement et les filles arrivent au sommet de leur maturité physique entre 21 et 25 ans», a souligné Bruneau.

Pour l'instant, Bouchard s'est fixé comme objectif de poursuivre sur sa retentissante lancée de 2011 - elle qui a fait la demi-finale en simple aux Internationaux juniors d'Australie et les quarts de finale à Wimbledon en plus de grimper au 6e rang mondial chez les juniors - pour pouvoir s'approcher du 1er rang mondial en simple chez les juniors.

«Terminer au premier rang, c'est dans ses plans. Elle n'en fait pas une finalité, mais Eugenie est une des meilleures joueuses juniors au monde et elle s'est fixée cet objectif», a mentionné Bruneau.

C'est d'ailleurs dans cette optique que Sylvain Bruneau a contacté Nathalie Tauziat - ex numéro trois mondiale et finaliste à Wimbledon en 1998 - pour que celle-ci joue un rôle de consultante auprès de Bouchard au All England Club.

«Nathalie a passé beaucoup de temps avec Eugenie. Elle est allée la voir jouer, elle a frappé des balles avec elle en plus de la conseiller. C'était la première intervention qu'elle faisait avec Tennis Canada», a expliqué Bruneau.

Bouchard reconnaît avoir beaucoup appris de ces échanges avec l'ancienne numéro un française, notamment en ce qui concerne son jeu au filet.

«Nathalie voulait que je monte plus souvent au filet pour être plus agressive et terminer le point au filet. J'ai écouté ses conseils et ça a fonctionné. Mes volées se sont vraiment améliorées et je suis plus confiante lorsque je vais au filet», a mentionné la jeune femme.

Bouchard aura amplement le temps d'appliquer tous ces conseils, elle qui a un été chargé devant elle. Elle participe cette semaine à un tournoi sur terre battue à Waterloo avant de revenir au Québec la semaine prochaine pour le Challenger de Granby. Elle a aussi dans sa mire les Internationaux de tennis junior de Repentigny, la coupe Rogers - du moins les qualifications - ainsi que les Internationaux junior des États-Unis.

Un horaire chargé, donc, qui ne préoccupe nullement son Bouchard et son équipe. Après tout, c'est par cette route que passe un éventuel retour au Bal des Champions de Wimbledon.