Et de dix en Australie pour Novak Djokovic!
COLLABORATION SPÉCIALE
Nous avons eu droit cette année à un tournoi du Grand Chelem à Melbourne rempli de surprises chez les hommes et de grandes confirmations chez les dames.
Dès le début de tournoi, sorties de scène prématurées de Rafael Nadal, Casper Ruud et Daniil Medvedev, sans oublier l'absence du numéro 1 au monde Carlos Alcaraz et du pétaradant Nick Kyrgios, opéré à un genou. On ajoute à cela les défaites avant leur rang de joueurs qui ont impressionné l'an passé comme Taylor Fritz, Cameron Norrie et Frances Tiafoe.
Impossible aussi de passer sous silence les poussées extraordinaires du tombeur de Félix Auger-Aliassime, Jiri Lehecka, de Sebastian Korda, qui sort Medvedev et Hubert Hurkacz en plus d'un autre prodige en devenir Ben Shelton. Le gaucher de 20 ans compétitionne à l'extérieur des Etats-Unis pour une première fois alors qu'il dispute un 2e Grand Chelem seulement. Cela ne l'empêche pas de se prouver à lui-même qu'il a le niveau et qu'il porte des trésors de résilience avec cette belle présence en quarts de finale. Quelles fulgurances au service il possède! Cette brillance de la foudre le servira si bien lors des prochaines années, car il s'agit d'une base solide de très grande valeur.
Forcément, les performances des américains durant la quinzaine impressionnent et me font dire qu'après la pluie le beau temps. Imaginez, ils sont dix dans le top-50 avec notamment trois classés parmi les 20 meilleurs, dont Tommy Paul, sérieux marchand de vitesse tout étoile qui se rend jusqu'en demi-finale. Wow!
En ronde ultime, nous avons droit à une reprise de la finale à Roland-Garros en 2021, alors que Stefanos Tsitsipas mène 2 sets à 0, mais voit son avance s'égrener comme neige au soleil avant de perdre en 5 sets devant Novak Djokovic. Cette fois-ci, ce sont surtout les absences du Grec à certains moments clés qui n'aident pas sa cause. Au premier set, Novak est trop fort, alors que Stefanos est nerveux. Le Serbe lui pilonne le coup droit et le surpasse dans tous les départements de jeu. Le 2e set est bien différent alors Stefanos est beaucoup plus étanche dans l'échange alors que Djokovic peine physiquement en plus de changer de stratégie en dirigeant la plupart de ses attaques sur le revers de l'adversaire. De plus il fait 7 fautes en revers ce qui ne lui arrive presque jamais. Mentalement cependant Djokovic reste le meilleur alors qu'il sauve une balle de manche pour quasiment faire cavalier seul au bris d'égalité
Fort de cette avance de 2 sets à 0, Novak revient d'un bris de service très tôt, s'engage à 100 % physiquement alors qu'il revient à la même stratégie du 1e set. Autre absence mentale de Stefanos, qui laisse filer les 5 premiers points du bris d'égalité en rendant les armes en 3 manches consécutives. Preuve est d'admettre que le Grec n'y croyait pas assez qu'il pouvait gagner. Novak gagne ainsi un 22e Grand Chelem égal à Rafael Nadal. C'est mérité, car il prouve une fois de plus qu'il est le meilleur physiquement, tactiquement et surtout sous pression. Bravo!
Chez les dames, quelle rencontre d'anthologie entre la championne de Wimbledon Elena Rybakina et la puissante biélorusse Aryna Sabalenka. On sait d'avance que la Kazakhe est beaucoup plus posée sur le terrain, mais aussi sans doute plus fatiguée que son adversaire puisqu'elle doit se battre face à 3 championnes Grand Chelem (Swiatek, Azarenka et Ostapenko) en plus de la finaliste de l'an passé à Melbourne (Collins) afin d'atteindre la finale. C'est beaucoup et cela commence à paraître en début de 2e manche après un premier set si bien ficelé.
D'ailleurs, Rybakina rate 2 balles de bris d'entrée 2e manche et cela agit comme un déclic pour Sabalenka. Celle-ci change sa stratégie en attaquant le coup droit de l'adversaire beaucoup plus, tout en retrouvant une grande constance dans l'échange. Ce n'est pas tout: elle commence à prendre des risques en 2e balle de service ce qui fonctionne à merveille. Rybakina n'arrive plus à suivre et joue beaucoup trop au centre du terrain ce qui permet encore plus à Sabalenka de garnir sa fiche de coups gagnants.
Alors qu'elle sert pour le titre, elle commet une double faute sur balle de match. Pas de problème et surtout pas de grands cris de désarroi alors qu'elle continue, comme elle le fait depuis le début de l'année, à rester calme et sereine. C'est une bonne chose puisque Rybakina crée beaucoup d'interférence en s'offrant une balle de bris pour recoller à 5-5, 3e set. À nouveau Sabalenka trouve les ressources pour s'imposer et ainsi gagner un premier titre Grand Chelem. Mille fois bravo et quelle belle transformation qui met encore plus en lumière son savoir-faire, courage et détermination. Enfin un grand titre pour la plus puissante joueuse sur le circuit. Comme l'a si bien écrit Stéphane Venne dans une de ses chansons :« C'est dans la tête qu'on est beau ».
J'aimerais maintenant vous offrir mon coup de cœur de la quinzaine. Je choisis le valeureux guerrier de 35 ans Andy Murray qui s'arrache comme un mort de faim pour aller chercher deux immenses victoires face au 13e favori Matteo Berrettini et au fougueux Thanasi Kokkinakis. L'Écossais est magistral alors qu'il passe 10 h 34 sur le terrain forcé de disputer 10 manches. Même s'il se couche aux petites heures du matin, Andy s'incline ensuite plus qu'honorablement devant le coriace Roberto Batista Agut en 4 manches de 3h 29. En entrevue après le match, Andy salue le médecin qui l'a opéré de la hanche en 2017, tout en partageant que celui-ci lui avait mentionné qu'il ne jouera plus jamais du tennis de compétition... Pourquoi les médecins prédisent des choses comme cela???
Tiens, allons-y de quelques citations qui marquent mon esprit pour terminer cet article. Il fallait voir le visage du père de Stefanos Tsitsipas, Apostolos, lorsqu'il réalise que son fils mentionne en entrevue sur le terrain qu'il se sent si bien en Australie, puisque cela ressemble beaucoup à son pays d'origine, la Grèce. Il rajoute ceci et je cite : « J'aimerais tellement aider les jeunes dans le besoin de l'État de Victoria qui est appelé l'état de l'instruction, en donnant toute ma bourse si je gagne le tournoi pour construire une école. » Alors que la caméra est braquée sur lui, disons que papa est pris par surprise et ne peut s'empêcher de faire les yeux ronds.
Peter Korda a gagné les Internationaux d'Australie en 1998. Son fils Sebastian marche dans le sillon de ses deux soeurs qui sont aussi des championnes en Australie sur le circuit de la LPGA. Sebi se livre : « J'aimerais un jour qu'on demande à mon père si je suis son fils plutôt que l'inverse ». Avec cette belle présence en quarts, disons que c'est bien parti...
Aryna Sabalenka avoue qu'elle dispute en finale le meilleur match de sa vie. Cette excellence ne tombe pas du ciel alors que la biélorusse a souvent craqué sous la pression dans le passé en Grand Chelem. Après son triomphe, elle nous fait une confidence en conférence de presse : « À Dubaï l'an passé, mon coach Anton Dubrov m'annonce qu'il me quitte parce qu'il a exploré toutes les avenues possibles pour m'aider et que rien de fonctionne. Je lui répond que ce n'est pas lui le problème mais bien moi. Je devais changer, travailler entre autre sur mon attitude. » Quel moment grandiose donc de le voir, après le triomphe de sa protégée, la tête enfouie dans une serviette, sangloter de joie... Oui, c'est possible de changer pour le mieux, peu importe le problème mais à condition d'y croire et de prendre les moyens pour y arriver. C'est Aryna qui le confirme :« Être calme... cela fonctionne bien ».