Omnium Banque Nationale : la triste histoire se répète
Était-ce parce que le décompte vers la Saint-Sylvestre est officiellement commencé, mais le cœur était à la fête chez Tennis Canada à l'occasion du traditionnel bilan de fin d'année.
Le ton avait déjà été donné avec un communiqué qui titrait « une année exceptionnelle pour le tennis canadien sur et en dehors des courts » et preuve que le succès génère l'intérêt, tout ce qui reste de journalistes sportifs à Montréal – tant francos qu'anglos – était présent.
Il faut dire qu'un buffet au goût du jour était servi dans le but de les attirer, ne manquaient que les célébrissimes sandwichs pas de croûte pour accompagner l'humus, les pains pitas ainsi que les nombreuses options végétariennes et le compte aurait été plus que complet.
Tour à tour, le chef de la direction Gavin Ziv, la vice-présidente principale du développement du tennis des partenariats Eva Havaris, la vice-présidente communications et tournois professionnels et directrice de l'Omnium Banque Nationale Valérie Tétreault ainsi que le vice-président de la haute performance Guillaume Marx sont venus vanter leurs prouesses.
Chaque intervenant a profité de son temps de parole pour bombarder l'audience de chiffres qui auraient rendu fous les comptables les plus aguerris. Des chiffres qui témoignent de la réussite de l'organisation qui gère le sport d'un océan à l'autre depuis tout près de 135 ans.
Du lot, on retiendra que le Canada a remporté sa première médaille olympique en 24 ans quand Félix Auger-Aliassime et Gabriela Dabrowski ont mis la main sur le bronze en double mixte à Paris et que ce même Auger-Aliassime aurait pu ajouter une breloque de la même couleur, n'eut été sa défaite en trois sets dans la « petite finale » contre Lorenzo Musetti.
Les participations aux Finales de la Coupe Davis et de la Coupe Billie Jean King ont aussi été évoquées, même si les résultats n'ont pas été à la hauteur de ceux obtenus par les hommes en 2022 ainsi que les femmes en 2023, alors qu'ils avaient été sacrés champions.
Finalement, Marx s'est enorgueilli de la présence de 10 filles dans le top-350 du classement de la WTA, du jamais vu dans l'histoire. Il n'a également pas manqué de souligner la montée de Marina Stakusic, qui a remporté un tournoi de la série 125 au Mexique à la fin octobre.
Les chefs de file Auger-Aliassime, Denis Shapovalov, Leylah Annie Fernandez et Bianca Andreescu n'ont pas nécessairement connu de grands succès sur le circuit professionnel, mais Marx a tenu à rappeler que ce n'est plus nécessairement du ressort de Tennis Canada, qui ne peut que suggérer à un entourage qui n'est pas très prompt à comprendre et écouter.
Tout cela donnait le goût de rester pour le dessert, d'autant plus que Tétreault avait ouvert la porte pour étirer le café en exprimant que la prochaine année – et celles subséquentes – en sera une de gros défis pour l'OBN, l'événement phare qui tient toute la structure en place.
C'est qu'à partir de 2025, les tournois de Montréal et Toronto rejoindront un groupe sélect de six événements combinés de la série Masters qui fera passer de 56 à 96 le nombre de joueurs et de joueuses inscrits dans les tableaux principaux en simple et qui s'étirera sur 12 jours plutôt que 7. Une mise à niveau du Stade IGA devra être effectuée, car dans l'état actuel des choses, le site n'est pas capable d'accueillir autant d'athlètes en même temps.
Tétreault a ainsi révélé que Tennis Canada se prépare à commander une étude de faisabilité dans le but de connaître toutes les options qui se présentent à l'organisation pour assurer la pérennité de l'OBN à Montréal. En termes clairs, les hautes instances du tennis international pourraient aller voir ailleurs si des rénovations majeures ne sont pas faites.
« Ce n'est pas ce discours-là que nous entendons en ce moment, mais quand [les dirigeants de l'ATP] viennent, ils notent certaines choses par rapport à nos installations, a-t-elle expliqué. Il y a eu un sondage aussi après des joueurs qui a été fait cet été et dans certains commentaires, ça commence à ressortir, le fait que nos installations ne sont pas au même niveau que les autres [tournois de la série] Masters. Les vestiaires, l'espace que nous avons pour accueillir [les joueurs], moins de terrains pour s'entraîner et la grandeur de notre Court central, ce sont des éléments qui commencent à revenir de plus en plus.
« Cela dit, je ne ferais pas mon travail si je n'écoutais pas ces choses-là. La dernière chose que nous voulons, c'est évidemment de commencer à s'y attarder alors qu'il est déjà trop tard ou qu'il y a des menaces très sérieuses sur la possibilité que nous perdions le tournoi. »
Tétreault a cependant assuré que la situation n'est pas aussi critique qu'elle ne l'était il y a une trentaine d'années, alors que l'ATP avait menacé de prendre ses cliques et ses claques, car elle en avait soupé d'évoluer dans les restes du temple de Rusty Staub et Coco Laboy.
Reste que tout le monde sera à l'étroit au parc Jarry à compter de l'an prochain et Tennis Canada est déjà activement à la recherche d'un site satellite pour accueillir les joueuses qui souhaiteront s'entraîner entre deux matchs. Un compromis accepté par l'ATP et la WTA, mais une solution satisfaisante devra être trouvée d'ici quelques années. Ajoutons à tout cela la question du toit, revenue d'actualité après deux éditions perturbées par la pluie.
Une chose probablement plus facile à dire qu'à faire, car Tennis Canada aura besoin d'un sérieux coup de pouce pour financer l'opération. Tétreault a affirmé avoir l'appui du premier ministre François Legault, mais les finances publiques sont tellement mal en point qu'il est impossible de prédire à quelque hauteur quelconque gouvernement pourrait contribuer.
« C'est clair que c'est loin d'être gagné d'avance, a convenu Tétreault. Le tournoi fait quand même bande à part, car contrairement au Grand Prix [de Formule Un] les surplus générés sont réinvestis dans la pratique du sport. C'est un très long processus qui va demander plusieurs conversations. Et le contexte politique peut changer à court et moyen termes...
« Il faut savoir s'il y a un désir commun de garder cet événement-là. Il me semble que nous en avons perdu beaucoup à Montréal. C'est maintenant devenu une question de protéger nos acquis pour un événement qui donne énormément de rayonnement à l'international.
« C'est certain qu'il y a une pression qui vient avec tous les investissements qui sont faits dans les autres tournois (comme à Cincinnati, NDLR). Et c'est clair qu'il faut regarder au-delà des joueurs actifs, car d'autres souhaitent avoir des Masters. Si nous ne sommes pas prêts à faire la démonstration que nous voulons être à ce niveau, d'autres vont la faire. La dernière chose que nous souhaitons, c'est que l'ATP soit tentée par cette décision-là. »
Tétreault espère être en mesure de chiffrer ses demandes pendant la prochaine édition de l'Omnium Banque Nationale et ainsi envoyer la balle dans le camp des différents paliers de gouvernements. Reste à savoir si la réponse donnera envie de sourire ou encore de pleurer.