Ce midi, j'ai disputé mon match de quart de finale à Cancún contre l'Italien Roberto Marcora, le deuxième favori dans le tournoi. Roberto est un grand gaillard d'environ six pieds quatre pouces. Il possède un service très puissant et un revers à une main à plat qui peut faire des dégâts. Il aurait été difficile pour moi de le battre de puissance, donc j'ai décidé de varier mon jeu pour le rendre mal à l'aise et le forcer à frapper des coups hors de sa zone de confort. Cette tactique a fonctionné à merveille, étant donné que j'ai fini par remporter le match 6-4 6-4.

Cette victoire est très importante, car Cancún marque mon retour sur le circuit professionnel après plus d'un mois passé à Montréal pour parfaire mon jeu sous la direction de mes entraineurs au Stade Uniprix. Il n'est jamais évident de revenir au jeu après plusieurs semaines en entraînement, puisque rien ne peut simuler la pression d'un vrai match de tournoi. Malgré le fait que je suis satisfait de ma rentrée, je compte bien aller encore plus loin à Cancún. Mon match de demi-finale aura lieu demain, donc j'aurai la chance de me battre pour une place en finale dans environ une demi-journée.

Ma victoire aujourd'hui me donne beaucoup de confiance, car Roberto (445e au monde) est classé plus de 100 places au-dessus de moi dans le classement général de l'ATP. Le fait que je puisse vaincre des joueurs mieux classés est une bonne indication que mon niveau de jeu se progresse. Au fur et à mesure que je gagne en expérience et en force physique, je serai en mesure d'aller donner du fil à retordre à des joueurs encore mieux établis sur le circuit.

Le joueur le mieux classé contre qui j'ai eu la chance de croiser le fer en tournoi est le Croate Ivan Dodig, qui avait un classement ATP d'environ 65 lorsque je l'ai affronté à la Coupe Rogers cet été. À ce moment-là, je venais de gagner le tournoi junior à Wimbledon et bénéficiais d'un support incroyable de la part de la foule torontoise. Durant le match, je sentais Ivan un peu mal à l'aise à cause de la pression des circonstances, et j'en ai profité pour creuser une légère avance au début de la rencontre en brisant son service dès le premier jeu. Par contre, étant un joueur expérimenté, Ivan a repris le dessus en jouant de manière disciplinée, et a finalement gagné en deux manches, 3-6 4-6.

Durant le match contre Dodig, j'ai constaté à quel point la différence entre un joueur classé 500e au monde et 60e au monde est infime, mais réelle. Si je laissais une balle flotter au milieu de court lors d'un échange ou frappais une deuxième balle de service sans être convaincant, Dodig me ferait payer le prix à coup sûr, non en frappant des coups gagnants, mais en retournant la balle profondément et en me mettant dans une position désavantageuse pour amorcer l'échange. Sur le circuit ATP, les joueurs mieux classés ne se distinguent pas toujours par leurs forces physiques, ni par la qualité de leurs frappes. Par contre, un professionnel classé parmi les 100 meilleurs ne donne jamais de points gratuits à son adversaire, alors qu'un joueur évoluant dans les « ligues mineures » rate souvent des coups assez simples d'exécution à cause de la pression causée par le pointage ou simplement à cause de l'impatience.

La plus grande leçon que j'ai retirée de ma défaite contre Dodig, c'est que je dois faire preuve de plus de confiance par rapport à mes habiletés. À maintes reprises durant le match, j'ai laissé filer des chances de faire mal à mon adversaire parce que je voulais trop faire avec mes coups offensifs ou avec ma première balle de service. Cette attitude agressive cache en fait un sentiment d'infériorité - tu n'es pas sûr de pouvoir tenir l'échange un peu plus longtemps, alors tu essayes de frapper le coup gagnant même lorsque l'occasion n'y est pas propice. Simplement dit, au lieu de faire saigner l'adversaire, tu finis par commettre le suicide. Le seul remède à ce problème est de disputer beaucoup de tournois et de travailler fort à l'entraînement, jusqu'au moment où tu te sens pleinement en contrôle de tes moyens contre n'importe quel adversaire. C'est ça le secret du succès des grands joueurs de tennis tels que Djokovic, Federer, Nadal et Murray.

(Propos recueillis et traduits par Jack Han)