De tous les souvenirs des Jeux olympiques de 1976, l'un des plus durables demeure le tour de force réussi par le Soviétique Vasiliy Alexeev en haltérophilie. Le super-lourd avait étourdi ses rivaux et les spectateurs en soulevant des centaines de kilos de fonte. Du jamais vu qui l'avait propulsé à l'avant-plan de la scène olympique. Ses exploits, encore aujourd'hui, lui valent l'admiration de tous.

L'essence même du sport moderne tient à la poursuite du record. On arrache des centièmes et des dixièmes de seconde au temps qui passe; kilomètres et centimètres prennent des nouvelles valeurs et le cumul des kilos soulevés donne l'impression que la gravité n'exerce plus ses lois.

C'est dans le monde bien particulier de l'haltérophilie que j'ai passé les derniers jours. Monde particulier en ce sens qu'on y retrouve probablement les athlètes les plus terre à terre de la collection olympique. L'arrogance ici n'a pas vraiment sa place. Les stars côtoient les amateurs au même titre que ceux qui ont connu moins de succès sur le plateau.

Bien sûr, on sent encore l'ombre de la tricherie se profiler sur ce sport, d'autant plus que plusieurs têtes de série de cette discipline n'ont pu être présentes à Pékin pour avoir été trouvées coupables de consommation de substances interdites. Cela dit, ça ne signifie pas obligatoirement que tous ceux qui sont ici sont tous très propres.

Je tiens néanmoins à attirer votre attention sur la qualité du spectacle offert. On couronne les athlètes les plus forts de la planète. L'effort requis pour arracher ces masses du sol est effrayant. Le silence que l'on observe lorsque l'haltérophile pose ses mains sur la barre afin de lui permettre de se concentrer est annonciateur d'un déploiement de force phénoménal.

On est bien conscient que cela n'a aucune mesure avec le commun des mortels. Qui d'entre nous peut se vanter de soulever 225 kilos (500 livres pour les accrocs du système anglais et américain)?

Qui plus est, les athlètes nous présentent leurs exploits en défilant rapidement. Ils se préparent en coulisses où très souvent les entraîneurs aguerris jonglent avec les kilos et la répartition des essais afin d'augmenter les chances de leurs protégés d'accéder aux grands honneurs. Pour tous les kilos soulevés sur la tribune sous les applaudissements d'une foule partisane, des tonnes de disques colorés ont été soulevées et rabaissées dans le plus grand silence.

Dans ce gymnase, le temps est compté. Les secondes sont aussi importantes que les kilos. Tout est mesuré, y compris le geste qui apparaît si simple mais qui exige une technique qui fera la différence. La moindre défaillance sera notée et réduira d'autant l'énergie requise pour tenter sa chance une autre fois. Peut-être une dernière fois.

Spécialistes et néophytes y trouvent leur compte. Rien de bien compliqué à comprendre dans l'application des règles. Le spectacle sportif se déroule rapidement, sans accessoires musicaux ou télévisuels dérangeants. L'interaction avec les athlètes est immédiate dans le succès comme dans l'échec. Le temps du concours, on oublie presque que l'haltérophilie a bien failli ne plus être au rendez-vous olympique tant les tricheurs étaient nombreux.

On couronne les athlètes les plus rapides et les plus complets. On vante les mérites de ceux qui défient l'eau et l'espace. Il faut faire de même pour ceux que l'on dit les plus forts de notre petit univers.