Cinq lanternes rouges annoncent à l'avance aux passants qu'il s'agit là d'un restaurant. Après avoir ainsi capté l'attention des promeneurs, les propriétaires de l'endroit, bien involontairement j'en suis convaincu, attirent les clients par les autres sens.

Les odeurs qui proviennent des viandes grillées sur la braise sont invitantes. De l'intérieur, le bruit des conversations animées et les rires ne ressemblent en rien au bruit assourdissant qui circule presque continuellement dans le centre international de diffusion où sont rassemblés les travailleurs de la télévision et de la radio, aussi nombreux que les langues et les accents du monde entier l'exigent.

Dans ce secteur, la circulation automobile est réduite, sinon inexistante. Tout au plus, quelques cyclistes pressés de rentrer à la maison après une journée de travail. Pour nous, c'est aussi la fin d'une autre longue journée et vers 21h30, c'est enfin le temps de passer à table et de se raconter les histoires qui ont meublé les dernières heures. C'est aussi un bien petit défi que de manger à la "chinoise", loin des traditionnels sentiers touristiques.

Une fois installés, non sans avoir suscité un brin de curiosité des habitués dont notre présence a interrompu la consommation de bières et provoqué une tournée supplémentaire de cigarettes, nous voilà confrontés à la très délicate lecture du menu. Sous les regards attentifs des quelques serveuses et grâce aux explications de l'une d'entre elles (et aux photos du menu en question), le choix des différents plats s'est effectué lentement.

Ce sera finalement de l'agneau avec des légumes et du riz. En réalité, il faudrait plutôt parler de colonne vertébrale de mouton dans un bouillon installé sur un réchaud et dans lequel nous avons plongé des morceaux de salades, de nouilles, de poivrons, de tomates, de navets, de citronnelle et de courge. La base de ce bouillon était assaisonnée de coriandre, de piments rouges, d'une touche de cumin, de gingembre et probablement de certaines autres épices qui ont échappé à notre dégustation. Le tout accompagné d'un riz frit avec œufs et autres petits légumes.

Une simple bouilloire toute bosselée nous servira au cours du repas à verser l'eau qui viendra faire augmenter le niveau liquide de notre plat. Les rares morceaux de viande sont grignotés sur les vertèbres et la moelle nous permet de compléter la dégustation.

Verdict : un plat délicieux et l'assurance que nos compagnes auraient sûrement refusé de même franchir la porte (disons plutôt les rideaux) de l'établissement.

On ne pouvait quitter l'endroit sans se laisser tenter par la seconde spécialité de la maison, à savoir les grillades. Cette fois, pas de menu avec des photos, mais plutôt une simple liste (comme nous le précisera Daniel, un de nos caméramans) de parties de corps appartenant à diverses espèces animales.

« …Préparez-nous deux séries de trois brochettes… »

Les avis ont été partagés à la suite de la dégustation du deuxième service, mais on savait bien qu'on avait mangé les brochettes par pure gourmandise…

Le dernier droit

Il a plu abondamment jeudi matin, au point où la circulation dans certains secteurs a été passablement perturbée. La pluie nous a donné une fausse impression de tranquillité, comme si tout le monde en avait profité pour faire une sieste avant d'attaquer les dernières journées. Pourtant, en se présentant sur les divers sites, on se rendait bien compte que les gens étaient aussi fébriles qu'il y a une quinzaine de jours. Moins de matchs peut-être? Moins de sports au programme? Probable. Mais encore et toujours ces sourires servis inlassablement. Et ce souci de vouloir aider le visiteur. À preuve, à la sortie des villages médias et des entrées des sites de compétition, des hordes de volontaires armés de parapluies et de parasols afin de soustraire journalistes et amateurs de la pluie.

Je sais fort bien qu'il ne nous reste que quelques jours avant la fin des Jeux. Les habitués le sentent bien. Il y a de ces petits signes qui ne mentent pas.

Dans les tribunes de presse, on note certains gestes d'impatience. La cordialité des premiers jours a lentement disparu. Le manque de sommeil et l'énergie perdue dans les déplacements malgré un excellent système de transport commencent à peser. Outre quelques éclats de voix attribuables à la mauvaise qualité d'une liaison téléphonique, c'est dorénavant plus calme dans les bus.

Les retardataires font dorénavant la queue à la porte des boutiques de souvenirs. Si vous recevez un T-shirt de Pékin et qu'il est trop petit ou trop grand, il y a deux explications : soit la personne qui vous l'offre n'a pas compris le système des grandeurs en Chine, soit elle a acheté votre cadeau dans les derniers jours des Jeux.

Enfin, on regarde maintenant la ville avec des yeux différents. On s'y est déjà fait de petites habitudes. Puis, on se rend bien compte qu'on va abandonner tout ça très bientôt. Qu'on va laisser une facture monstrueuse aux Chinois qui n'auront d'autre choix que de nous la refiler dans leurs prochaines exportations.

On sait aussi que quand s'éteindra cette flamme au cœur de tant de controverses tout au long de son parcours jusqu'à Pékin, que sa fin donc signifiera pour nous que c'est enfin le temps de rentrer à la maison.

Dernières notes de voyage (en principe)

Pour tous les occidentaux qui vivent dans cette ville de plus de 17 millions d'habitants, et malgré une circulation automobile très réduite pendant les Jeux olympiques, il est convenu que la conduite ici est chaotique. Les piétons traversent sur les feux rouges, les cyclistes ne tiennent nullement compte des autos, les bus donnent l'impression qu'une tragédie va survenir à chaque intersection… bref, à nos yeux cela représente une véritable catastrophe. Et pourtant, les Chinois s'en accommodent très bien au point où, MÊME ICI DANS UNE VILLE DE PLUSIEURS MILLIONS D'HABITANTS, on permet le virage à droite aux feux rouges