Baseball affilié : l’antichambre du baseball majeur
Baseball lundi, 23 avr. 2018. 17:15 mercredi, 11 déc. 2024. 14:37
Il y a bien sûr Bryce Harper, Mike Trout et Manny Machado qui ne disputent qu'une poignée de rencontres dans les ligues mineures avant de faire le saut dans le baseball majeur. Viennent ensuite la gloire, l'idolâtrie, les voitures de luxe et les millions. Pour chaque Bryce Harper, combien de joueurs évolueront-ils dans le baseball affilié, sans jamais goûter aux grandes ligues? Ivan Naccarata et Josué Peley font partie du deuxième groupe. Considérés comme des joueurs d'exceptions à leur adolescence au Québec, ils ont connu la joie du repêchage, puis de la signature d'un contrat professionnel. Ils ont ensuite vécu la remise en question et la face cachée du baseball professionnel. Celle de la vie d'un joueur des ligues mineures dans le baseball affilié.
Ivan Naccarata a été repêché par les Expos de Montréal, puis par les Astros de Houston. Il a ensuite signé un contrat avec les Diamondbacks de l’Arizona. Il a connu l'univers du baseball affilié.
« C'est certain que c'est tout un retour à la réalité lorsque tu réalises ton rêve de jouer au baseball de manière professionnelle, mais que tu le fais avec un salaire très modeste et des conditions de vie que les gens ne connaissent pas. C'est aussi pour cette raison que les joueurs qui évoluent dans les mineures travaillent aussi fort. C'est une motivation pour se rendre aux majeures. »
Josué Peley goûte présentement au baseball majeur. Ce n'est peut-être pas dans le rôle qu'il rêvait, lui qui est traducteur et homme à tout faire chez les Blue Jays de Toronto. Il vit tout de même une expérience privilégiée. Il a, lui aussi, goûté au baseball mineur, sans pouvoir franchir l'étape suprême.
« Oui, j'ai connu les longues promenades en autobus, les hôtels louches et les petits salaires pour pratiquer le sport que nous aimons et afin d'atteindre notre rêve, raconte Peley, quelques instants après avoir lancé la pratique au bâton des Blue Jays lors de leur récente visite au Stade olympique. C'est certain qu'il pourrait y avoir une façon de mieux traiter les joueurs qui évoluent dans le baseball mineur. En même temps, tous ceux qui évoluent dans les majeures ont passé par cette étape. »
Un sport d'équipe?
La plupart des organisations du baseball majeur comptent sur au moins six niveaux de baseball mineur, soit environ 150 joueurs. Une formation du baseball majeur ne peut compter que sur 25 joueurs. Le repêchage prévoit 40 rondes chaque saison. Un simple calcul permet de constater qu'il y a bien peu d’élus pour le nombre d’appelés. Alors, est-ce qu'on encourage le coéquipier à réussir le coup sûr gagnant ou on se réjouit en silence s'il termine le match avec trois retraits au bâton?
« C'est une réalité. On se bat non seulement contre l'autre équipe, mais aussi contre le coéquipier qui joue à la même position que nous. Si tu veux passer à l'étape suivante, tu dois être meilleur que lui. Ce n'est pas un secret », admet Peley, qui a évolué dans le baseball affilié de 2007 à 2011, dans l'organisation des Pirates de Pittsburgh et des Red Sox de Boston.
« Il faut trouver la force mentale pour oublier cet aspect de compétition entre coéquipiers. On doit embarquer sur le terrain et donner le meilleur de soi-même. Les équipes du baseball majeur ont un système de recrutement et de développement. En fin de compte, si tu es bon, tu vas gravir les échelons », renchérit Naccarata, maintenant âgé de 36 ans.
Les talents québécois qui ont goûté au baseball mineur, Alex Agostino les connaît tous. Recruteur pour les Phillies de Philadelphie, Agostino parcourt les terrains de baseball du Québec et de l'Est des États-Unis, entre autres, depuis des lunes.
« Ce n'est pas un mythe que d'affirmer que la vie n'est pas si rose dans le baseball mineur. Nos joueurs québécois sont toutefois bien préparés. Ils ont évolué dans le baseball collégial auparavant. Ils maîtrisent mieux l'anglais que la génération précédente. Il n'y a qu'une seule façon de s'adapter au baseball affilié, c'est de vivre l'expérience. »
Agostino met surtout l'accent sur la force mentale. Un aspect qui fait la différence chez plusieurs joueurs talentueux. « Papa et maman ne sont plus là, à ce niveau. Et c'est là que l'aspect mental vient faire la différence. Il va y avoir des hauts et bas chez chaque joueur. Comment réagiront-ils? Il ne faut pas oublier que le développement d'un joueur nécessite entre quatre et six ans à partir de son repêchage. C'est ce qui a fait la différence chez Jesen Therrien. Il s'est comporté en meneur et il a même appris l'espagnol. Les joueurs se retournaient vers lui. Demandez-lui s'il regrette d'avoir persévéré. Il doit surmonter une autre étape avec son opération Tommy John, mais il a goûté au baseball majeur et il a mérité un contrat avec les Dodgers de Los Angeles », souligne le recruteur.
Le plaisir retrouvé
Après avoir été libérés de leurs organisations respectives, Peley et Naccarata ont avalé leur pilule, fait leurs valises, puis se sont dirigés à Québec, où ils ont porté l'uniforme des Capitales. Une décision qu'ils n'ont jamais regrettée, même si elle n'a pas été si facile à prendre.
« Ce n'est jamais agréable lorsque tu es libéré d'une organisation des majeures. Tu t'éloignes de ton rêve. J'ai dû prendre une année sabbatique pour travailler sur moi en tant que personne. Je ne savais plus si j'avais le goût de jouer au baseball. J'ai ensuite tenté la chance avec les Capitales et j'ai eu l'occasion de côtoyer des joueurs comme Éric Gagné et Pierre-Luc Laforest. Nous avons remporté des championnats et j'ai retrouvé le plaisir de jouer au baseball », se souvient Naccarata, les yeux pétillants, se remémorant ses quatre titres dans la Ligue Can-Am.
« Nous étions mieux traités que dans le baseball affilié, lance d'un trait Peley, ancien receveur des Capitales qui a mis le grappin sur deux championnats. J'ai retrouvé le plaisir de jouer au baseball et je l'avais un peu perdu dans le baseball mineur. J'avais l'occasion de jouer avec mes amis que j'avais côtoyés à l'adolescence.»