La puissance versus le QI baseball
COLLABORATION SPÉCIALE
Depuis quelque temps, le débat sur les blessures aux lanceurs est amorcé. Même si plusieurs causes ont été évoquées, il reste que la principale raison est la vélocité.
Toujours vouloir lancer plus fort et encore plus fort. Malheureusement, il y un prix à payer alors que les risques de subir l'intervention de type « Tommy John » a drastiquement augmenté chez les jeunes du secondaire et au niveau universitaire aux États-Unis. Le problème est qu'on valorise tellement la puissance chez les jeunes qu'on dirait que c'est la seule manière de se démarquer.
Le lanceur de finesse a complètement perdu sa cote, alors que je me demande toujours quelle est l'importance de lancer une quatrième balle à plus de 95 mph? Ce constat n'est pas unique aux lanceurs. Il a maintenant atteint les frappeurs. Ce cycle que traverse, entre autres, le baseball n'a rien de surprenant, mais enfoui ce sport dans une ère où le « QI baseball » est à son plus bas niveau depuis fort longtemps.
Rappelez-vous l'ère « Money Ball ». On a commencé à valoriser le but sur balles et la patience au bâton, tout en créant de nouvelles statistiques comme le MPP (moyenne de présence sur les sentiers + puissance). Autrement dit, le joueur qui se rend sur les buts constamment est tout aussi efficace dans une équipe que le « gros » cogneur de circuit.
Dans le baseball d'aujourd'hui, demandez à un frappeur ce qu'il a fait dans le match et il ne vous répondra pas en disant qu'il a réussi un coup sûr, deux présences sur les buts et produit un point. Il vous répondra qu'il a frappé deux balles qui ont quitté son bâton à plus de 95mph! J'exagère à peine. La triste réalité est que la plupart des dépisteurs, autant ceux des collèges que dans les rangs professionnels, recherchent la puissance.
La mode présentement est aux fameux « Showcase », où les joueurs se présentent à des camps organisés pour montrer leur savoir-faire devant des dépisteurs et entraîneurs. Ils recherchent les lanceurs qui lancent avec le plus de vélocité, les frappeurs qui ont des balles qui quittent leur bâton à des vitesses élevées et les joueurs qui courent le plus vite. Mais rien sur le « QI baseball »!
On va préférer un lanceur qui atteint 95 mph constamment au détriment du lanceur qui a une balle rapide de 90 mph, même si ce dernier a un changement de vitesse qui est intouchable et une balle courbe qui fait plier les genoux du frappeur. On va aimer mieux le frappeur qui touche deux balles sur dix, mais que la balle quitte son bâton à plus de 95 mph, qu'un frappeur qui a un taux de contact très élevé, mais qui est en deçà de 95 mph. Il y a même de ces « Showcases » où si tu n'as pas 6 pieds de taille, tu ne peux pas te présenter, même si tu es un excellent joueur. En agissant ainsi, on se retrouve avec des athlètes tout en puissance, mais est-ce que ce sont vraiment les meilleurs joueurs de baseball?
Qu'est-ce que le « QI baseball »?
Vous pensez que le baseball est lent, mais sachez que lorsque la balle est en jeu, les prises de décisions sont extrêmement rapides. Un joueur en défense doit analyser la situation avant que le lancer soit effectué pour connaître toutes ces options. Une fois préparé, il aura de bien meilleures chances de lancer la balle au bon endroit. Un coureur doit-il tenter de prendre un coussin de plus? Ça dépend du nombre de retraits et si la balle a été frappée d'aplomb ou non? Quelle manche? Quel est le pointage? Est-ce qu'il a un coureur devant lui? Ce coureur est-il lent ou rapide? La balle a-t-elle frappé vers un joueur qui a un bon bras ou non? Il y a une multitude de questions qu'un joueur doit se poser avant que le jeu se produise afin de prendre la bonne décision.
La meilleure façon d'augmenter son « QI baseball » est d'observer les meilleurs joueurs. Lorsque j'étais jeune, j'étais un receveur et je ne manquais pas une occasion d'observer Gary Carter. Comment réagissait-il dans des situations précises?
À 17 ans, on m'a transformé en voltigeur et je ne manquais rien de ce que faisait Tim Raines. J'ai tellement appris en regardant des matchs à la télévision. Aujourd'hui, les jeunes regardent les faits saillants d'un match. Autrement dit, seulement le résultat. On ne prend plus la peine d'observer, si ce n'est que quelques manches, comment un joueur réagit.
Lors d'une convention durant l'hiver, on a appris que les directeurs des équipes des ligues mineures ont envoyé une note à leurs entraîneurs pour que ceux-ci préparent le camp d'entraînement et leur saison en fonction que les joueurs ont maintenant un QI baseball de zéro, tellement les joueurs en ont que pour leur puissance.
L'autre moyen de se doter d'un « QI baseball » plus élevé est de se préparer adéquatement et d'aller chercher toutes informations possibles pour une prise de décision optimale. Je vous donne un exemple pour un voltigeur. L'information recherchée commence dès que l'on met les pieds sur le terrain :
- Quelle est la hauteur de la clôture?
- Clôture coussinée ou en grillage?
- Piste d'avertissement ou non?
- Quel est le territoire hors ligne? Vaste ou pas?
- Surface naturelle ou synthétique?
- Si naturel, gazon long ou court?
- Direction du vent?
- Est-ce que le soleil aura un impact?
- Si voltigeur de centre, quelle est la vitesse de mes coéquipiers voltigeurs?
- Est-ce que mes coéquipiers à l'avant-champ sont agressifs sur la balle frappée à l'entre-champ?
- Mon lanceur a-t-il une balle rapide puissante ou est-il plutôt tout en finesse?
- Toujours se rappeler le nombre de retraits;
- Toujours connaître le compte sur le frappeur;
- Coureur sur les buts, rapide ou non?
- Point égalisateur au bâton ou sur les buts, où lancer la balle?
- Atteindre l'intercepteur ou forcer la note?
- Si vol de but, couvrir l'endroit si mauvais relais.
- Prendre des notes sur l'élan des frappeurs durant le match.
Etc.
Comme vous voyez, un joueur doit constamment analyser tout ce qui se passe autour de lui. C'est ainsi pour chaque position en défense, incluant le lanceur et le frappeur. Avec toute cette information, un joueur développe sa prise de décision et augmente son « QI baseball».
Est-ce qu'un joueur avec puissance peut avoir un bon « QI baseball »? Absolument! Je ne suis pas en train de dire que l'un ne va pas sans l'autre. Je souligne simplement que la manière dont on évalue les jeunes joueurs est axée exclusivement sur la puissance. Alors que font les jeunes? Ils se concentrent exclusivement sur la puissance et ça enlève beaucoup de temps de qualité à apprendre le jeu comme le jeu doit se jouer.
Je constate plus que jamais cette année dans le baseball majeur, le jeu est négligé. Trop de voltigeurs ne lancent pas au bon but ou manquent l'intercepteur. Trop de joueurs de position sont hésitants dans leur choix de jeu. Trop de coureurs se font prendre sur les sentiers en raison d'une prise de décision douteuse en étant mal préparé. Beaucoup trop de frappeurs veulent juste frapper la longue balle sans donner aucune importance à la situation devant lui.
On n'a pourtant jamais eu autant de bons athlètes sur un terrain de baseball, mais il faut apprendre à compléter le jeu de base, à lancer au bon but, à courir intelligemment et surtout, à gagner!
Qui plus est, si un jeune développe son « QI baseball » maintenant, il aura sans l'ombre d'un doute, une avance sur les autres. Un peu comme les départements de statistiques avancées, il ne faut pas tomber dans l'extrême. Prenez toute l'information que les statistiques nous offrent, mais laissez le gérant gérer. Utilisez toutes les données de vélocité que vous voulez, mais assurez-vous de savoir jouer.
Comme mentionné auparavant, le joueur de baseball n'a jamais été aussi bon, aussi athlétique, aussi rapide, et oui, aussi puissant. Maintenant, chaque athlète doit faire les mêmes efforts pour connaître tous les aspects de son sport qu'il le fait pour aller chercher toute sa puissance. Les joueurs et les partisans en seront les grands gagnants!