C'était en 1997. Andy Thompson a eu une idée. Adam Silver a aimé son plan.

Ni l'un ni l'autre ne savait ce qu'ils étaient sur le point de concocter.

Le documentaire produit par ESPN et Netflix « The Last Dance », qui raconte l'histoire de Michael Jordan et des Bulls de Chicago lors de la saison 1997-1998, est diffusé en primeur dimanche avec la mise en ligne des deux premiers épisodes d'une série de dix. Les images de cette saison existent parce que Thompson et Silver, maintenant commissaire de la NBA mais en charge de NBA Entertainment à l'époque, ont contribué à mettre les choses en place.

Thompson, qui travaillait pour NBA Entertainment depuis environ une décennie, a suggéré d'intégrer une équipe de production aux Bulls pour qu'elle suive l'équipe toute la saison. Silver a pris le téléphone et le projet était lancé.

« C'est presque difficile de croire à quel point Michael était célèbre et à quel point cette édition des Bulls était populaire, a raconté Silver à l'Associated Press. Andy disait qu'il fallait trouver un moyen de capturer la gloire de cette équipe. Et il n'y avait rien de tel qu'un documentaire sportif télévisé en plusieurs parties à l'époque. »

Il existait des exemples du genre de projet que voulait mettre en place Thompson, frère de l'ancien joueur de la NBA Mychal Thompson et oncle de l'arrière des Warriors de Golden State Klay Thompson. Il a notamment montré à Silver un documentaire sur les Oilers d'Edmonton de 1986-1987 titré « The Boys on the Bus », qui relate le parcours de Wayne Gretzky et de l'équipe jusqu'au titre de la Coupe Stanley.

« Personne n'avait fait quelque chose de semblable dans la NBA, se souvient Andy Thompson. Et on ne tentait pas l'expérience avec une équipe de bas de classement. Nous le faisions avec le meilleur joueur de l'histoire de ce sport en Michael Jordan, qui protégeait bien son image et sa vie privée. »

Thompson a connu Jordan en travaillant aux Jeux olympiques de 1992 à Barcelone. Il a travaillé étroitement avec Ahmad Rashad, un confident de Jordan, par l'entremise de « NBA Inside Stuff », une émission animée par Rashad. Thompson a alors découvert que Jordan a déjà admiré son frère au point de modifier l'orthographe de son nom pour « Mychal Jordan » sur un cahier de notes, au grand déplaisir de sa mère.

« Son respect et son admiration pour mon frère m'ont évidemment aidé à connecter avec lui », a expliqué Andy Thompson.

Silver a d'abord approché le propriétaire des Bulls Jerry Reinsdorf, puis a dû convaincre l'entraîneur des Bulls de l'époque Phil Jackson, qui a accepté sous la condition qu'il pourrait demander à l'équipe de production de se retirer s'il voulait être seul avec ses joueurs. Au final, Jordan a dû accepter à son tour.

Silver a aussi réglé l'aspect financier en obtenant l'accord du commissaire David Stern. Le projet a nécessité le travail de nombreuses personnes et a été coûteux; la vidéo haute définition que l'on connaît aujourd'hui n'existait pas à l'époque, mais Thompson souhaitait que le tout soit filmé avec du matériel de fine pointe pour obtenir la meilleure qualité possible.

« Comme l'aurait dit David, Andy avait un budget illimité, mais a réussi à le dépasser », a raconté Silver à la blague.

Son équipe a filmé des centaines d'heures de matériel. Elle connaissait toutes les techniques pour ne rien manquer : par exemple, lorsque de la fumée de cigare était présente, ça signifiait que Jordan n'était pas loin. Il a été filmé un jour dans le vestiaire cigare au bec avec un bâton de baseball à la main. Une entrevue que Thompson n'est pas prêt d'oublier est celle réalisée avec le meneur Steve Kerr, qui s'était réfugié près des douches avant le dernier match de la saison.

Avoir un frère en NBA avait familiarisé Thompson avec la culture qui régnait dans les vestiaires. Il savait donc à quels moments insister et à quels moments se retirer.

« Je savais quand me la fermer, quand m'effacer, a expliqué Thompson. Ça m'a beaucoup aidé à composer avec les joueurs. Je n'avais pas peur et je n'étais pas intimidé. Je pouvais parler leur langage et donc développer plus rapidement des relations à cause de cela. C'est comme ça qu'on n'a pu obtenir autant de matériel, nous n'avons pas eu tout cet accès du jour au lendemain en claquant des doigts. Il fallait apprivoiser l'équipe et l'équipe devait nous apprivoiser. »

Près d'un quart de siècle plus tard, le grand jour est enfin arrivé.

« Nous y sommes arrivés, mais je suis très sérieux en disant que nous n'aurions pu compléter ceci avec un budget spécifique, a mentionné Silver. Nous avions l'impression que c'était notre obligation de faire ce documentaire et nous aurions dépensé tout ce qui était nécessaire pour capturer sur film ce que nous reconnaissions comme l'un des plus grands athlètes et l'une des plus grandes équipes de tous les temps. »