Le combat entre Erik Bazinyan et Steven Butler, une fatalité inévitable
La première fois que la possibilité d'un combat entre Erik Bazinyan et Steven Butler a été évoquée, Camille Estephan s'y est farouchement opposé. Aux yeux de l'homme à la tête d'Eye of the Tiger, il était impensable que deux athlètes qu'il a vus grandir croisent le fer.
Estephan avait bien organisé le « Carré d'As » opposant Steve Claggett, Mathieu Germain, David Théroux et Yves Ulysse fils il y a quelques années, mais il y avait déjà une forte rivalité entre plusieurs d'entre eux et le contexte pandémique qui prévalait à l'époque s'y prêtait.
Mais à force d'écouter les arguments du directeur développement et entraîneur principal d'Eye of the Tiger Marc Ramsay, Estephan a fini par reconnaître qu'il s'agissait de la suite logique pour Bazinyan (32-1-1, 23 K.-O.) et Butler (35-5-1, 29 K.-O.), qui sont à la croisée des chemins, alors qu'ils s'apprêtent à célébrer déjà leur trentième anniversaire de naissance.
Les deux boxeurs s'affronteront le 14 mars à l'Espace St-Denis, le mythique théâtre de 2218 sièges accueillant d'ailleurs pugilat pour la première fois de sa riche et glorieuse histoire.
« Honnêtement, il a fallu que je me fasse convaincre par Marc, a lancé un Estephan la voix chevrotante, jeudi après-midi, lui pourtant d'un naturel convainquant et enthousiaste. Il a raison. Il a complètement raison. Antonin (Décarie, directeur général d'Eye of the Tiger, NDLR) aussi. Niveau boxe, c'est le combat à faire. Je le fais à contrecœur, pour être franc. »
Plus que quiconque, Estephan sait que Bazinyan et Butler en sont rendus à des moments charnières de leur carrière et qu'il est de plus en plus compliqué d'organiser des combats à l'heure où l'industrie est contrôlée par une poignée de joueurs sur la scène internationale.
Le promoteur était convaincu que Bazinyan recevrait des offres après sa prestation contre Jaime Munguia en septembre dernier à Glendale, en Arizona – il s'est fait passer le knock-out au 10e round – mais le Lavallois d'origine arménienne est jugé trop dangereux malgré son intéressant classement – 11e au WBC et 11e à la WBO chez les poids super-moyens.
Butler est quant à lui à la recherche d'un nouveau départ chez les 168 livres, après avoir passé la quasi-totalité des 6 dernières années chez les 160, où il a disputé et perdu 2 combats de championnat du monde, face à Ryota Murata ainsi que Zhanibek Alimkhanuly.
« Erik devra faire attention quand il dit que c'est un bon combat de retour. C'est un peu insultant pour Steven, a lâché Estephan. Steven peut vraiment arrêter n'importe qui...
« C'est un gars de caractère, un vrai battant, un vrai guerrier et il a une main droite de l'enfer. Quand tu sais à quel point il cogne dur, il peut vraiment remporter n'importe quel combat. »
Même s'ils se côtoient depuis leurs débuts vers l'âge de 10-11 ans dans les rangs amateurs – Butler considère d'ailleurs Bazinyan comme son meilleur ami dans le monde de la boxe – les deux hommes ont mis l'accent sur l'aspect « business » de leur affrontement, comme s'il s'agissait d'une tragique fatalité à laquelle ils ne pouvaient tout simplement pas éviter.
« Avant [Munguia] je ne m'étais pas battu contre un gros nom. Maintenant, je sais ce qu'est ce feeling. J'ai cette expérience-là, je suis certain que ça va m'aider à être plus professionnel, a déclaré Bazinyan. Ça me donne beaucoup d'expérience pour m'améliorer.
« Je sais que je possède des habiletés et une bonne intelligence dans le ring, mais je n'aime particulièrement pas parler de moi. Je vais être beaucoup plus sérieux qu'à l'habitude, car il frappe fort également. Ça va être un excellent combat. Je sais vraiment ce que j'ai à faire. »
« Les émotions vont faire partie du plan de match, a quant à lui promis Butler à l'auteur de ces lignes quand ce dernier lui a rappelé qu'elles faisaient partie intégrante de son identité.
« Le meilleur Steven peut battre Erik, mais il doit être au rendez-vous. Erik, c'est un combattant, un gars qui est super bon, qui a un bon QI, un bon jab, un bon jeu de jambes... c'est un boxeur complet, peut-être même le boxeur le plus complet qu'Eye of the Tiger a...
« C'est certain que tout le monde me voit perdant dans ce combat-là. Le fait qu'Erik a fait une bonne performance à son dernier combat contre Munguia, qui est de classe mondiale. Dans mes derniers combats, j'ai notamment perdu contre [Patrice] Volny, qui n'est pas de la même qualité de Munguia, mais ça me motive, c'est ça qui m'active. J'étais aussi négligé contre Steve Rolls, mais je l'ai arrêté au premier round et ça, il ne faut surtout pas l'oublier. »
À noter que Ramsay a décidé de se récuser pour ce combat et qu'il ne sera pas dans le coin de Bazinyan pour éviter toute forme de conflit d'intérêts. C'est son adjoint Samuel Décarie-Drolet qui prendra le relais, un « non-événement », aux yeux de Bazinyan, qui a souvent combattu sans Ramsay dans son coin dans le passé. « C'est moi qui me bats », a-t-il lâché.