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RÉSULTATS

Beterbiev c. Bivol pour l'histoire, enfin!

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C'est enfin ce samedi que nous allons avoir le privilège d'assister au combat le plus important et le plus significatif à l'heure actuelle, toutes divisions confondues, quand le Québécois d'adoption Artur Beterbiev (20-0, 20 K.-O.) va défendre ses titres de champion du monde WBC, IBF et WBO contre l'autre mi-lourd invaincu et champion WBA Dmitry Bivol (23-0, 12 K.-O.) de Russie.

Ce sera la première fois que les quatre titres vont être unifiés dans toute l'histoire des mi-lourds. 

Un autre Russe, Sergey Kovalev (35-5-1, 29 K.-O.), a déjà unifié trois des quatre ceintures en prenant la mesure de Bernard Hopkins (55-8-2, 32 K.-O.) à Atlantic City en 2014. Des titres qu'il a défendus à quatre reprises dont deux fois contre Jean Pascal à Montréal. 

Il les a cédés à Andre Ward (32-0, 16 K.-O.) qui lui a pris sa retraite après avoir passé le K.-O. à Kovalev dans le combat revanche. 

L'équation qui manquait pour une unification des quatre ceintures était le titre WBC et linéaire détenu par un autre boxeur de chez nous, Adonis Stevenson (29-2-1, 24 K.-O.).

Il y a eu de nombreuses tentatives afin d'opposer Stevenson à Kovalev puis à Ward, mais des affiliations avec des promoteurs incompatibles, Premier Boxing Champions d'Al Haymon et Main Events de Kathy Duva, tout comme des exclusivités avec des télédiffuseurs opposés, Showtime et HBO, ont fait que le plus important combat possible de la décennie des années 2010, chez les 175 livres, ne s'est jamais réalisé.

C'est dommage, car on a été privé d'une grande confrontation.

On se dirigeait exactement dans la même direction alors que Top Rank et ESPN ont l'exclusivité de Beterbiev et Matchroom et DAZN celle de Bivol. Personne ne voulait faire aucune concession.

Jusqu'à l'intervention de son excellence Turki Alalshikh d'Arabie Saoudite, avec son carnet de chèques intarissable comme les champs de pétroles du Moyen-Orient, qui a permis à toutes les parties de trouver un terrain d'entente et d'y trouver son profit. 

Beterbiev et Bivol vont toucher des bourses qui vont assurer tout leur avenir et celui de leurs enfants alors que les promoteurs vont être largement compensés. 

Partout dans le monde, tous les combats de la carte seront présentés sur DAZN, alors qu'au États-Unis le combat principal sera présenté exclusivement sur ESPN+.

Alors samedi on aura en opposition deux styles diamétralement opposés, mais avec une force majeure commune; l'intelligence du ring (boxing IQ). Tous les deux savent exploiter, de façon suprême, leurs habiletés propres. 

Bivol, 33 ans, est un pur technicien, dans le même sens que les Oleksandr Usyk ou Terence Crawford, mais pas encore dans la même classe qu'eux. Il conjugue sa vitesse supérieure avec des déplacements savants pour contrôler le rythme et la distance. Boxeur classique, son jab amorce l'action et les rafales de combinaisons sont précises sans être très impactées. 

Beterbiev, 39 ans, est une force de la nature. Sa force n'est pas la vitesse, mais il compense par un déploiement de ses combinaisons compactes, une précision chirurgicale et un impact foudroyant. Il inflige une pression constante, mais intelligente sur ses adversaires. Il ne s'emballe jamais, est patient, mais oppressant, installe ses pièges et il ne suffit que d'une erreur de son opposant et c'est la fin.

Pour bien comprendre l'ADN de Beterbiev, il faut l'avoir vu dans le gymnase. Il n'existe aucun boxeur, aucun athlète qui est plus dédié, plus intense que lui à l'entrainement et autant à la recherche de la perfection.

Quand il est arrivé au Québec, ce sont les Colombiens Eleider Alvarez et Oscar Rivas qui faisaient la loi dans le gymnase dirigé par Marc Ramsay. C'est au rythme de la musique latine tonitruante qu'on enchainait les actions à la corde, sur le sac, devant le miroir ou dans les mitaines. 

 Dès son premier entrainement, bien que nouveau dans le décor, Artur qui avait déjà 28 ans, est allé éteindre le système de son et a jeté un regard à tous qui voulait en dire long. Personne ne l'a contrarié ce jour-là.

Marc a bien compris qu'il avait une bibitte différente dans les mains et a scindé ses séances pour qu'un groupe continue avec de la musique et l'autre au son de la sueur et des efforts. 

Pour Beterbiev, chaque session d'entrainement, que ce soit en gymnase, en musculation ou sur une piste, il faut qu'il se donne en entier et il doit trouver un moyen pour s'améliorer. Il n'existe aucune espèce de compromis possible. Il faut voir tous les exercices surhumains auxquels il s'astreint à chaque séance.

Avez-vous vu les exercices qu'il a faits sur le ring lors de l'entrainement des médias mercredi à Riyad? Tous les observateurs étaient éberlués pas le niveau de difficulté des différentes façons d'effectuer des pompes alors que pour lui tout semblait facile. Ils n'ont eu qu'un bref aperçu de ce qu'il fait tous les jours au gymnase. 

Quand il met les gants en combat d'entrainement il est aussi implacable. Personne ne s'amuse devant lui, il est aussi impitoyable que lors d'un combat. Cette situation pose un sérieux casse-tête à son entraineur pour trouver des partenaires. Pour résister ils doivent être nombreux et se relayer rapidement.

Dans la vie de tous les jours, c'est un être humain de principes forts, axé sur la famille, très religieux et d'une discipline rigoureuse de tous les instants. 

C'est un homme intelligent, au sourire moqueur, mais de peu de mots, à l'humour sarcastique et aiguisé.

Alors quand on le connait un peu, quand on l'a vu à l'entrainement, on le reconnait sur le ring. Il ne joue pas un rôle, il est lui-même et il s'exprime avec la même détermination qui l'anime dans la salle d'entrainement ou dans la vie de tous les jours. 

Il le fait sans émotions spéciales qui pourraient venir interférer dans son jugement. Il ne se met pas de pression à viser le K.-O., mais il représente un danger fatal pour l'opposant à tous les rounds. Dans ses neuf combats de championnats du monde, il a obtenu deux K.-O. en moins de quatre rounds, quatre dans les rounds 5 à 9 et trois en 10 rounds ou plus.

Plusieurs boxeurs ont connu du succès contre lui et ont gagné des rounds dans la première demie du combat (Anthony Yarde, Callum Smith, Marcus Brown Oleksandr Gvozdyk). Mais ils ont tous fini par suffoquer sous sa pression écrasante et ses poings foudroyants.

Ceux qui favorisent Bivol samedi doivent surtout baser leur prédiction sur l'importante victoire devant le boxeur le plus populaire au monde, Canelo Alvarez (62-2-2, 39 K.-O.),  à Las Vegas en mai 2022, qui lui a valu le titre mérité de boxeur par excellence de l'année selon The Ring et l'Association des chroniqueurs de boxe d'Amérique.

Bien que Canelo concédait taille et poids, lui qui est champion des 168 livres, Bivol a été impressionnant autant pour esquiver les attaques du Mexicain que pour se faire respecter avec une pression bien administrée. 

C'est cependant la seule fois où j'ai eu la mâchoire décrochée par ses performances. Pour le reste, il a été contraint à la limite des 12 rounds à 10 reprises à ses 11 derniers combats où il était le meilleur sur le ring. 

Il n'a pas bien paru contre Craig Richard à l'Arena de Manchester en mai 2021, où il a perdu cinq rounds sur 12, comme les pointages des juges l'indiquent : 115-114, 115-113 et 118-109. Il s'est fait solidement ébranler au 10e round contre Joe Smith Jr. à Turning Stone New York en 2019 et il a été chanceux que ce soit arrivé à la toute fin de la reprise.

Bivol, je le trouve bon, très bon, mais je ne le trouve pas le meilleur en son genre ni dans l'histoire de la boxe, ni dans sa génération. Il n'est pas Roy Jones, le plus naturel pugiliste de l'histoire. Il n'est pas non plus Andre Ward, que personne ne savait solutionner, et il n'est pas Floyd Mayweather, qui était le maitre pour étouffer les attaques de ses opposants.

Mais Artur Beterbiev, je n'ai jamais rien vu de comparable. Comme Vasyl Lomachenko, il est la première version de son genre. Il n'est pas Mike Tyson, une furie intimidante et destructive sur le ring. Il n'est pas Archie Moore (186-23-10, 132 K.-O.), le roi incontesté des K.-O. qui était plus sournois et vicieux. Mais il est le meilleur boucher que j'ai vu avec des gants de boxe pour dépecer l'opposition.

Alors comment je vois le combat? L'histoire nous dit qu'en général dans ces confrontations, c'est le boxeur le plus habile qui l'emporte sur le plus fort. En anglais on dit : « Skills pay the bills ». 

On a comme exemple Roy Jones sur James Toney, Sugar Ray Leonard sur Marvin Hagler, Floyd Mayweather sur Saul Alvarez et Manny Pacquiao ou Muhammad Ali sur George Foreman.

Habituellement, j'opterais pour le boxeur qui a la solution la plus simple pour l'emporter et c'est plus simple de rester prudent au bout du poing, ce qui est la spécialité de Bivol.

En revanche, je sais des choses sur Beterbiev que la majorité ne connait pas, son éthique et l'étoffe dans lequel il s'est bâti. Il n'aura pas coupé les coins ronds, il a la confiance de celui qui a consacré toute sa vie pour ce combat. 

On ne le verra jamais donner une entrevue en état d'ébriété comme l'a fait David Benavidez six semaines avant son combat contre Gvozdyk.

J'ai l'impression que Bivol va marcher sur une glace mince ici et il sera en constant danger. Oui, il va gagner des rounds, mais je ne crois pas qu'il cogne avec assez d'autorité pour que Beterbiev soit concerné outre mesure. 

Je sais aussi que Marc Ramsay et son équipe vont avoir tout prévu et se sont assurés d'une préparation parfaite. L'entourage, on n'en parle pas beaucoup, mais c'est aussi un facteur important. Celle du champion de trois des quatre ceintures est exceptionnelle et expérimentée. 

Si j'avais un 2 $ à parier sur Mise-O-Jeu, je le mettrais sur le résident de Laval, qui permettra de doubler la mise et rapporter 4,20 $.

J'opte également pour une victoire avant la limite qui peut rapporter 5,50 $

Mais j'oserais également une victoire par décision pour encaisser 14,00 $ pour mon petit 2 $.

Parce que oui, même si je crois en une victoire du protégé de Marc Ramsay avant la limite, je n'exclus pas un gain par décision tellement je crois en lui.

Ici, la perspective des juges va être mise à l'épreuve. Dans le combat contre Oleksandr Gvozdyk, l'Ukrainien était favorisé après neuf rounds avec des pointages des juges McKaie (84-87) et McNair (85-86), alors que le troisième juge Poturaij avait Artur en avance 87-83.

L'attaquant dans ce duel va être Beterbiev et le défenseur sera Bivol. Il s'agit juste que deux juges favorisent ce style, comme John Poturaj l'a fait contre Gvozdyk.

C'est Thomas Taylor de la Californie que sera l'arbitre. Les juges sont Glenn Feldman des États-Unis, Manuel Oliver Palomo d'Espagne et Pawel Kardyni de la Pologne. 

Si vous n'avez qu'un seul combat à regarder cette année, c'est celui-ci!

Bonne boxe et à la semaine prochaine.