« Je ne comprends pas » - Jean Pascal
C'était au septième round. Jean Pascal venait de surprendre Michael Eifert après avoir lancé son fameux coup de la « pince à cils ». Ne sachant trop comment réagir, l'Allemand s'est retrouvé piégé dans l'un des coins neutres, permettant au Québécois de le marteler de coups au corps.
Deux rounds plus tôt, l'ancien champion du monde avait profité d'un moment d'inattention de son adversaire, qui s'était mis à regarder au sol comme s'il semblait gêné par quelque chose, afin de l'atteindre au visage avant de descendre au corps pour lui asséner cinq crochets de droite.
Mais ces deux heureuses séquences n'ont finalement été qu'un mirage dans une traversée du désert au terme de laquelle le constat des juges a été implacable : Pascal n'en a tout simplement pas fait assez pour devenir l'aspirant obligatoire au détenteur du titre des mi-lourds de l'IBF.
Pasquale Procopio, Dave Braslow et Tony Paolillo ont remis des cartes de 118-110, 117-111 et 115-113 en faveur d'Eifert (12-1) qui signe la victoire la plus significative de sa jeune carrière. Un constat partagé par la totalité des observateurs plus ou moins aguerris qui ont assisté au duel.
Formé à l'école européenne, Eifert s'est appuyé sur sa technique et un jab efficace pour contrer un Pascal (36-7-1) qui a été égal à lui-même, c'est-à-dire tantôt brillant, tantôt erratique. Mais celui qui est parvenu à attirer 4000 amateurs à la Place Bell jeudi soir pour son retour en sol québécois après un peu moins de 5 ans d'absence est plutôt convaincu qu'il méritait la victoire.
« Jean a connu un très bon combat. [Eifert] a lancé beaucoup de coups, mais la plupart dans les gants de Jean. Je ne comprends pas les cartes des juges, a d'abord lâché son entraîneur Orlando Cuellar. Parfois, les juges tombent endormis, et ce soir, ils ont rendu une mauvaise décision. »
« Je n'ai jamais été en danger pendant ce combat-là, a ensuite ajouté Pascal, qui avait levé un bras dans les airs avant l'annonce du verdict, convaincu de sa victoire. J'ai donné les meilleurs coups pendant le combat et je ne comprends pas comment un juge a pu lui donner 118-110. Je suis abasourdi. J'aurais voulu l'emporter, mais les juges en ont cependant décidé autrement.
« Il semble qu'à cause que nous sommes au Québec, nous voulons être différents des autres… Comment pourrais-je n'avoir gagné que deux rounds, alors que j'ai porté les meilleures attaques? J'ai été le boxeur le plus agressif et je n'ai pas été en danger une seule petite fois. »
Le promoteur Yvon Michel ne s'est pas avancé sur ce terrain glissant, préférant louanger la prestation offerte par les deux boxeurs et assurant qu'il ne regrettait pas d'avoir participé à l'organisation de l'événement. « Nous avons toujours tendance à sous-estimer les adversaires que nous ne connaissons pas. Ç'avait été la même chose pour Yesica Nery Plata, a-t-il rappelé.
« Jean n'a pas à rougir de sa performance. Je comprends qu'il soit déçu, mais il peut garder la tête haute parce qu'il a donné tout ce qu'il avait. [Le promoteur américain] Lou DiBella ne regrette pas non plus d'avoir investi pour permettre à Jean de se battre devant ses partisans. »
Le visage tuméfié, Pascal a néanmoins fini par admettre qu'Eifert « a été plus solide » qu'il ne le pensait, mais que cela ne justifiait pas pour autant la décision rendue par les juges. « Je me sentais un peu moins rapide qu'à l'habitude. Je n'étais pas fatigué [au terme du combat]. Je vais devoir discuter de la suite des choses avec mon équipe. Je ne sais pas encore si je vais me retirer.
« Mon but était de me rebattre en championnat du monde. Je devrai prendre la bonne décision. »
Dans un passé pas si lointain, Pascal est parvenu à se remettre de défaites contre Bernard Hopkins, Sergey Kovalev et Dmitrii Bivol, mais à 40 ans, les paramètres ne sont plus les mêmes...
À l'autre bout du spectre, Eifert et son équipe cachaient difficilement leur fierté. « Je ne suis qu'à une victoire de réaliser mon rêve de devenir champion du monde, a mentionné l'Allemand par le truchement de son gérant Benedikt Pölchau. Je m'étais bien préparé et savais que je gagnerais.
« Le combat a été plus facile que je l'avais imaginé. Je pensais que Pascal serait plus agressif. Cela dit, j'ai clairement remporté ce duel. Je ne crois pas que Pascal a gagné plus que deux rounds. »
« Personne n'y croyait véritablement en Allemagne, alors c'est un grand moment que nous vivons ici ce soir, a ajouté Pölchau. Pascal avait tous les droits de nous sous-estimer, mais Michael consacre sa vie à la boxe. Nous remercions les juges d'avoir rendu la bonne décision. »