Deux grandes forces
Boxe mardi, 4 juin 2013. 18:46 mercredi, 11 déc. 2024. 06:30J’ai assisté à l’entraînement de Chad Dawson aujourd’hui et sans être trop inquiet pour le sort qui attend Adonis Stevenson en fin de semaine, je peux vous dire que le champion a l’air prêt et déterminé à démontrer qu’il a sa place au sommet de la hiérarchie des mi-lourds.
Je ne cherche pas à vous prouver le contraire, c’est un véritable gouffre qui sépare Dawson des adversaires qui l’ont précédé dans la carrière d’Adonis. Par contre, ceux qui sont montés dans le ring avant lui pour se frotter à « Superman » ont été pulvérisés. Stevenson a montré qu’il était bien au-dessus de toute l’opposition qu’il a reçue jusqu’ici, qu’il était capable d’en prendre davantage.
Dans sa carrière, Adonis a eu l’opportunité de mettre les gants avec des boxeurs habiles de haut niveau comme Lucian Bute, Mikkel Kessler, Arthur Abraham et Jean Pascal et il s’est toujours bien débrouillé. Bien sûr, une expérience vécue à l’entraînement ne permet pas de simuler une situation de combat, mais ces quelques rounds de sparring permettront néanmoins à Adonis d’affronter son prochain défi avec un petit air de déjà-vu. Je ne crois pas qu’il sera surpris ou désarçonné, samedi soir, par les habiletés de Chad Dawson.
À mes yeux, Adonis a deux grandes forces. La première : la puissance de ses coups, qui est à un niveau que le champion qu’il tentera de détrôner n’a jamais vu. L’autre : son intelligence du ring.
On a tendance à catégoriser Adonis comme étant bêtement un simple cogneur, mais il possède une intelligence du ring supérieure à la moyenne qui lui permet d’exploiter sa puissance à bon escient. Le secret du succès, à la boxe, ce n’est pas seulement d’avoir la force pour casser des murs. C’est d’avoir la ruse et la vision nécessaires pour trouver les failles et préparer ses coups. Adonis remplit ce critère.
Dans la dernière parution du magazine The Ring, trois journalistes faisaient leurs prédictions à propos de notre combat principal. Deux d’entre eux croyaient que Dawson allait l’emporter, l’autre favorisait Adonis, mais tous s’entendaient pour dire qu’une victoire du Montréalais représenterait un vent de fraîcheur dans la division des mi-lourds.
Dawson a beau être très talentueux, il n’est pas populaire. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il s’en vient se battre au Canada pour la troisième fois de sa carrière. Les analystes de The Ring étaient unanimes : si jamais Adonis est aussi bon qu’on le pense et parvient à battre le champion de façon spectaculaire, on se retrouvera avec une division beaucoup plus intéressante et des combats potentiels d’un autre niveau.
Personnellement, je pense que notre homme va signer une victoire par knock-out.
Dawson est bon, mais il peut être vulnérable. On peut lui donner le bénéfice du doute lorsqu’il dit qu’il était déshydraté contre Andre Ward, mais contre Jean Pascal, il s’est fait ébranler à quelques reprises. On a aussi entendu dire que ça lui était arrivé à l’entraînement. Il est allé au plancher contre Tomasz Adamek, il s’est fait sonner par Glen Johnson. Alors il a déjà vu des étoiles et pas toujours contre des grands cogneurs.
Adonis est une menace beaucoup plus puissante, il fait beaucoup plus mal que les autres adversaires que Dawson a connus. Chaque fois qu’il commence ses combats, ses adversaires sont relax, tout va bien. Mais dès que les premiers coups touchent la cible, ils changent d’air, on le voit dans leurs yeux. Même s’ils reçoivent un coup sur un bras, ils réalisent qu’ils ne s’étaient pas imaginé une telle vigueur et ça, ça peut changer complètement un plan de match.
Je ne m’attends pas à ce qu’Adonis sorte Chad Dawson du ring d’un seul coup de poing, mais je m’attends à ce qu’il s’impose rapidement de façon à ce que Dawson le craigne et se retrouve un peu plus sur les talons. Ça va donner de l’espoir à Adonis et éventuellement, il va réussir à asséner le coup d’assommoir.
Un désagréable dilemme
Tout promoteur a pour objectif de convaincre HBO de diffuser ses événements. La présence de ce géant américain dans l’organisation d’un gala a de gros avantages, mais apporte aussi son lot d’inconvénients. Le principal, c’est qu’on perd le contrôle sur le déroulement de notre événement.
C’est ce qui est à la source de la confusion à laquelle ont été mêlés les clans de David Lemieux et d’Eleider Alvarez au cours des derniers jours.
Cette semaine, HBO nous est arrivé avec cette exigence : ils allaient diffuser le combat entre Jose Pedraza et Sergio Villanueva à 20 h. Ça voulait dire que le ring devait être complètement libre dix minutes avant et qu’une pause obligatoire de vingt minutes devait être respectée après. Et comme l’arène devait être prête à accueillir Yuriorkis Gamboa et Darley Perez à 21 h 45, ça nous laissait seulement le temps d’insérer un combat de dix rounds, au maximum, entre les deux.
Habituellement, lorsqu’on est confronté à un cas semblable, on a l’option de reporter un combat qu’on peut présenter à la toute fin de la soirée, après la grande finale. Mais HBO nous a mis des bâtons dans les roues lorsqu’on a soulevé cette alternative. Au final, ça nous aurait coûté 50 000 $ en frais supplémentaires pour prolonger la durée de notre gala après le choc Dawson-Stevenson. Il est rapidement devenu impensable d’emprunter cette avenue.
On s’est donc retrouvé dans une situation où on devait sacrifier un de nos combats de dix rounds, soit celui entre Lemieux et Robert Swierzbinski ou celui entre Alvarez et Allan Green. J’ai rencontré le gérant de David, Camille Estephan, pour lui expliquer la situation. Je voulais faire la même chose avec le clan d’Eleider, mais l’information a coulé trop rapidement. Cette situation n’aurait jamais dû se rendre aux oreilles du public, on aurait dû régler ça entre nous.
Dans notre évaluation finale, on a jugé qu’Alvarez avait été plus actif cette année et qu’il était déjà bien placé dans les classements mondiaux. Ce combat contre Green devait lui servir d’occasion de confirmer sa position. Lemieux, lui, a besoin d’action pour repartir la machine.
Ça nous a fait mal au cœur, mais on a été obligé de dire à Eleider qu’il ne pourrait pas boxer sur ce gala. On va lui verser une compensation et essayer de voir si on peut replacer le combat ailleurs. On est présentement en plein milieu de l’action, mais la semaine prochaine, quand la poussière va retomber, on va calculer nos options.
Avec du recul, on aurait peut-être dû, avant de finaliser tous nos combats, s’asseoir avec HBO et voir quelles étaient leurs conditions, mais je ne m’attendais pas à une telle situation.
Espoir aux guichets
Il y avait une centaine de personnes autour du ring mardi pour l’entraînement de Gamboa et tout le monde avait la bouche ouverte, totalement éberlué. Le Cubain en a vraiment mis plein la vue aux curieux.
On m’a demandé si un boxeur plus spectaculaire que lui était déjà venu se battre à Montréal. On a eu le privilège d’avoir Arturo Gatti une fois, mais à part Thunder, je ne vois vraiment pas. On parle ici d’un médaillé olympique et d’un champion du monde invaincu chez les pros. La présence d’un pugiliste de ce calibre, combinée avec la participation d’un diffuseur comme HBO, représente le rêve de tout promoteur.
Le pire, c’est qu’on a craint que Gamboa ne puisse même pas faire la démonstration de son talent en fin de semaine puisque son adversaire s’est présenté à l’aéroport sans visa de travail. Pour faire une histoire courte, il y a eu un malentendu entre son gérant et une firme de Québec spécialisée en immigration. L’information a mal circulé et Darley Perez est arrivé à Dorval sans les documents nécessaires pour franchir les douanes.
Dans des cas comme celui-là, le fautif est généralement renvoyé chez lui sans discussion. Heureusement, on a pu discuter avec les personnes responsables pour leur expliquer l’importance de notre événement. Gary Shaw, un ami promoteur, était même prêt à déposer une caution pour rassurer tout le monde. Finalement, tout est rentré dans l’ordre!
J’ai un manuel de préparation, un guide de choses à surveiller quand j’organise des événements de cette ampleur, mais chaque fois, il y a de nouveaux imprévus qui se présentent. Qu’à cela ne tienne! Des semaines comme celle-là, on travaille pendant toute une vie pour en vivre.
Maintenant, il faut que les amateurs de sports réalisent à quel point l’événement qui s’en vient à Montréal est grandiose pour qu’on ait le plus de spectateurs possible au Centre Bell. C’est sûr qu’on souhaiterait avoir plus d’engouement que les quelque 4000 billets vendus jusqu’à présent, mais je ne peux pas dire que je suis déçu. Après tout, le nom d’Adonis n’est pas encore sorti des cercles spécifiques de la boxe. Aussi, il y aura une arrivée importante de gens de l’extérieur dans les prochains jours avec la présentation du Grand Prix de F1 et la présence de 50 Cent en ville.
Je m’attends donc à beaucoup d’activité aux guichets au cours des prochains jours.
*Propos recueillis par Nicolas Landry.