L'art de la guerre selon Marc Ramsay
Ne manquez pas le combat entre Artur Beterbiev et Dmitrii Bivol dès 18 h sur les ondes de RDS et RDS.ca.
Un choc des styles. S'il n'y avait qu'un cliché autorisé pour présenter le combat entre Artur Beterbiev et Dmitrii Bivol qui aura lieu ce soir à Riyad, en Arabie saoudite, ça serait celui-là.
Beterbiev (20-0, 20 K.-O.), le bagarreur, contre Bivol (23-0, 12 K.-O.), le styliste. Un duel au sommet où les quatre ceintures des poids mi-lourds seront à l'enjeu et qui couronnera un premier champion incontesté dans la catégorie depuis un certain Roy Jones fils, en 2002.
Mais réduire le Montréalais d'origine russe au terme de bagarreur serait très réducteur pour témoigner de son parcours chez les professionnels qui a débuté le même soir de mai 2013 où Adonis Stevenson est devenu champion du monde en terrassant le pauvre Chad Dawson.
Au fil des 20 combats qu'il a disputés, Beterbiev a tout vu ou tout entendu, si ce n'est que l'interminable attente entre la conclusion d'un affrontement et l'annonce de la décision des juges pour la simple et bonne raison qu'il a toujours gagné aux poings et non... aux points.
Si le champion unifié WBC, IBF ainsi que WBO a mainte fois démontré qu'il peut rivaliser avec absolument n'importe qui, il a surtout prouvé qu'il réagit plutôt bien aux intangibles, ces situations que personne ne peut prévoir, mais qui peuvent changer l'allure d'un duel.
Deux fois – contre Jeff Page fils en décembre 2014 et face à Callum Johnson en octobre 2018 – il est allé au plancher et s'est relevé comme si de rien n'était, à l'image de quelqu'un qui trébuche dans les escaliers et qui est davantage blessé à l'orgueil plus qu'autre chose.
Beterbiev a également formidablement fait fi d'une profonde coupure au front subie lors du quatrième round de son combat contre Marcus Browne en décembre 2021. À tout moment, le médecin pouvait mettre un terme au bain de sang, mais l'athlète originaire du Daghestan ne lui en a jamais donné la possibilité. Non, il a plutôt arrêté Browne avant qu'on ne l'arrête.
Et peut-être plus important encore, Beterbiev a déjà plus d'une fois tiré de l'arrière dans un duel. Contre Oleksandr Gvozyk, ce n'était qu'une ruse pour l'attirer dans les mailles de son filet et le faire craquer au 10e round. À ce jeu, existe-t-il quelqu'un de supérieur à Beterbiev?
Probablement pas et c'est pourquoi il ne faut pas s'attendre à un Beterbiev différent de celui qui a conquis le cœur des amateurs québécois depuis plus d'une décennie. Parfois, il boxera, parfois, il cherchera la confrontation. Mais l'objectif sera toujours le même : gagner.
« Pourquoi les Américains n'ont-ils pas été en mesure de gagner la guerre du Vietnam? C'est une question d'environnement, a mentionné son entraîneur Marc Ramsay en entrevue au collègue Benoît Beaudoin un peu plus tôt cette semaine. Nous devrons attirer notre adversaire dans une zone où il n'est pas confortable. C'est le défi qui nous attend samedi.
« [Bivol] est quelqu'un qui sait ce qu'il fait et il le fait très bien. C'est très aiguisé, c'est mécanique, ce sont souvent des répétitions. De notre côté, nous savons que nous pouvons boxer et il est évident que notre adversaire peut boxer. Mais nous savons que nous pouvons nous battre et c'est un domaine où nous voulons voir jusqu'où Bivol peut aller avec cela. »
Bivol n'a véritablement jamais eu à puiser dans ses réserves pour remporter ses combats, tant il a dominé ses adversaires techniquement au fil du temps. Même des boxeurs aguerris tels Sullivan Barrera, Isaac Chilemba ou bien Jean Pascal ont très, très mal paru contre lui.
Ses affrontements face à Craig Richards (118-110, 115-113 et 115-114) et Saúl « Canelo » Álvarez (115-113, 115-113 et 115-113) ont peut-être été serrés sur papier, mais dans les faits, les pointages des juges ne reflétaient spécialement la proverbiale allure du combat.
« Contre “Canelo”, Bivol a fait un très bon combat, mais c'est vraiment une question de gabarit, analyse Ramsay. Même s'il est très fort physiquement et qu'il développe beaucoup de puissance, “Canelo” est très petit pour la catégorie des mi-lourds. C'est un poids moyen.
« Ce n'est pas un gars de 6 pieds comme Artur qui approche les 200 livres hors compétition. Il y a vraiment une différence au chapitre du gabarit [entre Berterbiev et Álvarez]. L'impact des coups de “Canelo”... cela ne donnait pas les résultats habituels dans ce combat-là. »
À vrai dire, les seuls doutes qui pourraient être soulevés au sujet de Beterbiev sont son âge – 39 ans – et son état de santé. L'affrontement face à Bivol aurait normalement dû être tenu en juin, mais Beterbiev a dû le reporter en raison de la rupture du ménisque d'un genou.
« Nous avons eu la chance de faire un bon mois de physio et nous avons eu dix semaines d'entraînement, alors que je dirais que oui, c'est derrière nous, a assuré Ramsay, qui est à Riyad depuis deux semaines afin de permettre à Beterbiev de s'acclimater au décalage horaire et au temps particulièrement sec. Si ce n'était pas le cas, nous ne serions pas ici. »
Si Beterbiev demeure bien outillé pour composer avec n'importe quel intangible, il est clair qu'une blessure pendant son bras de fer contre Bivol ne pardonnerait tout simplement pas.