« Make America Great Again » en boxe?
COLLABORATION SPÉCIALE
Au début du dernier siècle, jusqu'après la Deuxième Guerre mondiale, la boxe était, avec le baseball, dans le dans le top-2 des sports majeurs aux États-Unis, bien loin devant le basketball ou le football.
Les années 1920 sont considérées comme le premier âge d'or de la boxe en Amérique, où les événements étaient fréquents, les boxeurs nombreux et les plus grandes vedettes de sport étaient des pugilistes.
Lorsque Jack « The Manassa Mauler » Dempsey (50-4-9, 42 K.-O.), l'une des plus grandes vedettes de l'histoire sportive, défend son titre mondial des lourds le 2 juillet 1921 au Boyle's Thirty Acres au New Jersey contre le français George « The Orchild Man » Carpentier (81-11-5, 52 K.-O.), on y a construit un stade temporaire juste pour la circonstance qu'on a démoli le lendemain.
C'est plus de 91 000 spectateurs qui se sont procuré des billets pour une recette de 1 789 238 $, une somme gargantuesque pour l'époque.
La bourse du champion fut de 1 million $, la première bourse millionnaire jamais versée à un athlète pour une performance sportive. On dit qu'en carrière, de 1914 à 1927, c'est plus de 4 millions qu'il a reçus en bourse.
Pour mettre cela en perspective, le grand Babe Ruth, la plus grande vedette de baseball de l'histoire qui évoluait à la même époque, de 1914 à 1935, a reçu un total de 856 850 $ en salaire pour toute sa carrière.
Dans les années d'après-guerre, la boxe est toujours prioritaire dans le cœur des Amerloques qui idolâtrent ses champions comme Joe Louis, Sugar Ray Robinson, Jake Lamotta, Rocky Marciano et bien d'autres.
La télévision, qui a débuté la présentation de programmes de boxe en 1938, est vorace et télédiffuse de 5 à 6 galas par semaine. Les participants deviennent rapidement de grandes vedettes. Les séries sont nombreuses. La série la plus populaire est « NBC Gilette Cavalcade of sports », diffusée les lundis et vendredis.
Dans les années 1960-70, la boxe a été dépassée en popularité par les sports émergeants de l'époque, le football et le basketball, mais les États-Unis sont de loin le pays le plus dominant dans le monde.
Les grands champions sont toujours américains. On assiste à la seconde période d'âge d'or pour la boxe. Aucun champion ne peut avoir de reconnaissance et de prestige sans évoluer dans le marché américain.
L'athlète le mieux rémunéré du sport est année par année le champion des lourds, position que s'échangent Muhammad Ali, Joe Frazier, George Foreman et Larry Holmes.
Oui, on fait des incursions, avec de grands combats à l'étranger. Ali, plus particulièrement, a fait le tour du monde : Canada, Angleterre, Allemagne, Suisse, Japon, Irlande, Indonésie, Zaïre... Ce n'est toutefois pas une indication de la popularité de la boxe dans ces pays, mais bien une volonté de missionnaire du « The Greatest », Ali, de convertir le monde entier à sa cause.
Durant les années 1990-2000, la boxe a graduellement disparu de la programmation des grands réseaux de télévision comme ABC, NBC ou CBS, mais a trouvé une niche à HBO et Showtime qui s'arrachent les allégeances des meilleurs boxeurs.
C'est l'époque de Mike Tyson, Evander Holyfield, Riddick Bowe, Michael Moorer, Tommy Morrison, tous des Américains, sauf Lennox Lewis, qui a entrepris sa carrière en Grande-Bretagne, mais a compris que sans l'Amérique il n'y a pas de salut.
On se souvient de la popularité de « Punch-Out », un jeu vidéo de Nintendo qui est lancé sur l'incroyable popularité de « Iron » Mike Tyson qui est connu par toutes les tranches d'âge de la population, de 7 à 77 ans.
C'est également l'arrivée de la télévision à la carte qui réduit encore le niveau de visibilité à la boxe, mais offrent des revenus supérieurs aux promoteurs et aux boxeurs.
Dans les années 2000-2015, il y a de plus en plus de boxeurs de l'extérieur des États-Unis qui sont classés parmi les aspirants mondiaux, mais c'est encore sur la terre de l'Oncle Sam que les champions font les meilleures bourses et gagnent en prestige.
Chez les lourds, on voit arriver les frères Wladimir et Vitali Klitschko de l'Ukraine, Tyson Fury et Anthony Joshua de l'Angleterre. Le jeune prodige Manny Pacquiao des Philippines s'installe quant à lui en Californie.
Durant cette période, ils sont de plus en plus nombreux les boxeurs de l'étranger à obtenir beaucoup de succès et à accaparer des titres mondiaux, mais c'est toujours aux États-Unis qu'on retrouve le Klondike de la boxe.
Les classements des aspirants de chaque division sont de plus en hétéroclites de nations disparates.
C'est à partir de 2015 qu'on a été témoin de l'exode massif des ceintures majeures, ainsi que le début d'une chute vertigineuse de l'industrie de la boxe au sud du 49e parallèle.
La boxe est graduellement sortie des réseaux de télévision terrestres ou câblés, pour être remplacés par la présentation en vidéo en continu (streaming). HBO et Showtime ont mis fin à leur programmation boxe et le dernier réseau de télévision à présenter ce sport régulièrement, ESPN, a déjà annoncé ne pas renouveler son entente avec Top Rank, qui se termine à l'été 2025.
DAZN, une application de vidéo de sports en continu présente dans plus de 200 pays, est à centraliser tous les grands événements de boxe. Pourtant, le milieu avait accueilli avec scepticisme son entrée en boxe en 2018.
Au début, DAZN a conclu une entente exclusive avec Eddie Hearn de Matchroom et le président de Top Rank, Bob Arum, s'en moquait en renommant l'application « Deadzone », affirmant ainsi qu'elle n'avait pas d'avenir.
Aujourd'hui, DAZN a des ententes avec presque tous les promoteurs importants à travers le monde. Il ne reste plus, comme compétiteurs, que des incursions timides d'Amazon Prime Video, une autre plateforme de vidéo en continu qui se limite à quelques événements avec PBC en Amérique et de modestes associations au Japon et en Australie.
Netflix a pourtant fait des malheurs avec la diffusion du combat de Mike Tyson contre Jake Paul et ses 125 millions d'auditeurs. Rien n'indique toutefois que le plus colossal distributeur de « streaming » ait l'intention d'investir dans le sport.
La majorité des promoteurs du dernier tiers ont investi dans leurs propres plateformes de vidéo, mais leur portée se limite à leur marché régional.
Actuellement, le marché américain est incapable de suivre le rythme imposé par le Moyen-Orient ou par la Grande-Bretagne. On attire à Riyad, en Arabie Saoudite, les plus grandes vedettes. On remplit les amphithéâtres en Grande-Bretagne et au Japon.
Les boxeurs ne sentent plus le besoin de s'exposer aux États-Unis pour être reconnus. Même Donald Trump ne pourra renverser la vapeur. Sur les 68 divisions des quatre associations majeures, WBC, WBA, IBF et WBO, il n'y a plus que 14 champions américains. Le plus faible pourcentage de toute l'histoire de la boxe.
Il fut un temps où 90 % des champions du monde étaient des Américains.
Pire encore, dans la division reine en boxe, les lourds, dans le groupe des 60 boxeurs classés top-15 aspirants des quatre associations, on ne retrouve que cinq boxeurs de l'équipe de Donald Trump et aucun d'eux ne peux prétendre à la couronne!
Ce groupe est composé de Jared Anderson, qui n'a pas tenu cinq rounds contre le Nigérien Martin Bakole l'été dernier. Il y a aussi le champion déchu Deontay Wilder, qui s'est fait battre par le Néo-Zélandais Joseph Parker et le Chinois Zhilei Zhang à ses deux dernières sorties.
Les autres sont Michael Hunter, Jarrell Miller et Jermaine Franklin, qui ont peu de chance d'être invités à danser sur les rings des rois.
Il reste encore des boxeurs talentueux chez nos voisins du sud, notamment Terence Crawford, Gervonta Davis, Davis Benavidez, Jaron Ennis et Virgil Ortiz Jr. Ils sont des champions de grande qualité et ils peuvent encore remplir le T-Mobile de Sin City, dont l'environnement de jeu est favorable.
Cependant, leur popularité ne dépasse guère le groupe select d'érudits de boxe. Le public se tourne de plus en plus vers l'UFC et le dernier venu, le Bare Knuckle Finghting Championship (BKFC), qui va attirer plus de 17 000 spectateurs au Wells Fargo Center de Philadelphie en fin de semaine avec des combats à mains nues.
Le dernier gala de boxe au Madison Square Garden de New York, jadis considéré la « The Mecca of Boxing », a été présenté en 2022. C'est un signe qu'on se déconnecte de plus en plus de la masse.
Si le déclin de l'empire américain est irréfutable, les fans de bonne boxe ne sont tout de même pas en reste. Grâce à différentes plateformes numériques, on peut suivre en direct les performances d'Artur Beterbiev à Riyad, Naoya Inoue au Japon, Canelo Alvarez à Las Vegas, Vasyl Lomachenko en Australie, Amanda Serrano à Porto Rico, Kathy Taylor en Irlande ou les grandes vedettes internationales d'Angleterre comme les Tyson Fury, Anthony Joshua ou Daniel Dubois.
La boxe internationale présente aujourd'hui des combats extrêmement relevés sans frontière impliquant de grands athlètes talentueux dans des combats aussi intenses que spectaculaires et surtout faciles d'accès.
Bonne boxe.