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RÉSULTATS

Boxe : Place au choc des Titans (bis)

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C'est demain qu'on va assister au combat revanche le plus attendu des dernières années alors que l'Ukrainien gaucher de 37 ans Oleksandr Usyk (22-0, 14 K.-O.) va défendre ses 3 ceintures (WBC, WBA, WBO) des poids lourds contre le « Gypsy King » britannique de 36 ans Tyson Fury (34-1-1, 24 K.-O.).

Cet évènement est présenté dans le cadre des « Saisons Riyad » au Kingdom Arena à Riyad en Arabie Saoudite de son excellence Turki Alalshikh. Il a littéralement bouleversé le monde de la boxe internationale, après seulement 1 an d'opérations, en injectant des centaines de millions pour produire tous les combats au gré de ses fantaisies les plus originales.

Le résultat est que des duels impensables il y a quelques mois à peine à cause de différents entre promoteurs et affiliations télévisuelles ont été éliminés grâce au pétro dollars d'Arabie.

Dans un combat qui a totalement rempli ses promesses, les 2 rétiaires modernes que sont Usyk et Fury ont donné le meilleur de leurs habiletés, de leur intelligence, de leur résilience ainsi que de leur capacité physique pour offrir des engagements intenses, spectaculaires où l'avantage balançait constamment d'un côté à l'autre.

Au bout des 12 rounds éprouvants d'agressions violentes mutuelles où le courage a bien souvent compensé pour des défaillances stratégiques, Oleksandr Usyk, par décision partagée des juges, devenait le premier boxeur de l'histoire à conquérir tous les titres majeurs des lourds légers et des poids lourds.

Cet exploit, Evander « The Real Deal » Holyfield (44-10-2, 29 K.-O.) l'avait manqué de peu en étant limité à un match nul dans son premier combat contre Lennox Lewis en 1999.

C'était également la première unification complète des lourds depuis le Canado Britannique Lennox Lewis (41-2-1, 32 K.-O.) en 1999 qui avait raflé toute la quincaillerie dans le combat revanche contre Holyfield.

Il a fallu plusieurs mois pour que les deux adversaires puissent panser leurs plaies, comprendre ce qui s'était passé pour conclure à ce qui devait être fait différemment pour la reprise en ce 21 décembre qui va se dérouler dans les mêmes conditions et sur le même plateau que la dernière fois.

C'est Scott Adams qui a dit que : « Les gens normaux croient que si ce n'est pas cassé il ne faut pas réparer, mais les ingénieurs pensent que si ce n'est pas cassé c'est qu'il n'y a pas encore assez de fonctionnalités ». Il faut se rendre à la brisure pour comprendre les limites.

Comme ni Usyk ni Fury ne sont des gens normaux et comme le résultat fut très partagé, il est fort à parier que si ni l'un ni l'autre n'apportait pas de changements on aurait encore une décision partagée et le gagnant décidé à pile ou face.

Alors pour la revanche les deux ont changé leur préparation pour essayer de mieux faire et différemment tout en tentant de prévoir la recette de l'autre.

Pour Tyson Fury son camp fut totalement distinct. La dernière fois il l'avait débuté chez lui à Morecambe près de sa famille pour ensuite amener beaucoup monde avec lui à Riyad 4 semaines avant le combat. Son père Peter était omniprésent partout et très vocal jusqu'à enterrer la voix de Sugar Hill dans le coin. On se souvient également du coup de tête qu'il a asséné à un partisan de Usyk la veille de la pesée créant beaucoup trop de distractions.

D'autres facteurs ont potentiellement affecté Fury. On se souvient que la coupure à l'arcade avait nécessité un premier report. Quand la date du 8 mai a été annoncée, il y avait une clause qui disait que si, pour quelque raison, le combat était reporté à nouveau, le fautif avait une pénalité de 10 millions. Évidemment des précautions extraordinaires ont dû être mises en place dans les sessions de combat d'entrainement.

Il faut aussi considérer que Paris, l'épouse de Fury, contrairement à tous ses combats précédents n'était pas à Riyad la dernière fois. Enceinte de 6 mois elle venait de perdre son bébé et ne pouvait faire le voyage. Les proches de Fury ont confirmé qu'il en était affecté.

Cette fois-ci c'est à Malta que s'est déroulé tout le camp d'entrainement loin de toute sa famille qu'il n'a pas vu depuis 3 mois.  Paris sera présente au combat cette fois-ci.

Son père Peter n'a pas participé au camp d'entrainement et l'entraineur de Fury, Hill Steward, a confirmé qu'il ne serait pas dans le coin non plus lors du combat. En fait Peter Fury a été une vraie calamité par ses fréquentes interventions tant à l'entrainement que lors du combat, la dernière fois.

L'ambiance au camp était aussi totalement différente où peu de gens avaient accès et où le géant de 6'9'' était totalement focus sur la tâche sans distraction aucune.

Même si les ajustements ne semblaient pas aussi majeurs, le camp de Usyk a été totalement hermétique et les visiteurs interdits. Il s'est tenu à Gandia en Espagne. Même Russ Anber n'a pas été invité au camp, et ce pour la première fois depuis que l'Ukrainien est champion. Non pas que notre ami Russ soit désavoué, il sera dans le coin de Usyk samedi, mais c'est une indication qu'on a fait les choses différemment.

Alors comment ça va se passer quand la première cloche va résonner?

En mai dernier Tyson Fury voulait être beau, bien rasé et propre, il avait engagé un nutritionniste pour avoir un corps sculptural et sur Instagram il posait régulièrement en exhibant son « six pack qu'on découvrait pour la première fois. ».

Il s'est présenté au royaume du Sultan que samedi le 12 décembre, 7 jours avant la date des hostilités.  Il est arrivé la barbe longue, hirsute, portant des vêtements amples pour cacher les 20 livres de plus qu'il affichera sur la balance officielle.

Il est beaucoup moins démonstratif, s'est acquitté de ses tâches de promouvoir l'évènement, mais sans plus, il semble en mission.

Il a beau répéter, en conférences et en entrevues, qu'il va appliquer le même plan de match, c'est-à-dire se déplacer derrière un jab éduqué pour contrôler la distance. Cette stratégie lui avait été quand même profitable dans la première moitié du combat où il dominait et avait étourdi son adversaire à plusieurs reprises.

Mais cette stratégie n'a pu résister à la capacité d'adaptation de Usyk ni à la fatigue qui s'est accumulée, la même qui lui a fait ralentir les jambes et affecter sa dégaine.

Usyk de son côté a aussi été moins expressif. Il avait l'habitude de reprendre les mimiques de son opposant et les tourner en dérision. Cette fois on ne veut pas provoquer l'autre et on se voue un respect évident.

L'Ukrainien a déjà été dans cette situation contre Anthony Joshua et malgré une récidive et la victoire dans le combat revanche, la tâche avait été beaucoup plus ardue. Joshua avait apporté des correctifs qui ont failli rapporter. Il connait donc l'ampleur de la tâche qui l'attend.

On dit en boxe que si tu ne peux t'élever au niveau des habiletés de ton adversaire, fait le descendre à ton niveau. C'est ce que Fury a fait au deuxième combat contre Wilder. Limité à un verdict nul à la sortie précédente en tentant de garder Wilder à distance, il s'est fait l'agresseur dans la revanche en utilisant à son avantage ses 42 livres supplémentaires pour le surprendre et le détrôner par un T.K.-O. au 7e round.

Alors samedi, vers 18h00 heure du Québec, je m'attends à voir un Fury agressif qui va prendre toute la corde que l'arbitre va lui laisser pour bousculer, retenir, écraser, pousser et frapper tout ce qui bouge pour annihiler la science, la vitesse, la technique et les déplacements de Usyk.

Mais Usyk n'est pas Wilder et il sait ce qui l'attend. Il a engagé des partenaires au gabarit semblable à son adversaire qui ont maintes fois simulé ses agressions. Wilder avait été surpris, Usyk ne le sera pas.

Encore une fois la ténacité, le courage, l'opiniâtreté des deux belligérants vont être testés à la limite de leur capacité et ces valeurs, ça ne s'acquiert pas à l'entrainement, c'est intrinsèque aux individus, c'est dans ses tripes profondes, dans leur ADN.

L'un porte en lui toute la rage d'un peuple pris à parti par un envahisseur méprisable et l'autre est un gitan excentrique, anticonformiste, qui a toujours combattu l'établissement et continuellement imposé sa manière.

La résultante est une confrontation titanesque, intense et spectaculaire qui va nous tenir sur le bout de notre siège du début à la fin. On verra le momentum se déplacer d'un côté à l'autre pendant les 12 rounds et à la fin, peu importe le résultat, on va être heureux d'avoir assisté au deuxième acte qui se transformera possiblement en l'une des grandes trilogies de l'histoire des poids lourds.

Je vous souhaite bonne boxe et bonne semaine!