MONTRÉAL - C’était à l’automne 2007. Bernard Barré et Marc Ramsay assistaient aux Championnats du monde à Chicago dans le but de repérer de nouveaux talents pour le Groupe Yvon Michel (GYM).

La jeune compagnie ne comptait qu’un champion du monde - Joachim Alcine -, mais surtout plusieurs autres jeunes boxeurs qui tentaient de gravir les échelons des différentes organisations internationales. Barré et Ramsay ont rapidement remarqué le Russe Artur Beterbiev, mais n’ont jamais daigné le courtiser, sachant qu’ils n’avaient pas les moyens.

À l’époque, les surdoués comme Beterbiev se tournaient vers Sauerland ou Universum pour lancer leur carrière chez les professionnels. Mais les choses ont énormément changé depuis, si bien que GYM est maintenant capable de s’offrir un athlète de son calibre.

C’est donc un euphémisme que d’écrire qu’Yvon Michel, Barré et Ramsay étaient fiers de présenter à la presse leur nouvelle recrue qui vient de signer un contrat de trois ans avec l’organisation. Beterbiev disputera son premier duel le 8 juin en sous-carte du combat de championnat du monde des poids mi-lourds du WBC entre Chad Dawson et Adonis Stevenson.

« Un des plus beaux jours de ma vie »
« Un des plus beaux jours de ma vie »

« C’est un moment magique pour la compagnie », s’est enflammé Barré, vice-président opérations et recrutement de GYM. « Il faut remonter à Leonard Dorin pour trouver un boxeur qui s’amène à Montréal avec un passé aussi prestigieux. »

« Il a du talent, de la technique et est parfait ambidextre. Nous l’avons déjà vu plusieurs fois à l’entraînement et il est prêt pour la boxe professionnelle. Il va aider nos autres boxeurs à devenir meilleur. Nous ne pouvions pas frapper plus fort. »

« Ça fait un mois que nous travaillons ensemble, et c’est le boxeur avec le plus haut niveau que j’ai vu dans tous ceux que nous avons amenés ici », a renchéri le préparateur physique André Kulesza, qui a travaillé avec pratiquement tous les boxeurs montréalais.

Michel et ses partenaires ont beau déborder d’enthousiasme, mais pourquoi un boxeur russe d’origine tchétchène décide-t-il de s’associer à un joueur relativement mineur sur la scène internationale, alors que des offres beaucoup plus alléchantes fusaient de partout?

« C’est une décision que j’ai laissée entre les mains de Dieu », a indiqué Beterbiev par le truchement de sa gérante et interprète Anna Reva. « J’ai vraiment été touché par l’accueil de l’équipe et tous les bons mots qui ont été dits à mon sujet. »

La barrière de la langue sera évidemment un obstacle majeur pour Ramsay, qui s’assurera les services d’un interprète pendant les combats. Mais comme le langage de la boxe est universel, le travail en gymnase s’est déroulé plus que rondement jusqu’à maintenant.

« Je dis souvent à la blague que je pourrais vendre des billets pour que les gens assistent aux séances de sparring de mes gars et c’est particulièrement vrai ces temps-ci », a avoué Ramsay. « Il sera capable de défier les meilleurs au monde d’ici deux ans. »

Les plus cyniques ne manqueront cependant pas de souligner que Ramsay a ajouté un énième pugiliste à son groupe déjà pourtant bien garni. Kevin Bizier a récemment payé le prix de son horaire chargé en devant renoncer à un combat de championnat du monde contre Devon Alexander.

« Tous les entraîneurs rêvent de prendre un boxeur amateur et de l’amener en championnat du monde », a répondu Ramsay. « Dans ma tête, le livre était fermé, mais je ne pouvais pas dire non. »

Dans l’immédiat l’entraîneur espère seulement que Beterbiev sera en mesure de suivre les traces d’Eleider Alvarez et réussir à s’adapter à sa nouvelle vie. Il faut savoir que le Russe a laissé sa petite famille derrière lui pour réaliser son rêve.

« Les premiers mois sont critiques », a assuré Ramsay. « Aimera-t-il la ville ou non? Quelle sera la dynamique dans le gymnase? Comment se greffera-t-il à l’équipe? Je n’ai pas besoin de quelqu’un qui me fait un paquet de problèmes! »

« Tout va très bien jusqu’à maintenant, mais c’est pourquoi nous avions un peu attendu avant de faire cette annonce. »

Plus complet que Matthysse

Les amateurs n’auront pas à attendre bien longtemps avant de voir si les espoirs fondés en Beterbiev se concrétiseront. Michel a assuré que son nouveau protégé sera de toutes ses cartes d’ici les deux prochaines années.

Si tout se déroule comme prévu, Beterbiev pourrait ensuite être appelé à boxer aux États-Unis ou ailleurs comme l’a fait Antonin Décarie à deux reprises depuis le mois de septembre dernier. Sa capacité à se produire sur toutes les tribunes était d’ailleurs essentielle à son embauche.

« C’est un critère pour tous les boxeurs non québécois que nous mettons sous contrat », a expliqué Michel. « Ils se doivent d’être spectaculaires et populaires comme Sergey Kovalev. »

« Kovalev n’a pas encore battu personne, mais parce qu’il frappe avec beaucoup de puissance et qu’il possède déjà une bonne base de partisans, il commence à être en demande. C’est exactement dans cette direction-là que nous nous en allons avec Artur. »

Michel, Barré et Ramsay n’ont pas été en mesure de comparer Beterbiev à aucun boxeur professionnel s’illustrant actuellement sur la scène internationale. Ils ont acquiescé lorsque l’auteur de ces lignes leur a suggéré l’Argentin Lucas Martin Matthysse, s’empressant toutefois d’affirmer que Beterbiev est beaucoup plus habile pas et seulement axé sur l’attaque.