MONTRÉAL - Si vous assistez à un gala du UFC en sol canadien et que vous cherchez un moyen simple de reconnaître les combattants locaux, le test de l'oreille est généralement infaillible.

Si, lorsque le dit combattant émerge des coulisses et effectue sa marche vers l'arène, vous avez l'impression qu'on vous a immobilisé la tête sur la cymbale du batteur de Megadeth pour vous passer une mèche trois-quarts dans le tympan juste après avoir ouvert la porte de votre scaphandre alors que vous vous trouviez encore 50 mètres sous l'eau, impossible de vous tromper : un représentant de la Feuille d'Érable s'apprête à rencontrer son destin dans l'octogone.

Méthode douloureuse, mais efficace pour les indécis à la fibre patriotique sensible, le test de l'oreille n'est toutefois pas sans faille. Qu'arrive-t-il lorsque deux Canadiens s'affrontent, comme ce sera le cas au UFC 154 quand Sam Stout et John Makdessi se retrouveront face à face avec quinze minutes à tuer dans une cage?

« Je me le suis moi-même demandé récemment », avoue Stout qui, en raison du style de combat qu'il préconise, n'a jamais réellement eu à s'inquiéter pour sa cote de popularité.

En d'autres circonstances, la question ne se poserait même pas. Comment penser que Stout, un Ontarien né à London, puisse venir voler la vedette dans la cour arrière de Makdessi, un petit gars qui a décidé de venir s'installer à Laval pour s'entraîner avec Georges St-Pierre? Mais ici, ce n'est pas si simple.

Si Montréal était un pays, Stout pourrait probablement obtenir sa nationalité. Il a été l'une des grandes vedettes de la défunte mais populaire organisation TKO, remportant et défendant le titre des poids légers avec une fiche parfaite sous cette bannière au milieu des années 2000. Il a ensuite fait partie des trois premiers galas du UFC au Centre Bell. Son duel contre Makdessi, qui n'a pas la moitié de son expérience, sera le onzième de sa carrière dans la métropole.

« Je me sens vraiment à la maison ici, dans cette ville et dans cet amphithéâtre, raconte Stout sur un ton sincère. John est un gars de la place, mais je sais que des Canadiens d'un peu partout font habituellement le voyage quand le UFC se déplace à Montréal. Je sais aussi que plusieurs amateurs se souviennent de ce que j'ai fait à l'époque de TKO, alors les cris seront peut-être 50-50, qui sait? »

Ce que Stout sait, par contre, c'est qu'il vit très bien avec le fait d'avoir à éliminer un compatriote pour parvenir à ses fins, le genre d'expérience qu'il n'a pas vécu depuis son mémorable combat face à Martin Grandmont en 2007.

« John et moi, on ne s'est jamais entraîné ensemble. En fait, pour être honnête, on se connaît à peine. Dans ma tête, je suis ici en voyage d'affaires. Peu importe d'où il vient, je vais me battre avec la même intensité qu'à l'habitude, et quand tout sera fini, je lui serrerai la main et lui paierai un verre. C'est aussi simple que ça. »

Makdessi, un combattant relativement vert en arts martiaux mixtes mais qui possède un CV impressionnant au niveau amateur, doit apprendre à composer pour la première fois de sa vie avec une série de défaites. Après un départ parfait à ses deux premiers combats au UFC, il est retombé sur terre avec des contre-performances face à Dennis Hallman et Anthony Njokuani. Les détails du certificat de naissance de son prochain adversaire lui passent présentement six pieds par-dessus la tête.

« Je ne m'en préoccupe pas. Pour moi, c'est un adversaire comme un autre. Je me suis entraîné pendant tout l'été dans l'espoir d'obtenir un combat et voilà qu'on m'offre un gars très fort et expérimenté. J'ai bien des choses à prouver », réalise-t-il.

Stout a trouvé un tuteur

Stout fait partie d'une équipe qui a été durement touchée par la mort de Shawn Tompkins, un entraîneur respecté et un deuxième père pour une poignée de combattants qui ont grandi sous le toit du Adrenaline Training Center de London. Depuis le départ précipité de son mentor, il y a un peu plus d'un an, Stout était à la recherche d'un tuteur pour l'aider à se redresser. Il est convaincu de l'avoir trouvé en la personne de Mark DellaGrotte, un spécialiste en boxe thaïlandaise qui gère une académie dans les environs de Boston où il n'a fait que penser à Makdessi pendant deux semaines.

« La plus grande chose qu'il m'ait apporté, c'est la capacité de me faire confiance de nouveau et de faire confiance à un entraîneur comme j'avais confiance en Shawn, explique Stout. Pendant un certain temps, je me suis retrouvé dans une situation où je m'entraînais moi-même. Je n'avais personne pour superviser mon entraînement, m'aider avec mes plans de match. Moi, je suis un combattant, je ne peux pas faire tout ça sans aide. Ça fait du bien de retrouver une voix sur laquelle je peux me fier dans mon coin. »

La relation a pris racine lorsque « Hands of Stone » s'est incliné devant Kenny Florian à sa deuxième sortie au UFC et a été cultivée par le biais des nombreuses retrouvailles sur la route au cours des années. « Quand Shawn et moi avions de la difficulté à nous entendre et qu'il n'était plus capable de me sentir, il blaguait souvent en disant qu'il en avait assez et qu'il allait m'envoyer chez DellaGrotte. Alors je sais qu'il approuverait ma décision », raconte Stout en riant.

Bien qu'il soit moins généreux sur les détails, Makdessi affirme avoir lui aussi apporté plusieurs changements à ses méthodes, une admission, en quelque sorte, de ses erreurs passées.

« Pour la première fois, je peux en fait dire que je me suis entraîné de façon complète. Avant, je pratiquais toutes les disciplines, mais je ne m'appliquais pas à les incorporer dans un tout. C'est compliqué de trouver le bon régime d'entraînement en MMA. Pour moi, c'était le défi ultime. Maintenant, j'ai confiance que je serai en mesure de démontrer l'étendue de mon talent. »

Stout n'a pas assez de doigts sur une seule main pour comptabiliser le nombre de fois où il a été récompensé d'un bonus que le UFC a l'habitude de distribuer pour inciter ses employés à épater la galerie. De ses sept dernières apparitions, quatre ont été primées à titre de « combat de la soirée » et pour une autre, il a reçu un chèque supplémentaire pour son K.-O. dévastateur aux dépens d'Yves Edwards.

Choisissez donc le bon moment pour aller au petit coin pendant la sous-carte du UFC 154.

« Je m'attends à un excellent combat, prédit Stout. John aime mettre de la pression avec des coups de poings et des coups de pieds qui viennent de tous les angles. De mon côté, j'aime entretenir l'action. Je n'ai pas l'habitude de marcher en rond en attendant de gagner aux points et ne vous attendez à rien de différent cette fois. »

« Chaque combat pour moi est une question de vie ou de mort. Toute ma vie, j'ai été le négligé et ce n'est pas cette fois-ci que ça va changer, se motive Makdessi. Mais je veux prouver que non seulement je suis capable de gagner, mais aussi de dominer au UFC. Il veut venir me chercher? J'espère qu'il le fera. »