MONTRÉAL - C'est peut-être le plus gros cliché véhiculé dans le monde des sports de combat. Si vous gagnez votre vie à frapper sur la gueule d'une personne consentante, il y a autant de chances que vous l'ayez déjà utilisé au moins une fois que votre tête soit flanquée d'oreilles en chou-fleur.

Patrick Côté s'est battu 25 fois au niveau professionnel. Il a vécu son baptême du UFC contre Tito Ortiz, l'ancien champion des mi-lourds de la compagnie, son idole. Il a participé à un tournoi dans lequel chaque combat risquait d'être son dernier. Il a été le premier à pousser Anderson Silva jusqu'au troisième round dans l'octogone.

Ces jours-ci, ce n'est pourtant ni à l'une, ni à l'autre de ces occasions qu'il fait référence lorsqu'il laisse tomber LA phrase.

« Ça ne prend pas un bac pour comprendre que c'est le combat le plus important de ma carrière. Je n'ai pas droit à l'erreur », raisonnait le Prédateur il y a environ deux semaines, alors qu'il mettait la touche finale à sa préparation en vue de son affrontement contre Alessio Sakara, qui aura lieu samedi soir sur la carte préliminaire du UFC 154.

Si Côté se voit passer encore quelques années au UFC, sa logique est aussi sensée qu'elle est redondante. Le Québécois écoule présentement sa troisième vie avec l'organisation qu'il a intégrée en 2004 et il a déjà perdu le premier combat prévu dans son nouveau contrat. L'adversaire était coriace, le spectacle a été relevé, mais la conclusion l'a laissé avec une fiche de 4-8, dont quatre défaites de suite, dans les grandes ligues.

Côté a signé un pacte de quatre combats l'été dernier, mais il sait que le UFC se donne régulièrement le droit de déchirer ce genre d'ententes avant qu'elles n'arrivent à échéance. Le calcul ne nécessite donc pas de hautes études, mais le combattant de 32 ans dort comme un bébé à l'approche de l'examen.

« Ça ne me met pas plus de pression, assurait Côté, qui se battra au Centre Bell pour la troisième fois en deux ans. Contrairement au combat contre Cung Le, que j'avais accepté à la dernière minute, j'ai eu un camp d'entraînement complet cette fois-ci. Je n'ai pas triché, j'ai fait tout ce que j'avais à faire comme je voulais le faire. Je m'en vais là l'esprit en paix. »

S'il avait pu lui-même modeler le combattant idéal à affronter pour un duel sans lendemain, s'il avait pu le sélectionner parmi une banque de candidats aussi vaste que le fan club d'une ring girl, Côté aurait probablement jeté son dévolu sur un gars à l'image de Sakara. En douze décisions au UFC, l'Italien a été impliqué dans huit combats qui se sont terminés par un K.-O., avec seulement la moitié à son avantage. On peut le considérer expérimenté en raison de ses nombreuses apparitions dans l'octogone, mais le terme est nuancé par ses neuf combats qui n'ont pas franchi le premier round.

Ce qu'il faut retenir? Sakara aime donner des coups et n'a rien contre l'idée d'en recevoir. Et ça tombe bien, parce que c'est un petit jeu dont Côté connaît très bien les règles.

« C'est un boxeur vraiment technique qui lance de bonnes combinaisons. Si tu le laisses aller, il va te faire mal paraître, c'est sûr », décrit Côté dans ses propres mots. « Sous la pression par contre, il a un peu de misère. Il le sait et je le sais, son menton n'est pas sa meilleure arme. Il s'est fait ébranler et arrêter au premier round par de bons cogneurs. En fait, c'est ce qui est arrivé chaque fois qu'on lui a mis de la pression. »

« En plus, il est droitier, fait remarquer Côté. J'ai affronté six gauchers au UFC alors que mon style de boxe est plus efficace contre un droitier. Pour moi, c'est un combat vraiment parfait. »

Un partenaire fait sur mesure

Côté est lui-même reconnu pour avoir du plomb dans les poings, mais en réalité il y a un bail qu'il n'a pas bordé un adversaire vers un profond sommeil. Au UFC, sa dernière victoire par K.-O. remonte au tout début de l'année 2008, alors qu'il avait assommé Drew McFedries au premier round.

L'ancien aspirant au titre des poids moyens croit qu'il a suivi toutes les étapes pouvant le mener à une victoire expéditive en fin de semaine. L'une d'elles a nécessité un détour à New York, où il s'est exilé pour une douzaine de jours pour s'entraîner avec son vieil ami Matt Serra. Les deux hommes se sont connus à l'époque où ils participaient à la quatrième saison de l'émission de téléréalité The Ultimate Fighter.

Serra possède un gymnase qu'il opère avec l'entraîneur Ray Longo à Long Island. Un gym comme un autre, mais qui est fréquenté par un combattant que Côté, dans son rôle d'analyste pour la télédiffusion francophone des galas du UFC, avait à l'œil depuis un bout de temps. Et comme Costa Philippou devait lui aussi se mettre en forme pour le UFC 154, les deux ont rapidement appris à se connaître.

« C'est le meilleur partenaire d'entraînement que j'aurais pu trouver pour ce combat-là, clame Côté, fier de sa trouvaille. C'est un gros 185 livres, très fort. Il est aussi rapide que Sakara, mais beaucoup plus puissant. C'est vraiment pour lui que j'allais là-bas et j'ai pu faire des rounds d'entraînement avec lui à chaque jour. Ça a été très intense et vraiment bénéfique. »

« C'était une bonne idée de jumeler ces deux gars, a confirmé Serra. Costa est une vraie bête, fort comme un bœuf et sa boxe est très nette. Il était le gars parfait pour Patrick, qui lui avait l'air dans une forme splendide, très concentré. Ça a été une union très productive. »

C'est la première fois depuis l'automne 2010 que Côté fait ses valises pour une partie de son camp d'entraînement. Avant d'affronter Tom Lawlor, il s'était installé près de Boston pour travailler avec l'équipe Sityodtong menée par Mark DellaGrotte, un spécialiste de boxe thaï.

« Ça a fait du bien, j'avais besoin de changer d'air. Surtout que mon combat va être ici, à Montréal. J'ai cru bon m'éloigner un peu pour éviter les distractions. »

Côté a des défauts, mais il n'a jamais été mis K.-O. Les statistiques dressent rarement un portrait global et fidèle d'une situation, mais celle-là, si on considère le passé de l'adversaire qui l'attendra dans la cage samedi soir, devrait au moins suffire à l'établir comme favori. Sous le sifflement des bombes, il est toujours sage de donner l'avantage au soldat assis dans le blindé.

« Sakara est très talentueux et il possède l'esprit d'un vrai guerrier, mais le menton de Patrick risque de faire la différence dans ce combat », acquiesce Matt Serra.