L'éclosion de Mick Schumacher?
Avant de commencer, mettons-nous d'accord sur une chose. Oui, ce ne sont que deux courses, et bien sûr, deux courses sont loin de faire une carrière. Ceci étant dit, je ne suis certainement pas le seul à apprécier et à me réjouir des récents résultats de Mick Schumacher? Non? Parfait. Alors, ne boudons pas notre plaisir.
Surtout que ça faisait quand même un moment qu'on attendait cette éclosion du pilote Haas. L'an dernier, il avait fait ce qu'il pouvait avec une voiture qui était de loin la pire du plateau. Il avait dominé son coéquipier, Nikita Mazepin. C'est vrai que les résultats n'étaient pas étincelants, et surtout, que la référence de Mazepin ne fût pas la meilleure, mais tout ça, Schumacher n'y pouvait rien. Son mandat était de prendre de l'expérience et de battre Mazepin, ce qu'il a fait.
Par contre, on savait que la saison 2022 serait un défi bien plus grand pour l'Allemand. La voiture Haas est maintenant capable de se battre pour des points. Une bonne nouvelle pour Mick, certes, mais qui peut vite se transformer en cadeau empoisonné… car avec une bonne voiture, viennent de plus grandes attentes.
De plus, voilà qu'il se retrouve aux côtés d'un coéquipier bien plus expérimenté en Kevin Magnussen, une référence qui allait en révéler beaucoup plus sur ses performances qu'aux côtés de Mazepin.
Justement, cette comparaison a fait mal à Schumacher en début de saison. Pendant que son coéquipier inscrivait des points lors de trois des quatre premières courses de la saison, il n'arrivait pas à mettre son compteur en marche. Surtout, de violentes sorties de piste en Arabie Saoudite et à Monaco ont irrité le patron Guenther Steiner, conscient du budget limité de l'écurie américaine. Ajoutez à cela un contact dans les derniers tours avec Sebastian Vettel à Miami, alors qu'il était en position d'inscrire ses premiers points... lentement mais surement, la pression commençait à monter sur le pilote de 23 ans.
En fait, c'est un peu à Montréal que la saison de Schumacher a commencé à prendre une autre direction. Sous la pluie, il a obtenu le meilleur résultat de sa jeune carrière avec une sixième place en qualification. Malheureusement pour lui, un ennui mécanique l'a forcé à l'abandon au 19e tour, le privant peut-être de ses premiers points en Formule 1.
Ce n'était que partie remise. Deux semaines plus tard, c'est devant sa mère Corinna et sa sœur Gina que Schumacher a inscrit ses fameux premiers points. Parti de la 19e place, il a profité de l'accident au départ pour gagner quelques places, mais son rythme en piste lui a permis de remonter jusqu'à la huitième position, terminant notamment devant son coéquipier.
Puis, en Autriche, le fils de Michael avait l'air en confiance tout au long de la fin de semaine avec une septième place en qualifications, une neuvième lors de la course sprint, et une sixième lors de la course.
Mais il n'y a pas que les résultats. Il y a aussi la façon. Et c'est ce qui est intéressant dans les dernières courses de Schumacher. Il l'a fait en se battant avec quelques-uns des meilleurs pilotes de plateau. À Silverstone, sa bataille avec Max Verstappen dans les derniers tours était impressionnante. Évidemment, Verstappen devait composer avec une voiture abîmée. Mais il reste que Schumi s'est battu avec confiance et acharnement. Il a surtout trouvé le point d'équilibre entre l'agressivité nécessaire pour se battre avec Verstappen, forçant le pilote Red Bull à tester les limites du circuit (et du livre des règlements), et l'intelligence de ne pas en faire trop et de gaspiller des points qu'il avait grandement besoin.
En Autriche aussi, il a dû s'imposer en piste dans des luttes serrées, notamment avec Lewis Hamilton, mais aussi face à son coéquipier. Quand on parvient à lutter pour des positions en piste, à pousser au maximum sans en faire trop, c'est un signe qu'on se sent de plus en plus confortable et en confiance dans la voiture. C'est aussi un signe qu'on prend de la maturité dans son pilotage. Au-delà des résultats, c'est ce que je trouve le plus encourageant. C'est ce qui me porte à croire qu'on assiste peut-être bien à l'éclosion de Mick Schumacher en Formule 1.
Son apprentissage est loin d'être terminé et des erreurs, il en fera encore. Mais s'il peut continuer sur cette lancée et commencer à inscrire des points sur une base plus régulière, il pourra prouver qu'il a bien sa place en Formule 1.
Lorsqu'on regarde son cheminement dans les catégories inférieures, on remarque aussi ce genre de progression. En F3, il avait terminé sa première saison en 12e position au classement des pilotes, avant de remporter le titre la saison suivante. En F2, c'est exactement le même scénario, soit 12e la première année et champion ensuite.
Il sera donc intéressant de voir s'il peut continuer de reproduire cette tendance. Surtout que les résultats de Schumacher et de Magnussen lors des deux dernières courses ont permis à Haas de progresser au classement, passant du neuvième au septième rang. Dans une entrevue pour le F1.com, Steiner admet même que le sixième rang est possible pour l'écurie américaine si les bons résultats se poursuivent. Aucun doute, on regarde en avant chez Haas, et les résultats de Schumacher devront suivre les ambitions de l'écurie.
Et au travers ces bons résultats, on apprend aussi de plus en plus à découvrir l'homme derrière le pilote. On connaissait bien sûr le nom de famille, son père ayant marqué toute une génération de partisans de Formule 1. Maintenant, on en apprend davantage sur Mick, un jeune homme fort sympathique, souriant, disponible avec les médias (même dans un Français impeccable!), mais aussi humble et reconnaissant malgré un nom de famille associé à jamais au sport automobile.
Sa relation avec Sebastian Vettel, qui l'a pris sous son aile comme Michael l'avait fait avec lui auparavant, offre aussi beaucoup de beaux moments qu'on partage allègrement sur les réseaux sociaux. C'est une histoire qui fait chaud au cœur, entre un vétéran qui souhaite redonner un peu de ce qu'il a reçu à un jeune pilote qui tente de faire sa propre place, mais qui doit aussi composer avec la situation difficile de son père. Dans un sport aussi compétitif, c'est le genre de relation qu'on voit trop peu.
Et c'est peut-être aussi pourquoi les amateurs de Formule 1 ont autant apprécié sa performance en Autriche, le nommant pilote du jour pour la première fois.
Alors oui, c'est vrai, ce ne sont que deux courses dans les points. Mais c'est surtout une récompense bien méritée pour un pilote qui continue de rester lui-même et de persévérer malgré des épreuves difficiles sur son chemin.