Un terrain de jeu unique
Formule 1 jeudi, 6 juin 2013. 09:06 mardi, 10 déc. 2024. 03:40Le plus exigeant, le plus court, le plus… spectaculaire?
La F1 à Montréal, c’est particulier.
On décrit parfois le circuit Gilles-Villeneuve comme un ensemble de six lignes droites entrecoupées de chicanes et d’un virage en épingle.
Ennuyant? Non!
« C’est quelque chose que j’aime plutôt bien, ce style stop and go du circuit. » - Kimi Räikkönen.
Simple? Non!
Les pilotes l’affirment : c’est une piste facile à apprendre, mais difficile à apprivoiser.
Ils doivent piloter « en force », c’est-à-dire monter sur les vibreurs pour raccourcir au maximum la trajectoire de course.
Les pilotes aiment aussi le défi de raser les murs. En parlant de l’enchaînement des virages 3-4 (le droit-gauche qui suit les Esses de Senna), Robert Kubica disait : « si on est à quelques millimètres du mur en sortie au lieu de 50 cm, on abaisse le temps au tour de 0,4 seconde ».
Ça roule
Le temps au tour est le plus court du championnat, à environ 75 secondes. Ce qui fait que les spectateurs sur place voient passer les voitures beaucoup plus souvent qu’ailleurs. Bien!
Les ingénieurs le décrivent comme « low grip, high speed ». Peu d’adhérence, haute vitesse (des pointes à 320 km/h et plus) : une recette pour beaucoup d’action.
Ça freine
Le circuit Gilles-Villeneuve est le plus exigeant de la saison sur le plan du freinage, tant sur le plan technique que du pilotage.
Les monoplaces doivent effectuer six gros freinages à partir de 300 km/h ou plus et deux autres à partir de 250 km/h ou plus.
On utilise les plus grosses plaquettes permises par le règlement. Il faut aussi adopter les bonnes écopes de freins (en fait des prises d’air situées entre les roues et la carrosserie) pour assurer le refroidissement des freins.
Le choix doit être judicieux : si le refroidissement est insuffisant, les freins surchauffent et perdent de leur efficacité. À l’opposé, trop d’air et les freins ne montent pas assez en température pour offrir un rendement maximum. Des chiffres? 500-650 °C minimum pour bien fonctionner, 1000 °C en pleine utilisation.
Les écopes de freins trop volumineuses sont aussi mal vues de la part des aérodynamiciens, car elles nuisent au bon écoulement de l’air autour de la voiture.
Et attention aussi à bien suivre le règlement : les Williams et les Toyota ont été disqualifiées à la suite du Grand Prix du Canada 2004 pour non-respect du règlement sur les écopes de freins (en fait elles étaient trop éloignées des roues).
Pour les pilotes, la difficulté en phase de freinage provient du fait que les voitures roulent avec peu d’appuis aérodynamiques pour aller vite en ligne droite. Ce délestage fait que la voiture manque de stabilité au freinage.
Une mauvaise réputation
La piste montréalaise est aussi exigeante pour le moteur : 59 % du tour (en temps) à pleine charge, et ce à 18 000 tr/mn. Avec un long moment de 13,5 s à fond le long de la ligne droite du Casino, d’une longueur de 1180 m. D’où la réputation de circuit casse-moteur.
Pas surprenant que la consommation d’essence soit près de 2 kg au tour, pour un total de 142 kg pour la course. Et dire que l’an prochain il faudra se débrouiller avec 100 kg : beau défi technologique pour les motoristes!
Ce n’est pas tout. Les ingénieurs motoristes ont un autre type de travail à faire. En sortie de virage, les cartographies de pédale d’accélérateur doivent délivrer le niveau exact de puissance au moment nécessaire. Trop de « poussée » enverra la voiture dans le mur, et pas assez compromettra l’accélération dans la ligne droite qui suit.
Dépassements possibles
À Montréal, contrairement à la majorité des circuits, les dépassements ont toujours été possibles. Même sans le système de réduction de traînée (aileron arrière entrouvert) – le DRS.
Les endroits privilégiés sont le virage en épingle et les Esses du Mur du Québec / Mur des champions.*
Cette « appellation contrôlée » a vraiment fait le tour du monde. La preuve? Le Finlandais Vallteri Bottas, pilote recrue de l’écurie Williams : « j’ai hâte de rouler dans le dernier virage, le Mur des champions, un endroit emblématique du circuit ».
Prédiction impossible
Qui pourrait gagner à Montréal? Impossible à prédire!
Red Bull mène les championnats pilotes et constructeurs, mais n’a jamais gagné à Montréal, une piste où les grandes qualités aérodynamiques de ses voitures comptent moins.
Mais c’est venu bien près en 2011. Sebastian Vettel se souvient sûrement de sa 2e place : il menait jusqu’à une glissade de sa voiture dans le dernier tour, qui avait permis à Jenson Button (McLaren) de passer en tête et remporter la course. Eh oui, Button, 21e et dernier à la mi-course, n’a mené qu’un seul tour… mais le bon.
D’ailleurs McLaren a gagné lors des trois dernières courses à Montréal, grâce aux victoires de Lewis Hamilton en 2010 et 2012 (et aussi en 2007, sa toute première). À noter que lorsque Hamilton termine le GP du Canada, il gagne! Sinon il se passe des choses hors de l’ordinaire, comme entrer en collision avec son coéquipier (2011) ou harponner la Ferrari de Kimi Räikkönen (2008) qui attend sous le feu rouge de sortir des puits.
Les Mercedes de Hamilton et Nico Rosberg pourront-elles préserver leurs pneus sur 70 tours?
Ferrari espère profiter des qualités de sa F138 en matière de freinage. Mais cette voiture n’a pas impressionné sur le plan de la motricité en sortie de virage lent à Monaco.
Est-ce que Lotus pourrait refaire le coup de Melbourne en début de saison (victoire de Kimi Räikkönen)? L’an passé à Montréal, Grosjean était parti 7e pour terminer 2e, et ce, sans voiture de sécurité.
Inévitable, la voiture de sécurité à Montréal? Elle a été utilisée lors de 10 des 15 derniers GP (moyenne de 66 %) pour un impressionnant total de 22 occasions.
Donc presque inévitable, sauf qu’on ne l’a pas vue en 2010 et 2012. Faut dire que l’on n’a pas vu de pluie non plus lors de ces années-là.
* En 1999, trois champions du monde ont terminé leur course à cet endroit : Michael Schumacher (1994-1995 et 2000-2004), Damon Hill (1996) et Jacques Villeneuve (1997).