Passer au contenu principal

RÉSULTATS

Des nouveautés en cyclisme féminin soulèvent des questions

Adèle Normand Adèle Normand - rds.ca
Publié
Mise à jour

Nouveauté en 2025 : l'UCI (Union cycliste internationale) a mis sur pied un niveau féminin intermédiaire appelé ProTeam en cyclisme sur route pour uniformiser les structures masculine et féminine. Les efforts visant à atteindre l'équité des genres se multiplient depuis quelques années, mais le rythme auquel les choses évoluent ne convient pas à tout le monde.

Des mesures que certaines personnes qualifient d'excellente nouvelle, comme une rémunération d'au moins le salaire minimum en France et en Espagne selon les lois en vigueur, peuvent devenir un couteau à double tranchant, selon la cycliste québécoise Laury Milette.

« En Espagne, plusieurs équipes continentales ont dû arrêter leurs activités parce qu'elles n'avaient pas les moyens de se plier à cette loi. Ce sont des dizaines et des dizaines de filles qui ont perdu leur emploi à cause de ça. C'est très bien qu'on soit bien rémunérées, ça nous permet de vivre de notre sport, mais ça complique bien des choses pour bien des équipes. »

Les mêmes craintes accompagnent l'arrivée du ProTeam, situé entre les formations continentales et World Tour.

Trop tôt?

Laury Milette émet certaines réserves quant à la nouvelle structure instaurée par l'UCI. Elle salue l'effort de veiller au développement du sport féminin, tout en se questionnant quant à la viabilité d'une telle structure.

« C'est un pas en avant, on se rapproche de ce que les hommes ont depuis plusieurs années. Plusieurs équipes ont démontré de l'intérêt pour faire partie de ce niveau, mais le contrecoup est que le niveau continental va en souffrir énormément. Il aurait peut-être fallu se concentrer pour fermer l'écart entre les conditions des équipes World Tour et celles de niveau continental. Peut-être que je me trompe et qu'on va bien s'en sortir, mais ça reste à voir », s'est-elle questionnée.

Elle n'est pas la seule à y réfléchir. Gérard Penarroya, qui œuvre dans le monde du cyclisme féminin depuis 2007, partage son avis.

« C'est trop tôt ! L'UCI semble vouloir mettre des bâtons dans les roues des petites équipes », ajoute celui qui a créé sa propre équipe, Specialized-Meniki, en 2007. Il a bien de la difficulté à s'expliquer cette décision de la fédération internationale.

« Ça monte trop vite, ce n'est pas normal. Ça fait des années que tout le monde refuse cette structure, ce n'est pas viable pour personne ! Ça coûte cher aux organisateurs de course parce que ce sont eux qui doivent payer pour inviter les équipes à leurs événements. Les équipes de ce niveau devront également payer une caution bancaire à l'UCI de 140 000 euros, un montant bloqué pour des salaires jusqu'à la fin de la saison. Ça devient intenable pour plusieurs équipes, c'est loin de la réalité des formations de ce calibre », a poursuivi Penarroya.

Les bénéfices

Ceci étant dit, le circuit ProTeam n'a pas que des détracteurs et plusieurs y voient un atout pour le cyclisme féminin.

Adèle Normand, qui a paraphé une entente avec la formation St Michel – Preference Home – Auber93 au cours de l'entre-saison, comprend les réserves que suscite l'instauration de cette nouvelle structure. Elle se retrouve dans une situation totalement différente de celle de Laury Milette alors que son équipe a été sélectionnée dans la nouvelle structure ProTeam pour la prochaine campagne.

Elle y entrevoit énormément d'aspects positifs en ce qui concerne le futur de son sport, et ce, grâce à cette addition.

« Dans les années à venir, cette structure aura énormément de sens pour amener une parité au sein des pelotons lors des courses de plus haut niveau, a précisé Normand. Par exemple, à la Vuelta, on retrouvait souvent des équipes continentales beaucoup moins expérimentées qui n'avaient peut-être pas leur place dans ce genre de grande course. Je suis consciente que c'est gros et difficile présentement, mais c'est un changement qui était nécessaire pour restructurer le sport pour les prochaines saisons. »

« Il y a des règlements aussi que les équipes devront respecter à cause de cette nouvelle structure qui seront évidemment bénéfiques pour les athlètes. J'ai passé tellement de tests médicaux à mon arrivée en Europe dans les dernières semaines, je n'en revenais pas. Je n'avais jamais vécu ça avant, mais c'est une petite preuve qu'on est entre bonnes mains. Les conditions seront avantageuses pour nous », a-t-elle conclu.

De son côté, Kathy Dufour, directrice sportive de Primeau Vélo – Groupe Abadie jusqu'en 2024 comprends très bien les intentions de l'UCI, mais se questionne tout de même sur le moment de la mise en place d'une pareille structure.

« Le but de l'UCI est de contrer les inégalités salariales. Avec le ProTeam, on assure un certain salaire aux athlètes. Évidemment, ça va faire mal à celles qui sont sur la ligne entre le ProTeam et le niveau continental, ce sont elles qui vont payer le prix. L'autre problème, c'est qu'on demande aux femmes de faire en 5 ans, ce que les hommes ont pris 100 ans à réaliser. Mais à long terme, j'ai espoir que ce sera bénéfique », a-t-elle indiqué.

Il est encore trop tôt pour connaître l'impact à long terme de cette nouveauté dans le monde du cyclisme féminin. Force est de constater que les choses bougent. L'avenir nous dira rapidement si ces avancées en sont réellement.