Pendant deux mois, le RDS.ca s'est infiltré dans les coulisses du football juvénile québécois en accompagnant les Dynamiques du Collège Charles-Lemoyne durant leur première saison en Division 1.

 

 Par Mikaël Filion

 

SAINTE-CATHERINE, Québec – Juché sur l’unique bench press du vestiaire, Michel-Pierre Pontbriand scrute le visage de ses joueurs en silence. Il n’attend que leur regard pour amorcer son discours. Ce sera court.

 

« Hey! Tout a été dit man… », finit-il par lancer à la quarantaine d’adolescents pendus à ses lèvres.

 

Au fil des derniers jours, l’entraîneur-chef des Dynamiques du Collège Charles-Lemoyne, une école secondaire privée située à Sainte-Catherine sur la Rive-Sud de Montréal, leur a en effet tout dit. Il les a encouragés, il les a ramenés à l’ordre, il les a crinqués. Il leur a surtout rappelé tout le chemin parcouru.

 

Le banquet du 18 janvier, au cours duquel il leur a annoncé leur promotion intimidante en Division 1 du football juvénile scolaire, le plus haut calibre avant les rangs collégiaux. Les pratiques du vendredi soir dans la neige, le camp d’entraînement printanier, l’arrivée de nouvelles recrues, le camp d’été en pleine canicule, les two-a-days, les bains de glace, le Big 3, le premier match, la première défaite, les hauts, les bas…

 

Tout cela pour en arriver à ce moment, celui dont plusieurs d’entre eux n’osaient même rêver il y a à peine deux mois. Un match éliminatoire. À domicile.

 

« T’as pas de pression, insistait Pontbriand à la veille de l’affrontement du 3 novembre face aux Aigles du Collège Jean-Eudes. T’es l’underdog en passant. Par un mile! T’as rien, rien, rien à perdre. Rien à perdre! Tu n’étais même pas supposé être là. ON n’était pas supposés être là. Ben tab*****, on est là! »

 

Les Dynamiques, ces p’tits nouveaux qui devaient selon plusieurs encaisser volée après volée à leur première année en Division 1, rentrent en éliminatoires par la grande porte.

 

« T’as eu une saison extraordinaire, soulignait Pontbriand, à quelques jours du duel. Je te le dis, ce que t’as fait, ça tient du miracle. »

Le quart-arrière des Dynamiques, Vincent Laplante, à sa sortie du vestiaire.

Le quart-arrière des Dynamiques, Vincent Laplante, à sa sortie du vestiaire. (Crédit : Éric Bolté)

Les joueurs des Dynamiques font leur entrée sur leur terrain.

Les joueurs des Dynamiques font leur entrée sur leur terrain. (Crédit : Éric Bolté)

CHAPITRE 1 : LES « COBAYES »

Coach Pont les envie. Si seulement il avait 20 ans de moins et qu'il pouvait se joindre à eux.

 

Dans un peu plus d’une heure, ses joueurs disputeront leur premier match de la saison face à l’Arsenal de l’Académie Saint-Louis.

 

« Ils sont chanceux que je n’aie pas de casque », murmure-t-il à son collègue Pascal Fils en refermant la porte de la salle de classe du Collège Charles-Lemoyne qu’il vient d’utiliser pour motiver ses troupes.

 

« Si y’en a un qui se blesse, j’embarque! », renchérit à la blague Fils, l’entraîneur des porteurs de ballon des Dynamiques.

 

Pontbriand pourrait encore jouer. Il en est persuadé. Trois ans après avoir rangé ses épaulettes pour de bon, l’homme de 6 pi 2 po et 240 lb n’a rien perdu des attributs physiques qui lui ont permis d’évoluer pendant cinq ans dans la Ligue canadienne de football (LCF) avec les Blue Bombers de Winnipeg. Et il n’a surtout rien perdu de son désir de vaincre viscéral. Perdre n’est jamais une option.

 

Jamais.

 

Avec le Rouge et Or de l’Université Laval, l’ancien centre-arrière a remporté presque autant de coupes Vanier (3) qu’il a encaissé de défaites (4) en quatre ans. À sa première saison dans la LCF en 2011, il a atteint la finale de la Coupe Grey, avant de connaître quatre campagnes perdantes qui le laissent encore amer. Les standards d’excellence, il ne connaît que ça.

 

Michel-Pierre Pontbriand

Michel-Pierre Pontbriand a joué cinq saisons avec les Blue Bombers de Winnipeg. (Crédit Getty)

Depuis son retour au Collège Charles-Lemoyne il y a deux ans, c’est ce qu’il s’efforce d’instaurer au sein du programme de football qui l’a initié au sport il y a deux décennies. Fini le football récréatif. Pontbriand vise l’élite.

C’est pourquoi après une année couronnée de succès en Division 1B en 2017, il a sauté sur la première occasion de propulser son équipe juvénile – qui regroupe des étudiants de secondaire 4 et 5 – en Division 1.

« Sommes-nous prêts? Nous n’avons jamais vécu ça... », se sont instantanément inquiétés joueurs, parents et membres de la direction, craintifs à l’idée de se frotter aux puissances établies du circuit provincial.

« Si vous me faites confiance, on va être capable de rivaliser, leur a alors juré Pontbriand. On ne se fera pas déclasser, je vous le garantis. »

« Le target, c’est le premier championnat, ambitionnait-il en début de saison. Quand on sera rendu, le prochain target ce sera quoi? Ce sera le deuxième championnat. Après? Le troisième... On bâtit. »

L’heure est venue de tenir promesse.

Les joueurs des Dynamiques ont beau être gagnés à la cause de leur entraîneur-chef, leur nervosité est évidente. En première demie seulement, ils sont victimes de deux échappés et d’une interception, mais ils retraitent néanmoins au vestiaire pour la mi-temps avec une avance de 9-7 sur l’Arsenal.

« Cligne pas des yeux trop longtemps mon homme. [...] Présentement, tu es en train d’envoyer un message. [...] Make it happen! Ce soir, c’est l’histoire pour toi », signale Pontbriand avant de renvoyer ses troupes sur le terrain.

Dès leur première série offensive du troisième quart, les Dynamiques inscrivent le premier de trois touchés qui leur permettront de signer un gain de 29-7.

« On était comme des cobayes, mais ç’a bien tourné », résume le quart-arrière Vincent Laplante avant d’aller retrouver ses coéquipiers, regroupés et agenouillés aux abords des lignes de côté en attente de leur entraîneur.

C’est leur rituel. C’est le signal qu’attendait Pontbriand pour sprinter en leur direction, sauter dans leurs bras et crier de satisfaction.

« GREAT FUCKING WIN! »

CHAPITRE 2 : « LE NATUREL »

Calé dans son siège, casque d’écoute vissé sur les oreilles, Vincent Laplante révise la feuille de jeux que vient de lui remettre Benoît Groulx, le coordonnateur offensif des Dynamiques.

 

Il a trois heures, la durée approximative du trajet en autobus qui mène l’équipe à Québec, pour mémoriser les stratégies qu’il sera appelé à déployer face aux Patriotes de la Polyvalente Roger-Comtois.

 

« As-tu des questions? », s’informe Groulx au moment où Laplante lui redonne le plan, à peine quelques minutes plus tard.

 

« Non », répond-il, sûr de lui.

 

Le quart-arrière de 16 ans est un jeune homme brillant. Tout en pratiquant trois sports à des niveaux élites – football, basketball et golf –, parfois même en simultané, Laplante a maintenu une moyenne académique de 91% l’an dernier en secondaire 4. Un rendement qui lui a valu le prix de Dynamique de l’année pour ses succès scolaires et sportifs.

 

« Des fois, il y a des gars qui me disent que je les fais chier parce que peu importe le sport que je fais, je vais avoir une habileté naturelle », confie celui qui tout jeune, alors qu’il jouait encore au hockey, était justement surnommé « Le Naturel » par ses coéquipiers.

 

« Il a tout facile », jalouse son receveur Anthony Filip Rodriguez. « Si seulement je pouvais être comme lui. Qui ne le voudrait pas? [Il est] bon dans les sports, bon à l’école, bon dans le côté social… »

 

Laplante a intérêt à être bon cette saison. Il est le seul quart-arrière régulier à la disposition des Dynamiques. Sans réel réserviste pour le mettre sous pression, l’athlète de 6 pi 3 po et 161 lb s’en remet à Groulx pour le garder sur le qui-vive.

 

« Je n’ai jamais été challengé comme ça de ma vie », avoue Laplante.

 

Groulx s’y connaît en effet en la matière. L’ancien quart-arrière du Rouge et Or a mené l’équipe à deux conquêtes de la coupe Vanier en 2006 et 2008, en plus d’être nommé joueur universitaire par excellence au pays en 2008, avant de recycler ses connaissances dans le coaching, notamment au niveau universitaire.

 

« J’ai la chance d’avoir un quart-arrière qui est extrêmement intelligent, observe Groulx. C’est sûr que ça me permet de pousser un p’tit peu plus la note. »

 

Et jusqu’à maintenant, son poulain lui donne raison. Après des débuts modestes face à l’Arsenal, Laplante démontre dès le deuxième match de la saison qu’il est capable de mettre les savants plans de son maître à exécution.

 

Dans une victoire de 35-14, Laplante complète 23 de ses 27 passes pour des avancées de 324 verges, trois touchés et aucune interception. Une performance que ne manque pas de souligner Groulx sur le chemin du retour à bord de l’autobus.

 

« Ton QB a eu tout un match. Il était calme et il a lancé avec assurance », souligne-t-il à Pontbriand, alors que tout le personnel d’entraîneurs est réuni à l’arrière du véhicule et célèbre sa réussite.

 

Désigné DJ par ses collègues, Groulx épluche la liste de lecture de son iPhone à la recherche de vieux succès rap à faire résonner dans le haut-parleur Bluetooth que Coach Pont a toujours à portée de mains.

 

Groulx chante chacun des beats qu’il sélectionne. De Snoop Dogg à Notorious B.I.G, en passant par Wu Tang et Cypress Hill.

 

« Je les connais toutes par cœur », affirme-t-il en reprenant place sur son siège après s’être levé pour en réciter un avec deux membres de son unité offensive, le receveur Kenzy Paul et le porteur de ballon Angel Vital.

 

Fiers, les entraîneurs des Dynamiques profitent du moment. Deux victoires en autant de matchs pour amorcer la saison, c’est pour le moins inattendu et c’est de bon augure à l’aube du prochain duel, face aux puissants Condors de l’Externat Saint-Jean-Eudes.

 

« C’est un bon timing pour les pogner, estime Groulx en discussion avec la thérapeute de l’équipe, Vanessa Faro. On vient de signer deux victoires, et pas par seulement 7 points. Les joueurs sont en confiance, mais c’est autre chose qui nous attend. »

Vincent Laplante

Le quart-arrière des Dynamiques du Collège Charles-Lemoyne, Vincent Laplante. (Crédit : Éric Bolté)

CHAPITRE 3 : LE « REALITY CHECK »

Coach Pont en a fait imprimer assez pour tapisser les murs et les casiers du vestiaire.

 

« Mettez ça un peu partout dans chambre. J’veux que ça leur rentre dans tête. »

 

Sur les feuilles que vient de remettre Pontbriand à deux de ses entraîneurs se trouve une photo de soldats escaladant un mur à la courte échelle et les commandements qui servent de cri de ralliement à l’équipe :

 

No fear play physically

 

Remember your job

 

Have fun

 

WIN

 

Pour vaincre les Condors de l’Externat Saint-Jean-Eudes ce soir, les Dynamiques devront respecter chacune de ces directives à la lettre. Elle aussi invaincue, l’équipe de Québec a inscrit 80 points à ses deux premiers matchs et occupe le 9e rang du top-50 canadien selon le site spécialisé Canada Football Chat, qui a fait de cet affrontement son « match de la semaine » au pays.

 

« À chaque répétition, je veux que tu leur envoies un message. Le message qu’ils ne sont pas les bienvenus », martèle Pontbriand à ses joueurs dans son discours d’avant-match.

 

« À chaque répétition, t’imposes ton attitude, ton tempo. T’imposes tous les sacrifices que t’as faits depuis le 13 août. À chaque répétition, t’embarques sur ce terrain-là, tu défends tes couleurs, tu défends ton logo. Ils ne sont pas les bienvenus, c’est chez nous icitte! C’est tu clair ça? »

 

Les Condors ne sont peut-être pas les bienvenus, mais ils ne tardent pas à se mettre à leur aise. Dès leur première série offensive, ils inscrivent un touché sur une passe et course en plein centre du terrain. Puis, dès la possession suivante des Dynamiques, les Condors réussissent une interception qui met la table à un autre majeur avant la conclusion du premier quart.

 

« Il faut qu’on augmente le pace, implore Pontbriand sur les lignes de côté. On n’est pas le club qu’on était les deux dernières semaines. »

  

Face à une équipe réglée au quart de tour, les Dynamiques n’y arrivent pas. Au deuxième quart, ils sont victimes d’un botté de dégagement bloqué qui permet aux Condors de marquer le premier de deux autres touchés avant la fin de la première demie.

 

« Là, c’est important pour moi de voir l’attitude que t’as en dedans de toi, que tu te battes jusqu’à la fin, réclame Pontbriand à la mi-temps. Parce que moi, je suis persuadé que 28-28 c’est très réalisable en deux quarts de 12 minutes.

 

« C’est à toi d’y croire. […] Tu mets un touché, un big stop. Un touché, un big stop. Un autre touché, un big stop. Un autre touché, un big stop et c’est 28-28. […] Mais en partant, faut que tu te le mettes dans la tête pis dans le cœur. »

 

C’est peine perdue. Les dommages sont irréparables. Les Dynamiques encaissent un cinglant revers de 35-0. Un vrai « reality check », résume Pontbriand au moment d’analyser la défaite avec ses joueurs avant de les libérer pour la fin de semaine.

 

« À cet âge-là, c’est tellement facile d’être trop confiant et d’être au-dessus de ses affaires », décante ensuite Pontbriand dans son bureau lorsque le capitaine de l’équipe, Tristan Marois, cogne à la porte.

 

« Je voulais juste te parler de la game… »

 

« Prends une chaise. Assis-toi », accepte l’entraîneur-chef, avant d’engager une discussion d’une quinzaine de minutes avec l’ailier défensif partant. Ils échangent d’abord sur les nombreux jeux ratés avant de tomber dans le vif du sujet.

 

« Je pense que c’est une bonne défaite, honnêtement », espère Marois.

 

« Elle arrive pile-poil, approuve Pontbriand. Je vous sentais beaucoup trop dans une zone de confort cette semaine à l’entraînement. […] Il y a un temps pour travailler fort, un autre pour être sur le party et un autre pour manger, dormir et étudier. Ça fait partie de l’apprentissage et c’est correct. Mais ça fait mal apprendre de même, surtout quand on met autant d’efforts. »

Souleymane Camara

Le porteur de ballon des Dynamiques, Souleymane Camara. (Crédit : Éric Bolté)

Un receveur des Condors de l'Externat Saint-Jean-Eudes captant une passe.

Un receveur des Condors captant une passe. (Crédit : Éric Bolté)

CHAPITRE 4 : DANS LE NOIR

Ils étaient 17 contre 50. Coach Pont s’en rappelle encore.

 

À la veille du match que ses Dynamiques disputeront aux Cactus du Collège Notre-Dame, Pontbriand ne peut s’empêcher de penser à la dernière victoire de son école contre cette institution dans le football québécois. C’était en éliminatoires en 1999 et il n’était alors qu’un adolescent.

 

« On était 17 et ils étaient 50. Là-bas, chez eux, dans leur maison. On sortait du tunnel, comme dans les films », raconte-t-il à ses joueurs à la veille de l’affrontement.

 

« On avait amené une planche; un 2 par 4, des clous et un marteau. À chaque gros jeu qu’on réussissait, on plantait un clou dans la planche pour écrire le mot "WIN". Finalement, on a gagné la game pour se rendre en finale. »

 

« Ce que tu peux faire, c’est marquer l’histoire encore, conclut Pontbriand. S’il faut que je t’amène des clous et un marteau, ça va me faire plaisir, mais je ne pense pas que t’as besoin de ça. T’es rendu à un autre niveau. »

 

Peut-être pas encore…

 

Au terme d’une première demie marquée par deux pannes de courant qui ont plongé les deux équipes dans le noir, les Dynamiques multiplient les erreurs de couverture et tirent de l’arrière 14-9.

 

Deux touchés successifs permettent cependant aux Dynamiques de se doter d’une avance de 23-14 avec à peine 10 minutes à jouer au quatrième quart. La victoire ne devrait être qu'une formalité. En principe.

 

« C’est inacceptable… C’est inacceptable… », fulmine Pontbriand, quelques minutes après avoir vu les siens allouer deux touchés, dont un dans la dernière minute du match finalement perdu 26-23.

 

« C’est juste une question de passion. C’est une question d’être dédié. […] T’es capable de gagner dans cette ligue-là. T’es bon, mais tu te tires dans le pied sans arrêt », se désole l’entraîneur-chef, qui voit l’occasion de consolider le troisième rang du classement général lui glisser entre les doigts.

 

« Tu es 2-2. C’est tu un big deal? Non. C’est la manière qu’on perd. Va falloir que tu sois plus fier que ça. »

 

Les joueurs des Dynamiques se réunissent avant le début d'un match.

Les Dynamiques se réunissent avant le début d'un match. (Crédit : Éric Bolté)

CHAPITRE 5 : LE RETOUR

Souleymane Camara veut des explications. Le timide porteur de ballon des Dynamiques n'a pas l'habitude de rouspéter, mais il veut savoir.

 

Pourquoi n’est-il pas de la formation offensive partante que Benoît Groulx vient de dévoiler à la veille du dernier match à domicile de la saison, face aux Loups de l’École secondaire Curé-Antoine-Labelle? Après une semaine de repos, sa cheville est pourtant suffisamment guérie pour qu’il effectue un retour au jeu.

 

« Est-ce que tu es toujours notre gars? Oui, à 100%, lui assure Groulx. Mais j’ai besoin que tu sois à 100% en playoffs. »

 

Avec une fiche de 3-3 et encore deux rencontres à jouer, les Dynamiques sont déjà assurés d’une place en éliminatoires. L’avantage du terrain au premier tour est même à portée de mains. Il n’y a donc pas de risque à prendre. Tôt ou tard, ils auront besoin de leur joueur étoile.

 

Ils auront besoin de celui qui, en une seule course, peut faire basculer un match en leur faveur. Ils auront besoin de celui qui court avec ce désir profond de prouver qu’il appartient à l’élite de son groupe d’âge. Ils auront besoin de celui qui, chaque fois qu’il prend le ballon des mains de son quart-arrière, cherche à honorer les sacrifices faits par sa famille.

 

« Je sais que ça coûte cher venir ici. Je ne veux pas qu’ils aient mis de l’argent sur moi pour que ça ne serve à rien, que ce soit de l’argent dépensé pour rien. Je ne veux pas venir ici pour perdre mon temps. »

 

À sa dernière saison dans les rangs juvéniles, Camara fait tout sauf perdre son temps. En cinq matchs, il domine le circuit avec 715 verges de gains en 75 portées. Avant d’obtenir une soirée de repos dans la défaite de 44-28 face au Blizzard du Séminaire Saint-François la semaine précédente, il venait d’offrir des performances de 268 et 201 verges et trois touchés au total.

 

« Quand il est vraiment dans sa game, tu ne peux pas l’arrêter, vante son coéquipier Kenzy Paul. On en met beaucoup sur le dos de Souleymane. Parce que Souleymane, c’est LE joueur. »

 

Le genre de joueur vers qui on se tourne pour amorcer une remontée… Tirant de l’arrière 13-0 en fin de premier quart face aux Loups, les Dynamiques ne tardent pas à déroger au plan et à renvoyer Camara sur le terrain.

 

À la première occasion, le demi offensif déborde vers la gauche et franchit les 39 verges qui le séparent de la zone des buts.

 

« Souley is back! », crie aussitôt Paul sur les lignes de côté.

 

Camara est en effet de retour. Avec deux autres touchés, dont un sur un retour de botté de 95 verges, et des gains totaux de 316 verges dans un triomphe de 35-20, il étoffe non seulement sa candidature au titre de joueur par excellence du circuit, il prouve qu’il est prêt pour les éliminatoires.

Souleymane Camara

Le porteur de ballon des Dynamiques, Souleymane Camara, à l'échauffement. (Crédit : Éric Bolté)

CHAPITRE 6 : L'EFFONDREMENT

Les Dynamiques s’enfoncent dans les entrailles du CEPSUM en silence. Seul le bruit des crampons au contact des marches bétonnées brise le mutisme dans lequel se terrent les joueurs alors qu’ils regagnent leur vestiaire la tête basse.

 

Coach Pont ferme la procession en s’interrogeant. Comment doit-il réagir? Devrait-il leur « rentrer dedans », ou encore privilégier l’approche douce? Comment son équipe a-t-elle pu échapper une avance de 49-21 après une demie pour finalement s’incliner 63-56 devant les Aigles du Collège Jean-Eudes à son dernier match de la campagne? Comment?

 

« Il faut que t’apprennes à gagner, je t’en ai parlé. Je t’en ai parlé! J’ai vu des gars rentrer à la mi-temps qui pensaient que la game était finie. Je t’avais pourtant dit de faire attention », déplore-t-il calmement avant de monter le ton.

 

« Si on met 56 points sur le board, c’est sûr qu’il faut gagner! Faut que ça vienne te chercher là. Faut que ça vienne te chercher. Faut que ça vienne te chercher… »

 

Cet après-midi, il manquait l'instinct du tueur. D’abord sur les bottés courts que les Aigles ont réussis à répétition, mais surtout sur les plaqués, trop souvent ratés. Si bien que les Dynamiques concluent la saison avec un dossier de 4-4 et le quatrième rang du classement général, tout juste devant les Aigles.

 

Les deux équipes se reverront dans une semaine au Collège Charles-Lemoyne.

 

« Je te le dis, t’es capable de te rendre jusqu’au bout, rappelle Pontbriand. C’est un jeu à la fois, une seconde à la fois. Tu le vis présentement. Il y a trop de potentiel ici, mais il faut que tu sois à la hauteur de ton standard. »

CHAPITRE 7 : LE MATCH ÉLIMINATOIRE

We ready…

 

We ready…

 

We ready…

 

For y’all…

 

Alignés à leur ligne de 50 en attente du tirage au sort, les joueurs des Dynamiques s’agitent au son d’un succès du rappeur Archie Eversole. Ils sont prêts. Prêts pour l’adversaire qui se dresse droit devant eux. Prêts pour la revanche.

 

La victoire est à leur portée. Pontbriand en est convaincu. La défaite de la semaine dernière contre ces mêmes Aigles a beau passer encore de travers dans sa gorge, elle en est la preuve.

 

Et ses joueurs semblent vouloir lui donner raison en première demie. Malgré la perte des deux porteurs de ballon régulier de l’équipe, la pluie et le temps froid, les Dynamiques parviennent à ne concéder que trois points à ceux qui en avaient inscrit 63 une semaine plus tôt. À 0-3 à la mi-temps, ils sont plus que dans le coup.

 

« Il pleut, il fait pas beau et on est blessé, mais il reste 12 joueurs sur le terrain pareil, fait remarquer Groulx aux membres de son attaque. J’ai confiance en tout le monde dans cette équipe. Là, c’est à notre tour, on va mettre des points sur le board. »

 

« De l’adversité, t’en vis là. […] Démontre ton caractère, démontre ta fierté et fais en sorte de terminer cette game-là. Tu gagnes le 3e quart, tu gagnes le 4e quart, pis tu gagnes la game », insiste Coach Pont avant de mettre un terme à la mise au point dans le vestiaire.

 

Converti en porteur de ballon pour palier à la perte de Souleymane Camara et Angel Vital, le receveur no 1 des Dynamiques Kenzy Paul a saisi le message. Avec ses deux touchés inscrits avant la fin du troisième quart, dont un sur une course de 48 verges, la recrue prouve à ses coéquipiers que tout est possible avec encore 12 minutes à jouer et une avance de 12-10.

 

Deux touchés successifs par la course des Aigles contraignent toutefois les Dynamiques à privilégier le jeu aérien pour orchestrer une remontée en moins de cinq minutes.

 

Tout repose sur les épaules du quart-arrière Vincent Laplante, qui connaît déjà un après-midi difficile. Celui qui a dominé tous les autres joueurs de sa position cette saison avec 1670 verges de gains et 16 passes de touché n’arrive pas à retrouver ses moyens. Chaque passe incomplète rapproche les Dynamiques de l’inévitable.

 

Certains revêtiront encore l’uniforme l’an prochain. D’autres poursuivront peut-être leur parcours au niveau collégial. Mais pour bon nombre d’entre eux, cette défaite de 24-12 marque la fin de leur « carrière ». Ils ne joueront plus jamais de football compétitif.

 

« Ils ont été meilleurs que nous autres et c’est tout. Il n’y a rien d’autre à dire là-dessus, résume Pontbriand devant les joueurs qu’il a rassemblés une dernière fois dans le vestiaire. Je persiste à dire que t’es un champion. Ça va être de même tout le temps. Ce que t’as fait cette année, c’était historique. »

 

« L’année 2018 du CCL Juvénile, elle va rester marquée à jamais. Parce que ton histoire, tu l’as écrit. Je suis fier de vous tous, parce que je te le garantis qu’il n’y a personne à part moi et le staff ici qui croyaient en toi », expose Pont à ses protégés, dont quelques-uns sont en sanglots.  

 

« C’est normal que ça te fasse de la peine et que tu aies mal au cœur. Si t’as besoin de brailler, braille. C’est normal ça. C’est normal. Mais ce qui est important, c’est que [vous restiez] soudés. Soudés, tout le temps », illustre-t-il en entrecroisant les doigts avant d'inviter les siens à pousser un ultime cri de ralliement.

 

« 1-2 : CCL! »

 

« 3-4 : Pride! »

 

Pontbriand aura besoin de temps pour accepter l’échec. Il ne s’y habituera jamais. Mais il ne perdra pas de vue l'objectif : le premier championnat. Puis le deuxième. Et le troisième. Et avec des joueurs cadets prometteurs qui s’apprêtent à faire le saut dans les rangs juvéniles, il s’en approche.

 

« On a quelque chose de spécial qui s’en vient. »

Le porteur de ballon des Dynamiques Souleymane Camara et l’entraîneur-chef Michel-Pierre Pontbriand.

Souleymane Camara, blessé, discute avec Michel-Pierre Pontbriand. (Crédit : Éric Bolté)

Les joueurs des Dynamiques serrent la main à ceux des Aigles du Collège Jean-Eudes.

Les joueurs des Dynamiques serrent la main à ceux des Aigles. (Crédit : Éric Bolté)

Notre dossier complet sur les Dynamiques
Première partie: La saison miracle
Deuxième partie: Une journée avec Coach Pont
Troisième partie: Les rescapés
Quatrième partie: Quart un jour quart toujours 

***Le porteur de ballon des Dynamiques Souleymane Camara a été nommé joueur par excellence du circuit juvénile de la RSEQ.

 

***Le receveur des Dynamiques Kenzy Paul a été nommé recrue par excellence du circuit juvénile de la RSEQ.

 

***Le quart-arrière Vincent Laplante a été nommé l’élève-athlète de l’année chez les Dynamiques.

 

*** À la suite de leur victoire aux dépens des Dynamiques, les Aigles du Collège Jean-Eudes ont poursuivi leur chemin jusqu’au Bol d’Or, qu’ils ont remporté en disposant du Blizzard du Séminaire Saint-François par la marque de 38-32 en prolongation.