LES GRANDS BOXEURS ADONIS STEVENSON
Champion des poids mi-lourds du WBC de juin 2013 à décembre 2018, Adonis Stevenson a terminé sa carrière avec une fiche de 29-2-1, 24 K.-O. Sa victoire par knock-out contre Chad Dawson a été nommée K.-O. de l’année par The Ring en 2013. Il a été choisi comme étant le 5e plus grand boxeur québécois du XXIe siècle à la suite d’une consultation auprès d’experts et d’amateurs à RDS.ca.
Que représentent 76 secondes dans la vie d’un homme? Pour Adonis Stevenson, ce laps de temps fut probablement bien des choses. Derrière les barreaux, 76 secondes, c’est une portion d’éternité. Dans le coma, 76 secondes, c’est parfois la différence entre la vie et la mort. Pour Chad Dawson, 76 secondes c’est amplement de temps pour apprendre à connaitre Adonis Stevenson via une simple recherche sur Google. Chose certaine, dans un ring de boxe, 76 secondes, c’est suffisant pour atteindre un statut de super-vedette multimillionnaire.
Cette notion de temps est fort relative. On peut aussi s’amuser à appliquer la notion de la Loi de relativité d’Albert Einstein pour expliquer les succès de Stevenson dans le ring. E = mc2 : le contact de la masse, la main gauche de Stevenson, à pleine vitesse sur une cible donnée, crée une énergie puissante, une arme dévastatrice pour qui sait la contrôler.
Ce contrôle de la matière sera au cœur de la montée fulgurante d’Adonis « Superman» Stevenson.
La fabrication d’un champion
Stevenson entreprend son parcours dans la boxe après être sorti de prison en 2001. L’ancien proxénète représente le Canada aux Jeux du Commonwealth en Australie en 2006 et obtient la médaille d’argent. À son retour au pays, il entreprend sa carrière professionnelle avec Groupe Yvon Michel. Stevenson se bat en sous-carte des vedettes de GYM, Joachim Alcine et Jean Pascal, son ancien rival de l’équipe nationale canadienne.
En 2010, après avoir remporté ses 13 premiers combats professionnels, Stevenson tourne le dos au Groupe Yvon Michel et va tenter sa chance aux États-Unis. L’expérience est malheureuse. Lors d’un gala présenté au Maryland, Stevenson est surpris par une droite-éclair qui l’envoie au tapis au début du 2e round. Le Québécois tarde à se relever et l’arbitre déclare que le combat est terminé. C’est ainsi que Stevenson subit la 1re défaite de sa carrière.
Humilié par ce revers, Stevenson retourne frapper à la porte du bureau d’Yvon Michel, Boulevard St-Laurent à Montréal. Après de nombreuses hésitations, le promoteur décide d’accorder une seconde chance au gaucher. Les deux hommes ne se doutent pas qu’ils s’apprêtent à vivre des années exaltantes!
Le retour de Stevenson au Québec a lieu au moment où l’étoile montante David Lemieux vit un premier écueil. Le soir où Lemieux s’incline par knock-out contre Marco Antonio Rubio, discrètement Stevenson réserve le même sort à Derek Edwards. Les victoires suivantes trouveront plus grand écho, alors que pour la 1re fois de sa carrière, Stevenson se retrouve en tête d’affiche.
En 2011 et 2012, le protégé de l’entraîneur Howard Grant gravit les échelons des poids super-moyens et laisse au passage le souvenir de knock-out dévastateurs, comme celui contre Jesus Gonzales, pratiquement en convulsions au sol après avoir reçu une gauche au visage au 1er round.
Alors qu’il se positionne rapidement pour un combat de championnat du monde chez les 168 livres, Stevenson décide de retourner aux États-Unis, mais cette fois, pour y trouver un nouvel entraîneur. Il se pointe dans l’impitoyable jungle du Kronk’s Gym de Detroit et obtient l’attention du légendaire Emanuel Steward. Tout est en place pour l’apothéose, il ne reste qu’un détail à régler : la revanche contre Darnell Boone. Stevenson fait fi de la notion « High risk, low reward » et défie Boone alors qu’une autre défaite contre l’Américain aurait pour conséquence d’anéantir sa participation acquise à un combat de championnat du monde pour la ceinture IBF ayant appartenu à Lucian Bute. Le boxeur de 35 ans sauve facilement son honneur ainsi que son combat de championnat. Sauf que le duel pour le titre mondial aura plutôt lieu contre Dawson, dans une catégorie de poids supérieure!
La soirée où tout a changé
Le combat contre le champion des mi-lourds du WBC était d’abord destiné à Pascal, un combat où Dawson pouvait savourer sa revanche. Mais Pascal s’est tourné vers Lucian Bute dans un lucratif combat que tout le Québec attendait, de même que les promoteurs des deux boxeurs. Dawson a donc été opposé à Stevenson, alors que le combat Bute-Pascal était repoussé puisque le boxeur d’origine roumaine souffrait d’une blessure.
Pascal se retrouve donc sans combat et est limité au rôle de spectateur aux abords du ring du Centre Bell le 8 juin 2013. Ce gala met aussi à l’affiche les présents ou futurs champions David Lemieux, Artur Beterbiev, Yuriorkis Gamboa et Jose Pedraza. Le tout en présence d’Andre Ward, de Georges St-Pierre, d’Eric Gagné, du rappeur 50 Cents et de l’actrice Jennifer Lawrence.
Dans son vestiaire, Adonis Stevenson a collé sur un mur une image de Steward, décédé 8 mois plus tôt. L’entraîneur avait cru au potentiel de Stevenson, et c’est son neveu, Javan Hill, qui entraîne désormais celui que l’on surnomme « Superman ».
Est-ce que l’issue du combat aurait été différente si Dawson n’avait pas traité le boxeur québécois avec tant de condescendance? Non, car bien peu de boxeurs auraient pu résister à cette terrifiante gauche qui ponctuait une triple feinte. 76 secondes après le début du combat, Dawson s’effondrait au même moment où la foule se soulevait, soufflée par la puissance quasi nucléaire de Stevenson. Les ceintures du WBC et du magazine The Ring revenaient au Québec, elles qui avaient jadis appartenu à Pascal, témoin de la scène en première rangée.
Questionné à savoir ce que représentait cette victoire, Stevenson a répondu avec son large son sourire « money, money, money »! De l’argent, Stevenson en a empoché, grâce au soutien de son conseiller Al Haymon, au cours de défenses où parfois la valeur de l’opposition n’était pas la hauteur du talent du champion. On peut aussi reprocher au duo Stevenson-Haymon de ne pas avoir été à l’écoute des demandes du marché québécois, qui réclamait des combats contre Pascal, Eleider Alvarez ou Sergey Kovalev.
On ne pourra toutefois jamais reprocher à Stevenson de ne pas avoir livré de spectacle. À l’exception de ses duels contre Sakio Bika et Dmitri Sukhotskiy, les 10 défenses de titres de Stevenson, champion de 2013 à 2018 en ont donné pour leur argent aux amateurs de sensations fortes!